Contexte
La consommation de tabac fait plus de morts à travers le monde que toute autre cause de décès évitable. Le meilleur moyen de réduire le tabagisme consiste à empêcher les gens de consommer du tabac et à encourager et aider les fumeurs à s’arrêter. On peut, pour cela, mettre en place des politiques à l'échelle nationale touchant le plus grand nombre, avec une offre de traitement individuel et d'aide à l'arrêt du tabac pour les consommateurs. De nombreux pays ont interdit la publicité du tabac, sans toutefois réglementer sa présentation même. Or les paquets de tabac peuvent être coloré et attrayants, avec de nouvelles formes et tailles qui éveillent la curiosité. Les politiques gouvernementales d'emballage standardisé pour les produits du tabac (« paquet neutre ») visent à éliminer ces images attrayantes et à uniformiser la couleur, la forme ou la taille des paquets. Ces réglementations imposent généralement une même couleur pour tous les paquets, l'absence de logos et de marques distinctives et l'usage d'une police, de couleurs et d'une taille de caractères uniformes pour le nom des marques. Les avertissements sanitaires et autres informations données par les autorités de la santé peuvent encore être imprimés sur les paquets. L'Australie a été le premier pays à introduire les paquets de tabac standardisés, en décembre 2012. La France a été le deuxième en janvier 2017. Plusieurs pays sont en train ou prévoient de mettre en place le paquet neutre. Nous avons cherché à savoir si ces emballages standardisés réduisent la consommation de tabac.
Caractéristiques de l'étude
Nous avons cherché dans neuf bases de données des articles revus par des chercheurs et publiés avant janvier 2016 évaluant les paquets neutres. Nous avons également examiné les références bibliographiques d'autres études dans ces articles et contacté les auteurs lorsque cela était nécessaire.
Principaux résultats
Nous avons trouvé 51 études portant sur environ 800 000 participants. Ces études variaient considérablement. Certaines portaient sur l'effet du paquet neutre en Australie et incluaient l'examen du taux global de tabagisme, des changements de comportement des fumeurs (par ex. diminution du nombre de cigarettes) et du nombre de tentatives de sevrage. Nous avons également inclus des essais dans lesquels les patients utilisaient ou regardaient des paquets neutres et leur réaction était analysée par rapport à leur réponse face à des paquets de marque. Nous avons également inclus des études qui évaluaient les mouvements oculaires quand les sujets regardaient différents paquets ou encore l'acceptation par les acheteurs et le prix qu'ils étaient prêts à payer pour un paquet neutre par rapport aux paquets de marque.
Cinq études seulement portaient sur nos principaux critères d'évaluation. Une étude australienne a examiné les données de 700 000 personnes, avant et après l'introduction du paquet neutre. Cette étude a montré une baisse d'un demi-point de pourcentage dans la proportion de consommateurs de tabac après l'introduction du paquet neutre, en comparaison avec la période précédant celle-ci, où l'ajustement par rapport à d'autres facteurs pouvait affecter cette proportion. Quatre autres études ont cherché à déterminer si les fumeurs consommaient un nombre différent de cigarettes. Deux études réalisées en Australie ont examiné cette question, dont une à l'aide d'enquêtes auprès de 8811 fumeurs actifs, et n'ont trouvé aucun changement dans le nombre de cigarettes fumées. Les trois études de plus petite taille ont donné des résultats mitigés. Deux autres études ont examiné les tentatives de sevrage et observé une augmentation de celles-ci en Australie après l'introduction du paquet neutre. Le reste des études portait sur d'autres critères de jugement et le résultat le plus constant est que le paquet neutre a réduit l'attrait des emballages par rapport aux paquets de marque. Aucune étude n'a rapporté le nombre de personnes ayant arrêté de fumer, le nombre de personnes ayant commencé à consommer du tabac ou le nombre de personnes se remettant à fumer après un sevrage.
Qualité des données
La confiance dans ces résultats est limitée pour plusieurs raisons, notamment à cause des difficultés rencontrées dans l’étude de politiques nationales telles que le paquet neutre. Néanmoins, les résultats suggérant que le paquet neutre peut réduire la consommation de tabac sont étayés par les données relevées régulièrement par le gouvernement australien et par des études portant sur d'autres critères de jugement. Par exemple, dans les études que nous avons incluses, les sujets trouvaient constamment le paquet neutre moins attrayant que les paquets de marque. Nous n'avons trouvé aucune donnée suggérant que le paquet neutre pourrait augmenter la consommation de tabac.
Les données disponibles suggèrent que les emballages standardisés peuvent réduire la prévalence du tabagisme. Un seul pays avait mis en œuvre le « paquet neutre » au moment de cette revue, de sorte que les données probantes proviennent d'une grande étude observationnelle fournissant des données sur cet effet. La réduction du comportement tabagique est corroborée par les données recueillies systématiquement par le gouvernement australien. Les données sur les effets du paquet neutre sur les critères de jugement non comportementaux (par ex. l’attrait) sont plus claires et montrent des mécanismes d'effet plausibles qui concordent avec la réduction observée de la prévalence. Des emballages standardisés sont en cours de mise en œuvre dans différents pays et des programmes de recherche devront être entrepris pour enregistrer leurs effets à long terme sur la prévalence du tabagisme, les comportements et le début de la consommation de tabac. Nous n'avons trouvé aucune donnée suggérant que le paquet neutre pourrait augmenter la consommation de tabac.
Le tabagisme est la première cause de décès et de maladie évitables dans le monde. Les emballages standardisés pour les produits du tabac (« paquet neutre ») constituent une intervention dont le but est de réduire l’attrait promotionnel des paquets. Il s’agit d’emballages de couleur (et, dans certains cas, de forme et de taille) uniforme, sans logo ni marque hormis les avertissements obligatoires, où le nom des marques figure dans une police, une couleur et une taille de caractères uniformes. L’Australie a été le premier pays au monde à mettre en place un emballage standardisée des produits à base de tabac, entre octobre et décembre 2012, et la France a adopté le paquet neutre le 1er janvier 2017 ; plusieurs autres pays sont également en train ou envisagent de mettre en place un emballage standardisé du tabac.
Évaluer l'effet de l'emballage standardisé du tabac sur le début, l'arrêt et la réduction de la consommation de tabac.
Nous avons effectué des recherches dans MEDLINE, Embase, PsycINFO et six autres bases de données de 1980 à janvier 2016. Nous avons examiné les références bibliographiques et contacté les auteurs des études afin d'identifier d'autres études évaluées par des pairs.
Les principaux critères de jugement incluaient les changements de prévalence de la consommation de tabac (début de la consommation, sevrage, consommation et prévention des rechutes). Les critères de jugement secondaires incluaient des paramètres intermédiaires pertinents en relation avec le début, l’arrêt ou la réduction de la consommation de tabac. Nous avons pris en compte différents plans d'étude : essais contrôlés randomisés, études expérimentales et quasi-expérimentales, études observationnelles transversales et études de cohorte. La revue a porté sur toutes les populations et les personnes de tout âge ; pour être incluses, les études devaient être publiées dans des revues évaluées par des pairs. Nous avons examiné les études qui évaluaient l'impact des changements des emballages du tabac : couleur, design, taille et type d’avertissements sanitaires sur les paquets, par rapport aux paquets de marque. Dans les conditions expérimentales, la situation de contrôle était un paquet de tabac de marque, mais parfois aussi des variantes de paquets standardisés.
Le tri et l'extraction des données ont été effectués suivant les méthodes standard de Cochrane. Nous avons utilisé différents domaines de « Risque de biais » pour les différents types d'étude. Nous avons résumé les résultats de manière narrative.
Cinquante et une études, portant sur environ 800 000 participants, répondaient à nos critères d'inclusion. Les études incluses étaient très diverses : études observationnelles, études expérimentales inter- et intra-participants, études de cohorte, études croisées, et analyses de séries chronologiques. Peu d'études ont évalué les paramètres comportementaux chez les jeunes et chez les non-fumeurs. Cinq études évaluaient les critères de jugement principaux : une étude observationnelle évaluant la prévalence du tabagisme chez 700 000 participants jusqu'à un an après l’introduction du paquet neutre en Australie, quatre études évaluant la consommation de 9394 participants, dont une série d’enquêtes transversales australiennes sur 8811 fumeurs actifs, et trois études de plus petite taille. Aucune étude n'a évalué le début de la consommation, le sevrage ou la prévention des rechutes. Deux études ont évalué des tentatives de sevrage. Vingt études ont porté sur d'autres critères comportementaux et 45 études examinaient des critères de jugement non comportementaux (par ex. attrait, perception des effets nocifs). L’évaluation des emballages de tabac standardisés comporte certaines difficultés et nous avons par conséquent observé un certain nombre de limitations méthodologiques. Dans l'ensemble, nous avons estimé que la plupart présentaient un risque de biais élevé ou incertain dans au moins un domaine. La seule étude incluse évaluant l'impact du paquet neutre sur la prévalence du tabagisme en Australie a mis en évidence une réduction de 3,7 % des cotes dans la comparaison entre avant et après le changement d’emballage, soit une baisse de 0,5 point de pourcentage de la prévalence du tabagisme, après ajustement en fonction des facteurs de confusion. La confiance dans cette conclusion est limitée en raison de la nature des données disponibles et sa valeur probante est donc mauvaise selon les critères GRADE. Les résultats sont mitigés dans les quatre études évaluant la consommation, dont certaines n'ont trouvé aucune différence et certaines rapportent des indices d'une diminution ; la certitude pour ce critère de jugement a été considérée comme très mauvaise selon le système GRADE en raison des limitations du plan d'étude. Une étude de cohorte nationale australienne portant sur des adultes fumeurs (5441 participants) a découvert que les tentatives de sevrage étaient passées de 20,2 % avant l'introduction du paquet neutre à 26,6 % un an après. Une deuxième étude portant sur les appels aux services téléphoniques d’aide au sevrage corrobore indirectement ce résultat, avec une augmentation observée du nombre d'appels de 78 % après la mise en place du paquet neutre. Ici encore, la valeur probante est médiocre. Les études portant sur d'autres critères comportementaux ont trouvé des preuves d'une augmentation des comportements d’évitement avec les paquets neutres, une diminution de la demande de paquets neutres et une réduction de l'appétence. Des données issues d'études mesurant les mouvements oculaires ont montré une augmentation de l'attention visuelle aux avertissements sanitaires sur les paquets neutres par rapport aux paquets de marque. Cette dernière observation a été corroborée par les données issues d'études évaluant des critères de jugement non comportementaux, qui ont généralement mis en évidence une plus grande prégnance des avertissements lorsque les sujets avaient un paquet neutre sous les yeux qu’avec un paquet de marque. Il existe des données contradictoires sur la cognition du sevrage, tandis que les résultats chez les jeunes indiquent que le paquet neutre serait globalement moins susceptible que les paquets de marque de les inciter à commencer à fumer. Les données les plus probantes concernent l’attrait, les paquets neutres étant moins bien notés à cet égard que les paquets de marque. Le tabac en paquet neutre est également perçu comme ayant moins bon goût et étant de qualité inférieure au tabac dans les paquets de marque. Les emballages standardisés semblent également réduire la perception erronée de certaines cigarettes comme moins dangereuses que d'autres, mais uniquement lorsque des couleurs sombres étaient utilisées pour les paquets neutres.
Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France