Contexte
La bronchectasie est une maladie pulmonaire impliquant des voies respiratoires anormales, ce qui entraîne des infections pulmonaires répétées, et associée à un taux de mortalité plus de deux fois supérieur à celui de la population générale. Bien qu'auparavant considérée comme une maladie relativement rare, le nombre de personnes touchées semble augmenter, en particulier chez celles de plus de 75 ans dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les antibiotiques sont le principal traitement des infections pulmonaires, mais leur utilisation doit être mise en balance avec les effets secondaires potentiels et le risque d'augmenter la résistance aux antibiotiques. Une stratégie pour améliorer la réponse et/ou réduire la résistance aux antibiotiques consiste à administrer deux antibiotiques en même temps, c’est-à-dire une double antibiothérapie. Cette revue visait donc à évaluer les effets des antibiotiques doubles dans le traitement des adultes et des enfants atteints de bronchectasie.
Caractéristiques de l’étude
En octobre 2017, nous avons identifié deux études pertinentes comparant la bithérapie orale et par inhalation à la thérapie orale seule. Elles comprenaient un total de 118 adultes d'un âge moyen de 62,8 ans. Une étude a comparé la tobramycine administrée par inhalation combinée à la ciprofloxacine administrée par voie orale à la ciprofloxacine administrée par voie orale seule, et la deuxième étude a comparé la gentamicine administrée par inhalation combinée à un antibiotique à action générale (touchant tout le corps, plutôt que seulement les poumons) à un antibiotique à action générale seul. Seul un résumé de recherche était disponible pour la deuxième étude. Les articles publiés n'indiquaient pas les sources de financement des études.
Résultats principaux
Les résultats d'une petite étude menée auprès de 53 adultes n'ont révélé aucun effet bénéfique d'un double traitement (par voie orale et par inhalation) sur la réussite du traitement des exacerbations, l’apparition d'événements indésirables graves, la quantité de mucosités, la fonction pulmonaire ou la résistance à un traitement antibiotique. Cependant, nous n'avons pas trouvé suffisamment d'éléments probants pour permettre de tirer des conclusions définitives au sujet de leur utilisation.
Qualité des données probantes
La qualité générale des données probantes était très mauvaise, principalement car l'une des études n'était pas bien décrite et comptait peu de participants. Aucune information sur les exacerbations, la capacité de faire de l'exercice et la qualité de vie n'a été rapportée. Nous n'avons pas trouvé d'essais comparant d'autres types d'antibiothérapie double, et nous n'en avons trouvé aucun qui comprenait des enfants. Par conséquent, il demeure une incertitude quant à l'utilisation des antibiotiques doubles, et d'autres études de grande qualité sont nécessaires afin d’examiner le rôle des antibiotiques doubles dans le traitement des adultes et des enfants atteints de bronchectasie.
Un petit nombre d'études sur personnes adultes ont produit des données probantes de grande qualité qui sont insuffisantes pour en tirer des conclusions solides, et les études sur enfants n'ont fourni aucune donnée probante. Nous n'avons identifié qu'une seule combinaison d'antibiotiques administrés par voie orale et par inhalation en double thérapie. Les résultats de cet essai unique mené auprès de 53 adultes, que nous avons pu inclure dans la synthèse quantitative, n'ont révélé aucun avantage thérapeutique de la bithérapie par voie orale et par inhalation pour le traitement efficace des exacerbations, des effets indésirables graves, du volume d’expectorations, de la fonction pulmonaire et de la résistance aux antibiotiques. D'autres recherches de haute qualité sont nécessaires pour déterminer l'efficacité et l'innocuité d'autres combinaisons d'antibiotiques doubles chez les adultes et les enfants atteints de bronchectasie, particulièrement en ce qui concerne la résistance aux antibiotiques.
La bronchectasie est une maladie respiratoire chronique caractérisée par une dilatation anormale et irréversible des petites voies respiratoires et associée à un taux de mortalité supérieur au double de celui de la population générale. Les antibiotiques servent de thérapie de première intention pour la gestion de la charge bactérienne, mais leur utilisation est mise en balance avec le développement de la résistance aux antibiotiques. L'antibiothérapie double a le potentiel de supprimer les infections causées par de multiples souches bactériennes, ce qui mènerait à un traitement plus efficace des exacerbations, à une réduction des symptômes et à une amélioration de la qualité de vie. D'autres données probantes sont nécessaires afin d’évaluer l'efficacité des antibiotiques doubles en termes de la gestion des exacerbations et de l’ampleur de la résistance aux antibiotiques.
Évaluer les effets des antibiotiques doubles dans le traitement des adultes et des enfants atteints de bronchectasie.
Nous avons identifié des études dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les voies respiratoires (CAGR), qui comprend le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE, Embase, le Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature (CINAHL), Allied and Complementary Medicine (AMED) et PsycINFO, ainsi que des études obtenues par recherche manuelle des revues/abstracts. Nous avons également effectué des recherches dans les registres d'essai suivants : Le National Institutes of Health Ongoing Trials Register américain, ClinicalTrials.gov, et le système d'enregistrement international des essais cliniques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Nous n'avons imposé aucune restriction quant à la langue de publication. Nous avons effectué nos recherches en octobre 2017.
Nous avons cherché des essais contrôlés randomisés comparant la prise de deux antibiotiques à celle d’un seul antibiotique pour la gestion à court terme (< 4 semaines) ou à long terme de la bronchectasie diagnostiquée chez l'adulte et/ou l'enfant par bronchographie, radiographie pulmonaire simple ou tomodensitométrie haute résolution. Les principaux critères de jugement comprenaient les exacerbations, la durée de l'hospitalisation et les effets indésirables graves. Les critères secondaires étaient les taux de réponse, l'émergence d'une résistance aux antibiotiques, les marqueurs systémiques de l'infection, le volume et la pureté des expectorations, les mesures de la fonction pulmonaire, les événements ou effets indésirables, les décès, la capacité physique et la qualité de vie en matière de santé. Nous n'avons pas utilisé les mesures des résultats comme critères de sélection.
Deux auteurs de la revue ont examiné indépendamment les titres et les résumés de 287 dossiers, ainsi que le texte intégral de sept rapports. Deux études répondaient aux critères d'inclusion de la revue. Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données des résultats et évalué le risque de biais. Nous avons extrait des données d'une seule étude et effectué des évaluations GRADE sur les critères suivants : traitement efficace de l'exacerbation, taux de réponse et effets indésirables graves.
Deux essais randomisés ont évalué l'efficacité de la bithérapie orale et par inhalation par rapport à la monothérapie orale sur un total de 118 adultes d'un âge moyen de 62,8 ans. Un essai multicentrique a comparé la tobramycine en inhalation combinée à la ciprofloxacine par voie orale à la ciprofloxacine seule, et un essai monocentrique a comparé la gentamicine nébulisée combinée aux antibiotiques systémiques à un antibiotique systémique seul. Les articles publiés n'indiquaient pas les sources de financement des études.
Les estimations d’effets issues d'une petite étude, menée auprès de 53 adultes, n'ont mis en évidence aucun effet bénéfique du traitement double (par voie orale et par inhalation), pour les principaux critères de jugement suivants à la fin de l'étude : gestion efficace de l'exacerbation - guérison au jour 42 (rapport des cotes (RC) 0,66, intervalle de confiance (IC) à 95 % : 0,22 à 2,01 ; 53 participants ; une seule étude ; preuves de très faible qualité) ; nombre de participants chez qui Pseudomonas aeruginosa a été éradiquée au jour 21 (RC 2,33, IC à 95 % : 0,66 à 8,24 ; 53 participants ; une seule étude ; preuves de très faible qualité) ; effets indésirables graves (RC 0.48, IC à 95 % : 0.08 à 2.87; 53 participants ; une seule étude ; preuves de très faible qualité). De même, les chercheurs n'ont fourni aucune preuve de bénéfice du traitement pour les critères secondaires suivants : taux de réponse clinique - rechute au jour 42 (RC 0,57 ; IC à 95 % : 0,12 à 2,69 ; 53 participants ; une seule étude ; preuves de très faible qualité) ; taux de réponse microbiologique au jour 21 - éradiquée (RC 2,40 ; IC à 95 % : 0,67 à 8,65 ; 53 participants ; une étude ; preuves de très faible qualité) et événements indésirables - incidence de respiration sifflante (RC 5,75 ; IC à 95 % : 1,55 à 21,33). Les données ne montrent aucun avantage en termes de volume d’expectorations, de fonction pulmonaire ou de résistance aux antibiotiques. Les résultats d'une deuxième petite étude portant sur 65 adultes, disponibles uniquement sous forme de résumé, n'ont pas été inclus dans la synthèse quantitative des données. Les études incluses n'ont pas fait état de nos autres principaux critères de jugement : durée, fréquence et délai avant la prochaine exacerbation ; ni de nos critères secondaires : marqueurs systémiques de l'infection, capacité d’exercice physique et qualité de vie. Nous n'avons pas identifié d'essais incluant des enfants.
Post-édition : Antoine Rozier - Révision : Maxence Jurbert (M2 ILTS, Université Paris Diderot)