Utilisation de la morphine dans le traitement de la douleur neuropathique chronique chez l’adulte

Bilan

Il n'existe que des données de faible qualité concernant la prise de morphine par voie orale, et notamment de son efficacité sur la douleur chez les personnes souffrant de douleurs neuropathiques modérées ou sévères.

Contexte

La douleur neuropathique est une douleur causée par des lésions nerveuses. La douleur neuropathique diffère des messages de douleur qui sont transmis le long des nerfs sains à partir de tissus endommagés (par une chute ou une coupure, ou un genou arthritique). La douleur neuropathique est souvent traitée par des médicaments différents de ceux utilisés pour soulager la douleur causée par des lésions tissulaires, souvent considérés comme des analgésiques. Les médicaments qui sont parfois prescrits pour traiter la dépression ou l'épilepsie peuvent être efficaces chez certaines personnes souffrant de douleur neuropathique. Les analgésiques opioïdes sont parfois utilisés pour traiter les douleurs neuropathiques.

Les analgésiques opioïdes sont des médicaments comme la morphine. La morphine est issue de plantes ou synthétisée par des chimistes. L’utilisation de la morphine comme analgésique est très répandue, celle-ci est généralement administrée par voie orale.

Pour nous, un bon résultat équivaut à une personne ayant un niveau élevé de soulagement des douleurs et pouvant continuer à prendre son traitement sans avoir des effets secondaires entrainant l'arrêt de celui-ci.

Caractéristiques des études

En février 2017, nous avons recherché des essais cliniques dans lesquels la morphine était utilisée pour traiter la douleur neuropathique chez les adultes. Cinq études ont rempli les critères d'inclusion, et randomisaient 236 participants pour un traitement à base de morphine, de placebo ou d'autres médicaments. Les études ont duré quatre à huit semaines. Peu d’études ont fait état de résultats bénéfiques qui seraient considérés comme cliniquement pertinents.

Principaux résultats

Quatre études de faible envergure ont signalé que la douleur était réduite d'un quart à un tiers chez certaines personnes. Ce niveau de réduction de la douleur a été ressenti par 6 participants sur 10 avec la morphine et par 4 participants sur 10 avec le placebo. Entre 1 et 2 participants sur 10 ont abandonné le traitement à la morphine et au placebo, mais les raisons de l’abandon du traitement n'ont pas été données. Les effets secondaires étaient mal rapportés, mais ils étaient plus fréquents avec la morphine qu'avec le placebo, et incluaient : somnolence, étourdissements, constipation, sensation de malaise, sécheresse de la bouche et diminution de l'appétit.

Valeur probante des données

Les données probantes étaient de très faible qualité. Cela signifie que les recherches ne donnaient pas une indication fiable de l’effet probable et que la probabilité que l'effet soit sensiblement différent de celui observé est extrêmement élevée. Les petites études comme celles incluses dans cette revue ont tendance à surestimer les résultats du traitement par rapport aux effets constatés dans des études plus importantes et mieux conçues. Il y avait d'autres problèmes qui pouvaient conduire à des résultats trop optimistes. La très faible qualité des données probantes et l'absence de tout bénéfice important signifient que nous avons besoin de nouveaux essais de grande envergure et de longue durée avant de savoir si la morphine est utile pour le traitement de la douleur neuropathique.

Conclusions des auteurs: 

Les preuves sont insuffisantes pour soutenir ou réfuter l'efficacité de la morphine contre toute maladie neuropathie douloureuse.

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Contexte: 

La douleur neuropathique, qui est causée par une lésion ou une maladie affectant le système somato-sensoriel, peut être d'origine centrale ou périphérique. La douleur neuropathique est souvent associée à des symptômes tels que des sensations de brûlure ou d’élancement, une sensibilité anormale à des stimuli normalement indolores ou une sensibilité accrue à des stimuli normalement douloureux. La douleur neuropathique est un symptôme courant de nombreuses maladies du système nerveux. Les médicaments opioïdes, dont la morphine, sont couramment utilisés pour traiter la douleur neuropathique. Les revues existantes ont pour la plupart examiné l’ensemble des opioïdes. Cette revue a cherché des preuves spécifiques pour la morphine ; les autres opioïdes sont examinés dans des revues séparées.

Objectifs: 

Evaluer l'efficacité analgésique et les effets indésirables de la morphine pour traiter la douleur neuropathique chronique chez l'adulte.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE et EMBASE pour les essais contrôlés randomisés depuis la création de ces bases jusqu'en février 2017. Nous avons également recherché dans les bibliographies des études et des revues récupérées, et dans les registres d'essais cliniques en ligne.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais randomisés en double aveugle d'une durée de deux semaines ou plus, comparant la morphine (toute voie d'administration) avec un placebo ou un autre traitement actif pour la douleur neuropathique, avec évaluation de la douleur déclarée par les participants.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de revue ont extrait les données de façon indépendante et ont évalué la qualité et les biais des essais. Les principaux critères de jugement étaient : nombre de participants présentant un soulagement substantiel de la douleur (au moins 50 % de soulagement de la douleur par rapport au niveau de référence ou une très nette amélioration sur l'échelle PGIC (Patient Global Impression of Change, impression globale du patient sur le changement), ou un soulagement modéré de la douleur (au moins 30 % de soulagement de la douleur par rapport au niveau de référence ou une très nette amélioration sur l'échelle PGIC). Lorsque l'analyse groupée était possible, nous avons utilisé des données dichotomiques pour calculer le risque relatif (RR) et le nombre de sujets à traiter (NST) pour obtenir un résultat bénéfique supplémentaire ou le nombre nécessaire pour nuire (NNN). Nous avons évalué la qualité des données probantes à l’aide de la méthode GRADE et créé deux tableaux de « Résumé des résultats ».

Résultats principaux: 

Nous avons identifié cinq études randomisées, en double aveugle et croisées, avec des périodes de traitement de quatre à sept semaines, impliquant 236 participants souffrant de douleurs neuropathiques convenablement caractérisées ; 152 participants (soit 64 %) ont terminé toutes les phases de traitement. La morphine orale a été titrée à des doses quotidiennes maximales de 90 mg à 180 mg ou à la dose maximale tolérée, puis maintenue pendant le reste de l'étude. Les participants avaient ressenti des douleurs neuropathiques modérées ou sévères pendant au moins trois mois. Ces études ont porté sur des personnes souffrant de neuropathie diabétique douloureuse, de neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie, de critères de névralgie postherpétique, de douleurs de membre fantôme ou de de douleur de post-amputation et de radiculopathie lombaire. Les personnes exclues souffraient généralement de comorbidités importantes ou de douleurs dues à d'autres causes.

Dans l'ensemble, nous avons jugé que les études présentaient un faible risque de biais, mais la petite taille des études et la méthode d'imputation utilisée pour les participants qui se sont retirés des études ont suscité des inquiétudes, car elles pourraient toutes deux conduire à une surestimation des bénéfices du traitement et à une sous-estimation des effets néfastes.

Il n'y avait pas ou peu de preuves pour les principaux critères de jugement d'intérêt de l'efficacité ou de la nocivité. Quatre études ont rapporté une approximation d’une amélioration modérée de la douleur (tout critère lié à la douleur sur lequel les résultats indiquaient une certaine amélioration) en comparant la morphine avec un placebo pour différents types de douleurs neuropathiques. Nous avons regroupé ces données dans une analyse exploratoire. Une amélioration modérée a été constatée chez 63 % des participants avec la morphine (87/138) et chez 36 % avec le placebo (45/125) ; la différence de risque (DR) était de 0,27 ; l’intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,16 à 0,38, analyse à effets fixes, et le NST de 3,7 (2,6 à 6,5). Nous avons estimé que la qualité des preuves était très faible en raison du petit nombre d'événements observés ; les informations disponibles ne fournissaient pas d'indication fiable sur l'effet probable et la probabilité que celui-ci soit sensiblement différent était très élevée. Une analyse exploratoire similaire pour un soulagement substantiel de la douleur sur trois études (177 participants) n'a pas montré de différence entre la morphine et le placebo.

Dans quatre études, un arrêt du traitement pour toutes causes confondues a été observé chez 16 % des participants sous morphine (24/152) et 12 % sous placebo (16/137) . La DR était de 0,04 (-0,04 à 0,12, analyse à effets aléatoires). Les effets indésirables ont été rapportés de manière inégale. Ils étaient plus fréquents avec la morphine qu'avec le placebo et typiques des opioïdes. Il y a eu deux effets indésirables graves, l'un avec la morphine, l'autre avec une combinaison de morphine et de nortriptyline. Aucun décès n'a été signalé. Les données sur ces critères de jugement ont été jugées de très mauvaise qualité en raison du nombre limité de participants et d'événements observés.

Notes de traduction: 

Post-édition : Bussière Emmy - Révision : Eva Houdu (M2 ILTS, Université de Paris)

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.