Contexte
Qu'est-ce que l’EP aiguë ?
L'embolie pulmonaire (EP) aiguë est une cause majeure de décès et de maladie chez les personnes hospitalisées. L’EP aiguë se produit lorsqu'un morceau de caillot sanguin (l'embole) se détache d'un caillot sanguin situé ailleurs dans le corps (thrombose veineuse profonde) et se déplace dans le sang jusqu'aux poumons. L'embole reste coincé dans le ou les vaisseaux sanguins du poumon et les conséquences vont de l'absence de symptômes à la mort subite. Le risque de mourir d'une EP peut être classé par une évaluation clinique, ainsi que par une imagerie médicale spécialisée et des tests sanguins. Le risque de décès détermine le traitement que doit recevoir la personne concernée.
Comment traiter l'EP aiguë ?
Le principal traitement de l'EP aiguë est la prise de médicaments anticoagulants (anticoagulation). Cela empêche la formation de nouveaux caillots sanguins, tandis que le corps dissout lentement le caillot, mais ne se débarrasse pas du caillot. Les personnes présentant une EP à risque élevé sont si malades qu'un médicament supplémentaire pour briser les caillots (thrombolytique) est recommandé - en plus de l'anticoagulation - pour sauver leur vie. Le thrombolytique est généralement administré par perfusion dans une veine du bras (thrombolyse systémique). Le thrombolytique circule dans le sang jusqu'aux poumons et dissout le caillot. Malheureusement, la plupart des personnes ne reçoivent pas de thrombolyse systémique car elles présentent un facteur de risque (comme une intervention chirurgicale récente), qui rend le risque d'hémorragie majeure après l'administration du thrombolytique trop important. La thrombolyse systémique n'est pas efficace chez 8 % des personnes qui la reçoivent, de sorte qu'elles doivent recevoir une autre dose ou un autre traitement. La chirurgie pour l'EP aiguë est un traitement de secours alternatif, mais elle n'est pas largement disponible.
Dans le cas d'une EP à risque intermédiaire, il n'est pas recommandé d'administrer le médicament thrombolytique car le risque d'hémorragie majeure l'emporte sur le bénéfice. Ces personnes ne reçoivent généralement qu'une anticoagulation. Cependant, certaines personnes présentant un risque intermédiaire verront leur état s'aggraver et mourront. Identifier ce sous-groupe à risque élevé afin qu'il puisse recevoir un traitement plus agressif pourrait réduire le nombre de décès et de maladies.
Que voulions-nous découvrir ?
Les nouveaux traitements dirigés par cathéter, spécifiquement conçus pour traiter l'EP aiguë, suscitent un grand intérêt. Le dispositif de cathétérisme est un petit tube en plastique souple qui est inséré par une petite incision dans une veine du cou ou de l'aine. Le médecin observe sur un écran comment il dirige le tube sans douleur à travers les veines de la personne jusqu'au caillot sanguin dans les poumons, en se guidant à l'aide d'une radiographie. Cela évite les grosses coupures et ne nécessite généralement pas d'anesthésie générale. Le cathéter délivre le médicament thrombolytique directement dans le caillot sanguin. Cette méthode pourrait être plus efficace pour dissoudre les caillots sanguins que les médicaments administrés dans la circulation sanguine au niveau du bras, qui sont normalement redirigés loin des vaisseaux pulmonaires obstrués. Une dose beaucoup plus faible (environ 10 à 20 %) du médicament thrombolytique peut être utilisée, par rapport à la dose administrée dans la veine du bras. Cela pourrait réduire le risque d'hémorragie majeure, mais avec le même avantage de dissoudre le caillot. D'autres dispositifs de cathéter peuvent aspirer le caillot sanguin directement du vaisseau sanguin obstrué (embolectomie par cathéter). Cela pourrait être utile chez les personnes qui ne peuvent pas recevoir de thrombolyse (par exemple en raison d'une intervention chirurgicale récente, d'un accident vasculaire cérébral antérieur ou d'une grossesse) ou si la thrombolyse n'a pas fonctionné. Certaines études suggèrent que plus la quantité de caillots éliminés des poumons est importante, plus le risque que la personne concernée développe des problèmes de santé chroniques est faible.
Malheureusement, nous ne savons pas comment les traitements par cathéter se comparent aux autres traitements chez les personnes présentant une EP à risque élevé et à risque intermédiaire. Les dispositifs de cathétérisme sont coûteux et ont leurs propres complications. Nous devons connaître les meilleurs traitements d’EP pour sauver des vies et prévenir les dommages accidentels.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons effectué une recherche documentaire détaillée des essais contrôlés randomisés portant sur les traitements par cathéter de l'EP à risque élevé et à risque intermédiaire. Nous avons choisi les essais contrôlés randomisés car ils fournissent le plus haut niveau de données probantes pour informer les directives de traitement. Nous avons comparé et résumé les résultats et évalué le niveau de confiance dans les données probantes, sur la base de facteurs tels que les méthodes et la taille des essais.
Qu’avons-nous trouvé ?
Un essai répondait à nos critères d'inclusion. Cet essai a examiné le bénéfice de l'ajout de la thrombolyse dirigée par cathéter à l'anticoagulation par héparine chez 59 personnes présentant une EP aiguë à risque intermédiaire. L'essai n'a pas montré de différences nettes entre la thrombolyse dirigée par cathéter et l'anticoagulation, par rapport à l'anticoagulation seule, en ce qui concerne les décès, les saignements majeurs et mineurs, les EP aiguë récurrents et la durée de l'hospitalisation. La qualité de vie n'a pas été évaluée.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Nous n'avons qu'une confiance très limitée dans les données probantes car le personnel de l'essai et les participants savaient quel traitement les participants recevaient, et l'essai a porté sur un petit nombre de participants.
Conclusion
Il n’y a pas suffisamment de données probantes solides pour informer les cliniciens, les patients et les bailleurs de fonds des systèmes de santé sur le rôle des traitements par cathéter dans le traitement de l’embolie pulmonaire aiguë à risque élevé ou à risque intermédiaire.
Les données probantes sont à jour jusqu'en mars 2022.
Il n'existe pas suffisamment de données probantes pour soutenir l'adoption généralisée de thérapies interventionnelles par cathéter pour l'embolie pulmonaire (EP) aiguë. Nous avons identifié un petit essai ne montrant pas de différences claires pour la thrombolyse dirigée par cathéter et accélérée par ultrasons avec alteplase associée à l’anticoagulation par héparine comparée à l’anticoagulation par héparine seule en ce qui concerne la mortalité toutes causes confondues, les taux d'hémorragies majeures et mineures, les EP récurrentes et la durée du séjour hospitalier. La qualité de vie n'a pas été évaluée.
De multiples petites études de séries de cas rétrospectives, des registres prospectifs de patients et des études à un seul bras suggèrent des bénéfices potentiels des traitements par cathéter, mais ils ne fournissent pas de données probantes suffisantes pour recommander cette approche par rapport à d'autres traitements fondés sur des données probantes.
Les chercheurs doivent prendre en compte des critères de jugement principaux cliniquement pertinents (par exemple, la mortalité et la tolérance à l'effort), plutôt que des marqueurs de substitution (par exemple, le rapport ventricule droit/ventricule gauche (VD/VG) ou la charge thrombotique), qui ont une utilité clinique limitée. Les essais doivent inclure un groupe témoin pour déterminer si les effets sont spécifiques au traitement.
L'embolie pulmonaire (EP) aiguë est une cause majeure de morbidité et de mortalité. L’EP aiguë entraîne une morbidité à long terme chez jusqu'à 50 % des survivants, connue sous le nom de syndrome post embolie pulmonaire (post EP).
L’EP aiguë peut être classée en fonction du risque de mortalité à court terme (30 jours), sur la base de divers résultats cliniques, d'imagerie et de laboratoire. La plupart de la mortalité et de la morbidité concerne les embolies pulmonaires à risque élevé (massive) et à risque intermédiaire (submassive). Le traitement de première intention de l’EP aiguë est l'anticoagulation systémique.
L’EP aiguë à risque élevé représente moins de 10 % des cas d’EP aiguë et constitue une urgence médicale mettant en jeu le pronostic vital, nécessitant un traitement de reperfusion immédiat pour éviter le décès. La thrombolyse systémique est le traitement recommandé pour les EP à risque élevé. Cependant, seule une minorité des personnes concernées reçoit une thrombolyse systémique, en raison des comorbidités ou du risque de 10 % d’hémorragies majeures secondaires. Parmi ceux qui reçoivent une thrombolyse systémique, 8 % ne s’améliorent pas en temps voulu. L'embolectomie pulmonaire chirurgicale est un traitement de reperfusion alternatif, mais n'est pas toujours disponible.
L'EP à risque intermédiaire représente 45 % à 65 % des cas d'EP, avec un taux de mortalité à court terme d'environ 3 %. La thrombolyse systémique n'est pas recommandée pour ce groupe, car les complications hémorragiques majeures l'emportent sur le bénéfice. Cependant, les personnes à risque élevé au sein de ce groupe ont une mortalité à court terme d'environ 12 %, ce qui suggère que l'anticoagulation seule n'est pas un traitement adéquat. L'identification et le traitement plus agressif des personnes à risque intermédiaire à élevé, qui ont un profil de risque plus favorable aux traitements de reperfusion, pourraient réduire la mortalité à court terme et potentiellement le syndrome post-EP.
Les traitements dirigés par cathéter (thrombolyse dirigée par cathéter et embolectomie par cathéter) sont des traitements de reperfusion peu invasifs pour les EP à risque élevé et intermédiaire. Les traitements dirigés par cathéter peuvent être utilisés soit comme traitement initial, soit comme traitement de secours après échec de la thrombolyse systémique. La thrombolyse dirigée par cathéter administre 10 à 20 % de la dose de thrombolyse systémique directement dans le thrombus dans les poumons, ce qui réduit potentiellement les risques d'effets secondaires hémorragiques. L'embolectomie par cathéter élimine mécaniquement le thrombus sans avoir recours à la thrombolyse, et pourrait être utile chez les personnes présentant des contre-indications à la thrombolyse.
Actuellement, les bénéfices des traitements de l’EP aiguë par cathéter par rapport aux traitements médicaux et chirurgicaux existants ne sont pas clairs malgré l'adoption croissante des traitements par cathéter par les équipes d'intervention en cas d'EP aiguë. Cette revue examine les données probantes de l'utilisation des traitements dirigés par cathéter dans les EP aiguë à risque élevé et intermédiaire. Ces données probantes pourraient contribuer à orienter la stratégie de traitement optimale chez les personnes touchées par cette affection courante et potentiellement mortelle.
Évaluer les effets des thérapies dirigées par cathéter par rapport aux traitements alternatifs pour les EP aiguë à risque élevé et à risque intermédiaire.
Nous avons utilisé les stratégies de recherche standard et exhaustives de Cochrane. La dernière recherche a eu lieu le 15 mars 2022.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés portant sur les thérapies dirigées par cathéter pour le traitement de l'EP aiguë à risque élevé et à risque intermédiaire. Nous avons exclu les traitements dirigés par cathéter pour d’autres indications. Nous n'avons appliqué aucune restriction sur l'âge des participants ou sur la date, la langue ou le statut de publication des essais contrôlés randomisés.
Nous avons utilisé les méthodes standard de Cochrane. Les principaux critères de jugement étaient la mortalité toutes causes confondues, les taux d'hémorragies majeures et mineures associées au traitement sur la base de deux définitions cliniques établies, l’EP aiguë récurrente nécessitant un nouveau traitement ou le changement vers un traitement différent pour l’EP aiguë, la durée de l'hospitalisation et la qualité de vie. Nous avons utilisé GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.
Nous avons identifié un essai contrôlé randomisé (59 participants) sur la thrombolyse dirigée par cathéter (accélérée par ultrasons) pour l'EP aiguë à risque intermédiaire.
Nous n'avons trouvé aucun essai de traitement par cathéter (thrombectomie ou thrombolyse) chez les personnes présentant une EP aiguë à risque élevé ou d'embolectomie par cathéter chez les personnes présentant une EP aiguë à risque intermédiaire.
L'essai inclus comparait la thrombolyse accélérée par ultrasons et dirigée par cathéter avec l'alteplase et l'anticoagulation systémique par héparine à l'anticoagulation par héparine systémique seule. Dans le groupe de traitement, chaque participant a reçu une perfusion d'alteplase de 10 mg ou 20 mg sur 15 heures. Nous avons identifié un risque élevé de biais de sélection et de performance, un faible risque de biais de détection et de notification, et un risque incertain d'attrition et d'autres biais. Le niveau de confiance des données probantes était très faible en raison du risque de biais et d'imprécision.
À 90 jours, il n'y avait pas de différence nette dans la mortalité toutes causes confondues entre le groupe de traitement et le groupe de contrôle. Un seul décès est survenu dans le groupe témoin 20 jours après la randomisation, mais il n'était pas lié au traitement ou à l'EP aiguë (rapport des cotes (RC) 0,31, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,01 à 7,96 ; 59 participants).
A 90 jours, il n'y a pas eu d'épisode d'hémorragie majeure associée au traitement, que ce soit dans le groupe de traitement ou dans le groupe témoin. Il n'y avait pas de différence nette en matière d'hémorragies mineures associées au traitement entre le groupe de traitement et le groupe témoin à 90 jours (RC 3,11, IC à 95 % 0,30 à 31,79 ; 59 participants).
Au bout de 90 jours, il n'y avait pas de récidive d'EP aiguë nécessitant un nouveau traitement ou de modification de traitement différent dans le groupe de traitement ou le groupe témoin.
Il n'y avait pas de différence nette dans la durée moyenne du séjour hospitalier total entre les groupes de traitement et de contrôle. La durée moyenne de séjour était de 8,9 (écart-type (ET) 3,4) jours dans le groupe de traitement contre 8,6 (ET 3,9) jours dans le groupe témoin (différence de moyennes 0,30, IC à 95 % -1,57 à 2,17 ; 59 participants).
L'essai inclus n'a pas étudié les mesures de la qualité de vie.
Post-édition effectuée par Judith Catella et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr