Quelle est la question ?
La dialyse péritonéale (DP) est une forme établie de thérapie de remplacement du rein utilisant la propre membrane péritonéale du patient (revêtement intérieur de l'abdomen) comme membrane de dialyse. Traditionnellement, l'initiation de la DP est retardée de deux semaines après la pose d'un cathéter de DP pour laisser le temps à la plaie de cicatriser. Cependant, certains patients nécessitent une dialyse en urgence et ne peuvent pas attendre deux semaines. Afin d'éviter une procédure supplémentaire d'insertion d'un cathéter pour l'hémodialyse (HD) chez les patients en DP, des études ont rapporté succès de l'initiation de la DP en urgence dans les deux semaines suivant l'insertion du cathéter. La revue a comparé les critères de jugement des patients en DP ayant commencé la dialyse en urgence avec ceux des patients en HD ayant débuté la dialyse par cathéter.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons effectué une revue systématique pour examiner les bénéfices et les risques des patients atteints d'une maladie rénale chronique ayant commencé une DP en urgence (généralement dans les deux semaines suivant l'insertion du cathéter de DP) avec ceux ayant bénéficié d’une HD par cathéter de dialyse.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons identifié 7 études (991 participants) comparant les bénéfices et les risques de l'initiation en urgence d'une dialyse péritonéale et d'une hémodialyse par cathéter. Nous avons constaté que les patients ayant bénéficié d’une DP en urgence pourraient avoir un risque plus faible d'infection du sang (présence de bactéries dans le sang) par rapport aux patients ayant bénéficié d’une HD par cathéter de dialyse. Les différences ne sont pas claires entre les deux modes de dialyse en ce qui concerne les risques d'avoir d'autres complications infectieuses et des complications mécaniques d'un cathéter de dialyse, ou la durabilité du type original de traitement par dialyse (DP ou HD), étaient incertaines.
Conclusions
Les patients en dialyse péritonéale (DP) pourraient présenter un risque d'infection sanguine plus faible que ceux sous hémodialyse (HD) avec utilisation d’un cathéter. Toutefois, l’existence de différences concernant les autres complications liées à l'infection ou au cathéter, la capacité à rester sous le même type de traitement par dialyse et la survie du patient reste peu claire entre une DP en urgence et une HD par cathéter.
Par rapport à l’hémodialyse (HD) initiée par cathéter veineux central (CVC), la dialyse péritonéale (DP) en urgence pourrait réduire le risque de bactériémie et a des effets incertains sur les autres complications de la dialyse et de la technique et sur la survie du patient. En résumé, il existe très peu d'études comparant directement les résultats de la DP initiée en urgence et de l’HD par CVC pour les patients atteints d’un maladie rénale chronique nécessitant une dialyse en urgence. Ce manque de données probantes doit être comblé dans les études futures.
Les patients atteints d'une maladie rénale chronique (MRC) nécessitant une dialyse en urgence mais n’ayant pas d'accès permanent de dialyse ont traditionnellement commencé une hémodialyse (HD) en utilisant un cathéter veineux central (CVC). Cependant, plusieurs études ont rapporté que le lancement en urgence d'une dialyse péritonéale (DP) est une option alternative viable pour ces patients.
Cette revue visait à examiner les bénéfices et les risques de la DP en urgence par rapport à l’HD grâce à un CVC chez les adultes et les enfants atteints d'une MRC nécessitant un traitement de substitution rénale à long terme.
Nous avons effectué une recherche dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les reins et les greffes jusqu'au 25 mai 2020 pour trouver des essais contrôlés randomisés en contactant le spécialiste de l'information à l'aide de termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le registre sont identifiées grâce à des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, des actes des conférences, le système d’enregistrement international des essais cliniques de l’OMS (ICTRP) et le site ClinicalTrials.gov.
Pour les essais contrôlés non randomisés, des recherches dans MEDLINE (OVID) (1946 au 11 février 2020) et EMBASE (OVID) (1980 au 11 février 2020) ont été effectuées.
Tous les essais contrôlés randomisés (ECR), quasi-ECR et non-ECR comparant la DP en urgence à l’HD initiée par CVC.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données et évalué la qualité des études. Des informations complémentaires ont été obtenues auprès des investigateurs principaux. Les estimations de l'effet ont été analysées à l'aide d'un modèle à effets aléatoires et les résultats ont été présentés sous forme de risques relatifs (RR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. La méthode GRADE a été utilisée pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.
Au total, sept études observationnelles (991 participants) ont été incluses : trois études de cohorte prospectives et quatre études de cohorte rétrospectives. Tous les critères de jugement, sauf un (la bactériémie), ont été classés comme étant d’un niveau de confiance très faible, étant donné que toutes les études incluses étaient des études observationnelles et qu'elles ont rapporté peu d'événements entraînant une imprécision et une inconstance des résultats. La DP en urgence pourrait réduire l'incidence des bactériémies liées aux cathéters par rapport à l’HD initiée par CVC (2 études, 301 participants : RR 0,13, IC à 95 % 0,04 à 0,41 ; I2 = 0% ; données probantes d’un niveau de confiance faible), ce qui s'est traduit par 131 épisodes de bactériémie de moins pour 1000 (IC à 95 % 89 à 145 de moins). La DP en urgence a des effets incertains sur le risque de péritonite (2 études, 301 participants : RR 1,78, IC à 95 % 0,23 à 13,62 ; I2 = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), d’infection du site de sortie/tunnel (1 étude, 419 participants : RR 3,99, IC à 95 % 1,2 à 12,05 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), d’hémorragie au site de sortie (1 étude, 178 participants : RR 0,12, IC à 95 % 0,01 à 2,33 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), de dysfonctionnement du cathéter (2 études ; 597 participants : RR 0,26, IC à 95 % : 0.07 à 0,91 ; I2 = 66 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), de réajustement du cathéter (2 études, 225 participants : RR : 0.13 ; IC à 95 % 0,00 à 18,61 ; I2 = 92 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), de survie de la technique (1 étude, 123 participants : RR : 1.18, IC à 95 % 0,87 à 1,61 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), ou de la survie des patients (5 études, 820 participants ; RR 0,68, IC à 95 % 0,44 à 1,07 ; I2= 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) par rapport à l’HD initiée par CVC. Deux études utilisant des méthodes de mesure différentes pour l'hospitalisation ont rapporté que l'hospitalisation était similaire, bien qu'une étude ait rapporté des taux d'hospitalisation plus élevés dans les cas de l’HD initiée par cathéter par rapport à la DP initiée en urgence.
Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr