Quel était l'objectif de cette revue ?
L'objectif de cette revue Cochrane était de déterminer si les répulsifs anti-moustiques - les répulsifs topiques (appliqués sur la peau) ; les vêtements imprégnés d'insecticide ; ou les répulsifs spatiaux tels que serpentins anti-moustiques - peuvent prévenir le paludisme. Nous avons recueilli et analysé les résultats de toutes les études pertinentes pour répondre à cette question et nous avons trouvé des données provenant de dix essais cliniques : six portaient sur les répulsifs topiques, deux sur les vêtements imprégnés d'insecticide, et deux sur les répulsifs spatiaux.
Messages clés
Nous ne savons pas si utiliser des lotions répulsives ou si brûler des serpentins anti-moustiques peut fournir une protection contre le paludisme aux communautés vivant dans des régions endémiques. Lorsque les moustiquaires imprégnées d'insecticide longue durée (MILD) ne peuvent pas être utilisées, par exemple suite à une catastrophe naturelle ou au sein de populations déplacées, l'utilisation de vêtements imprégnés d'insecticide peut réduire de 50% le risque d'infection palustre. La plupart des études incluses dans l'analyse étaient mal conçues et présentaient un risque élevé de biais. Afin de tirer des conclusions de qualité, davantage d'études de haute qualité doivent être menées pour améliorer la certitude offerte par les preuves. Toutefois, il est pertinent de se demander si les répulsifs topiques peuvent être utilisés pour la prévention du paludisme dans la population générale car le respect de l'utilisation quotidienne et la faible standardisation (quantité de répulsif utilisé, surface sur laquelle le répulsif a été appliqué, temps d'application, et période entre les applications répétées) sont des limitations importantes de cette intervention .
Ce qui a été étudié dans cette revue
Les répulsifs anti-moustiques offrent une protection contre les piqûres de moustiques. Il existe trois types de répulsifs différents : les répulsifs topiques, qui peuvent être appliqués sur la peau ; les vêtements imprégnés d'insecticide, par imprégnation des vêtements au moyen de composés hydrophobes ; et les répulsifs spatiaux, tels que les serpentins anti-moustiques. Le paludisme a diminué dans de nombreux pays parce que de nombreuses populations ont reçu des MILD très efficaces. Cependant les gens continuent de se faire piquer avant d'aller se coucher. Il est nécessaire de trouver un moyen d'offrir une protection contre le paludisme à ces moments. Les répulsifs anti-moustiques peuvent combler cette lacune.
Quels sont les principaux résultats de la revue ?
Six essais portaient sur l'utilisation de répulsifs topiques pour la prévention du paludisme. Les essais ont été menés dans différentes régions endémiques en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique sub-saharienne. Les répulsifs topiques testés comprennent des lotions, du savon traité et des cosmétiques locaux. Nous avons analysé les études en groupes en fonction de l'inclusion des MILD. La plupart des études ont offert des MILD à la population et ont évalué des répulsifs topiques comme intervention complémentaire aux moustiquaires traitées. Les preuves ont permis une faible certitude en raison de la mauvaise conception des études incluses, et par conséquent nous ne savons pas s'il est bénéfique d'utiliser des répulsifs topiques en plus des MILD pour prévenir le paludisme. Il reste difficile de s'assurer que les participants adhérent à l'application quotidienne de répulsif, ce qui représente un défi pour la recherche.
Les vêtements imprégnés à l'insecticide ont été étudiés dans deux essais menés auprès de réfugiés au Pakistan et de militaires déployés en Amazonie ; aucune des études n'a offert ou rapporté l'utilisation de moustiquaires. En l'absence de MILD, il existe des preuves indiquant que les vêtements imprégnés d'insecticide peuvent réduire de 50% le risque d'infection palustre. Étant donné que les résultats se rapportent à des populations particulières vivant dans des conditions particulièrement difficiles, il est difficile de savoir si les résultats sont applicables à la population générale. D'autres études portant sur les populations civiles doivent être réalisées pour améliorer la certitude offerte par ces résultats.
Deux études portaient sur la combustion de serpentins anti-moustiques pour réduire les infections palustres. Une étude a été menée en Chine et l'autre en Indonésie. Les plans d'étude étaient très différents, et une étude présentait un risque élevé de biais, il a ainsi été jugé que les preuves permettaient une très faible certitude. Nous ne savons pas si les serpentins anti-moustiques offrent une protection contre le paludisme. Les résultats soulignent la nécessité de poursuivre les recherches.
Cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont cherché des études ayant été publiées jusqu'au 26 juin 2017.
Il n'y a pas suffisamment de preuves pour établir si les répulsifs topiques ou spatiaux peuvent prévenir le paludisme. Il est nécessaire que les essais soient mieux conçus pour que les preuves permettent une plus haute certitude avant que des recommandations de qualité ne puissent être produites. Le respect de l'application quotidienne des répulsifs reste une limitation majeure. Les vêtements imprégnés à l'insecticide peuvent réduire le risque d'infection palustre en l'absence de moustiquaires imprégnées d'insecticide ; davantage d'études portant sur les vêtements imprégnés d'insecticide dans la population générale devraient être réalisées pour élargir l'applicabilité des résultats.
Le paludisme est une cause importante de morbidité et de mortalité dans les régions endémiques. Des succès considérables ont été réalisés contre le paludisme ces dix dernières années, principalement grâce aux moustiquaires imprégnées d'insecticide longue durée (MILD). Cependant, l'élimination de la maladie se révèle difficile car les méthodes de contrôle actuelles ne protègent pas contre les moustiques piquant à l'extérieur et lorsque les gens sont actifs. Les répulsifs peuvent fournir une solution de protection individuelle pendant ces périodes.
Évaluer l'impact des répulsifs topiques, des vêtements imprégnés d'insecticide, et des répulsifs spatiaux sur la transmission du paludisme.
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes jusqu'au 26 juin 2017 : le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies infectieuses ; le registre central des essais contrôlés (CENTRAL), publié dans la Bibliothèque Cochrane ; sur MEDLINE ; EMBASE ; US AFPMB ; CAB Abstracts ; et LILACS. Nous avons également consulté les plates-formes d'enregistrement d'essai et les actes de conférences ; et nous avons contacté des organisations et des entreprises pour identifier des essais en cours et non publiés.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) et les essais contrôlés randomisés en grappes portant sur les répulsifs topiques ayant démontré repousser les moustiques ; les vêtements imprégnés à la perméthrine ; et les répulsifs spatiaux tels que les serpentins anti-moustiques. Nous avons inclus les essais portant sur l'utilisation de répulsifs avec ou sans MILD (des moustiquaires imprégnées d'insecticide).
Deux auteurs de la revue ont indépendamment examiné les essais pour déterminer leur inclusion, extrait les données et évalué le risque de biais. Un troisième auteur de la revue a aidé à résoudre les divergences. Nous avons analysé les données en effectuant des méta-analyses et stratifié en fonction de l'inclusion des MILD. Nous avons combiné les résultats des ECR en grappes aux ECR à unité de randomisation individuelle en ajustant pour l'effet cluster des cas et nous avons présenté les résultats au moyen de forest plots. Nous avons utilisé le système GRADE pour évaluer la certitude des preuves.
Huit ECR en grappes et deux ECR à unité de randomisation individuelle répondaient aux critères d'inclusion. Six essais ont étudié les répulsifs topiques, deux essais ont étudié les vêtements imprégnés d'insecticide, et deux essais ont étudié les répulsifs spatiaux.
Les répulsifs topiques
Six ECR, dont cinq ayant randomisé des grappes, ont évalué les répulsifs à application topique pour les personnes vivant dans des régions où le paludisme est endémique. Quatre essais portaient sur des répulsifs topiques combinés à des moustiquaires, mais deux essais menés au sein de populations déplacées portaient sur les répulsifs topiques seuls. On ne sait pas si les répulsifs topiques peuvent prévenir le paludisme clinique (RR 0,65, IC à 95% de 0,4 à 1,07, preuves de très faible certitude) ou l'infection palustre (RR 0,84, IC à 95% de 0,64 à 1,12, preuves de faible certitude) causée par P. falciparum. On ne sait pas s'il existe une protection contre les cas cliniques de P. vivax (RR 1,32, IC 95% de 0,99 à 1,76, preuves de faible certitude) ou concernant l'incidence des infections (RR 1,07, IC à 95% de 0,80 à 1,41, preuves de faible certitude). L'analyse en sous-groupes portant sur les essais ayant utilisé des moustiquaires imprégnées d'insecticide n'a pas montré d'effet protecteur des répulsifs topiques contre le paludisme. Seules deux études n'ont pas utilisé de moustiquaires imprégnées d'insecticide, et celles-ci ont mesuré des résultats différents ; la première a rapporté un effet protecteur contre les cas cliniques de P. falciparum (RR 0,40, IC à 95% de 0,23 à 0,71) ; mais l'autre étude a rapporté une absence d'effet protecteur au niveau de l'incidence de l'infection palustre causée par P. falciparum ou par P. vivax.
Les vêtements imprégnés d'insecticide
Les vêtements imprégnés d'insecticide ont fait l'objet d'essais dans des camps de réfugiés au Pakistan et parmi des militaires basés en Amazonie colombienne. Aucune moustiquaire imprégnée d'insecticide n'a été offerte aux participants dans ces essais. En l'absence de moustiquaires, les vêtements imprégnés peuvent réduire l'incidence du paludisme clinique causé par P. falciparum d'environ 50% (RR 0,49, IC à 95% de 0,29 à 0,83, preuves de faible certitude) et par P. vivax (RR 0,64, IC à 95% de 0,40 à 1,01, preuves de faible certitude).
Les répulsifs spatiaux
Deux ECR randomisés en grappes ont évalué les serpentins anti-moustiques pour la prévention du paludisme. Nous ne savons pas quel est l'effet des répulsifs spatiaux sur la prévention du paludisme (RR 0,24, IC à 95% de 0,03 à 1,72, preuves detrès faible certitude). Il y avait une grande hétérogénéité entre les études et une étude était à risque élevé de biais.
Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France