Antibiotiques prophylactiques chez les personnes atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive

Problématique de la revue

Quel antibiotique préventif est efficace et sûr pour réduire les exacerbations, améliorer la qualité de vie et réduire les effets secondaires graves chez les personnes atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ?

Qu'est-ce que la bronchopneumopathie chronique obstructive ?

La BPCO est une affection pulmonaire pouvant entraîner des problèmes respiratoires à long terme. Les symptômes incluent l'essoufflement, la toux et la production d'expectorations. Les poussées (dites exacerbations) peuvent être déclenchées par une infection ou une inflammation, entraînant une aggravation des symptômes et des lésions pulmonaires. Des exacerbations fréquentes peuvent entraîner une diminution de la qualité de vie et augmenter le risque de décès.

Pourquoi avons-nous réalisé cette revue ?

Nous voulions savoir si un type d'antibiotique préventif était meilleur qu'un autre pour réduire les exacerbations, améliorer la qualité de vie et réduire les effets secondaires. Pour ce faire, nous avons utilisé les informations de deux études précédentes et comparé différents antibiotiques entre eux et à un traitement témoin (appelé placebo), en créant des réseaux. Les informations étant limitées, les réseaux nous ont permis de combiner les informations et de déterminer les meilleurs antibiotiques préventifs en les classant par ordre de capacité à réduire les exacerbations, à améliorer la qualité de vie et à réduire les effets secondaires graves.

Quelles données probantes avons-nous trouvées ?

Nous avons testé trois types d'antibiotiques : les macrolides, les quinolones et les tétracyclines. Les macrolides étaient plus efficaces dans la réduction des exacerbations que le traitement témoin. Il n'y avait pas de différence nette dans les exacerbations lorsque la quinolone ou la tétracycline était comparée à un traitement témoin. Les tétracyclines étaient moins bien classées que le placebo pour ce qui est de la réduction des exacerbations. Nous avons utilisé les données de chaque groupe d'antibiotiques pour classer les groupes d'antibiotiques selon leur capacité à réduire les exacerbations. Nous avons constaté que les macrolides se classaient en première position, suivis des quinolones (en deuxième position). Les tétracyclines ont été classées en quatrième position et n'étaient pas meilleures que le traitement témoin (classé troisième).

Les macrolides ont amélioré la qualité de vie par rapport au traitement témoin. Les quinolones ne semblaient pas avoir d'impact sur la qualité de vie, et les tétracyclines pourraient être associées à une détérioration de la qualité de vie par rapport au traitement témoin.

Les macrolides étaient plus efficaces pour réduire les événements indésirables graves. Il n'y avait pas de bénéfice clair concernant les événements indésirables graves avec la quinolone, la tétracycline ou le macrolide associé à la tétracycline par rapport au traitement témoin.

Nous n'avons pas pu montrer clairement les bénéfices ou les risques de l'utilisation préventive d'antibiotiques concernant la résistance microbienne.

Niveau de confiance des données probantes

Nous n'avons pas trouvé de problèmes liés à la manière dont les études ont été menées, à part que pour certaines d'entre elles, les personnes ayant collecté les informations savaient (1) quel patient était inclus dans quel groupe de traitement, et (2) les résultats des patients lorsque les traitements étaient terminés. Dans l'ensemble, les informations numériques étaient solides et il était peu probable qu'elles soient influencées par les différences constatées entre les études individuelles.

Conclusion

Nous avons constaté que les exacerbations étaient réduites, que la qualité de vie était améliorée et que les événements indésirables étaient moins nombreux avec les macrolides par rapport au traitement témoin. Nous n'avons pas pu déterminer si les quinolones ou les tétracyclines présentaient un bénéfice par rapport au traitement témoin. Les macrolides étaient les mieux classés, suivis des quinolones, classées en deuxième position. Les tétracyclines n'étaient pas meilleures que le traitement témoin (classés respectivement quatrième et troisième). Bien que ces méta-analyses en réseau montrent un certain bénéfice à utiliser des macrolides, elles sont basées sur un nombre limité d'études, et des inquiétudes subsistent quant à la résistance aux antibiotiques avec une utilisation à long terme des antibiotiques.

Conclusions des auteurs: 

Cette méta-analyse en réseau a évalué la tolérance et l'efficacité de différents antibiotiques utilisés à titre prophylactique pour les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive. Par rapport au placebo, l'administration prolongée de macrolides (classé premier) semblait bénéfique pour prolonger le délai avant la prochaine exacerbation, améliorer la qualité de vie et réduire les effets indésirables graves. Des bénéfices clairs n'ont pas été associés à l'utilisation de quinolones ou de tétracyclines. En outre, la résistance aux antibiotiques était préoccupante et n'a pas pu être évaluée de manière approfondie dans cette revue. Étant donné le compromis entre efficacité, tolérance et risque de résistance aux antibiotiques, l'administration prophylactique d'antibiotiques serait probablement plus bénéfique si elle était réservée à certains patients, comme ceux connaissant des exacerbations fréquentes. Toutefois, aucune des études éligibles n'excluait les patients présentant des mycobactéries non tuberculeuses isolées auparavant, ce qui contre-indiquerait l'administration prophylactique d'antibiotiques, en raison du risque de développement de mycobactéries non tuberculeuses résistantes.

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Contexte: 

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une affection respiratoire chronique caractérisée par des symptômes respiratoires persistants et une limitation du débit d'air. Les exacerbations aiguës ponctuent l'histoire naturelle de la BPCO et sont associées à une morbidité et une mortalité accrues ainsi qu'à la progression de la maladie. La limitation chronique du débit d'air est causée par une association d’un rétrécissement des voies respiratoires (bronchite) et d’une destruction parenchymateuse (emphysème), pouvant avoir un impact sur les activités quotidiennes et la qualité de vie en général. Chez des patients atteints de BPCO soigneusement sélectionnés, l'utilisation prophylactique à long terme d'antibiotiques pourrait réduire la charge bactérienne, l'inflammation des voies respiratoires et la fréquence des exacerbations.

Objectifs: 

Évaluer les effets de différentes antibio-prophylaxies sur les exacerbations, la qualité de vie et les événements indésirables graves chez les personnes atteintes de BPCO dans trois méta-analyses en réseau (MAR) distinctes, et fournir un classement des antibiotiques identifiés.

Stratégie de recherche documentaire: 

Pour identifier les essais contrôlés randomisés (ECR) éligibles, nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé des essais du groupe Cochrane sur les voies respiratoires et dans les registres des essais cliniques. Nous avons effectué la dernière recherche le 22 janvier 2020.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des ECR avec groupes parallèles d'une durée d'au moins 12 semaines évaluant l'administration à long terme d'antibiotiques à titre prophylactique par rapport à d'autres antibiotiques, ou à un placebo, pour les patients atteints de BPCO.

Recueil et analyse des données: 

Cette revue Cochrane a recueilli et mis à jour les données par paires de deux revues Cochrane antérieures. Les recherches ont été mises à jour et des études supplémentaires ont été incluses. Nous avons conduit trois méta-analyses en réseau (MAR) distinctes dans un cadre bayésien pour évaluer trois critères de jugement : les exacerbations, la qualité de vie et les événements indésirables graves. Pour la qualité de vie, nous avons recueilli des données à partir du Questionnaire respiratoire de St George (St George's Respiratory Questionnaire, SGRQ). À l'aide de méthodes validées au préalable, nous avons sélectionné le modèle le plus simple pouvant s'adapter aux données pour chaque analyse. Nous avons utilisé une analyse avec un seuil pour indiquer quels résultats étaient robustes vis à vis de biais potentiels, en tenant compte des contributions de chaque étude aux résultats globaux et à la structure en réseau. Un classement des probabilités a été effectué pour chaque classe d'antibiotiques concernant les exacerbations, la qualité de vie et les effets indésirables graves.

Résultats principaux: 

Caractéristiques des études et des participants

Huit essais ont été menés sur plusieurs sites, dont des cliniques hospitalières ou des centres de santé universitaires. Sept d'entre eux étaient des essais monocentriques menés dans des cliniques hospitalières. Deux essais n'ont pas rapporté le cadre dans lequel ils ont été menés. La durée des essais variait de 12 à 52 semaines. La plupart des participants étaient atteints d'une maladie modérée à sévère. L'âge moyen variait de 64 à 73 ans, et plus d’hommes ont été inclus (51% à 100%). Le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) variait de 0,935 à 1,36 L. La plupart des participants avaient déjà eu des exacerbations. Les données de 12 études ont été incluses dans les MAR (3405 participants ; 16 groupes de traitement, y compris le placebo). Les antibiotiques prophylactiques évalués étaient les macrolides (azithromycine et érythromycine), les tétracyclines (doxycyclines), les quinolones (moxifloxacine) et les macrolides associés aux tétracyclines (roxithromycine plus doxycycline).

Risque de biais et analyse de seuils

La plupart des études ont été jugées à faible risque dans tous les domaines, à l'exception du biais de détection, pour lequel seules sept études ont été jugées à faible risque. Dans l'analyse de seuil concernant les exacerbations, toutes les comparaisons dans lesquelles un antibiotique a été comparé à un autre étaient robustes vis à vis de la variation d'échantillonnage, en particulier les comparaisons de macrolides. Les comparaisons de classes avec un placebo étaient sensibles à un biais potentiel, en particulier les macrolides par rapport au placebo. Par conséquent, tout biais dans la comparaison était susceptible de favoriser la classe active, de sorte que tout ajustement rapprocherait l'effet relatif estimé de la valeur nulle, la quinolone pouvant ainsi devenir la meilleure classe pour prévenir les exacerbations.

Exacerbations

Neuf études ont été incluses (2732 participants) dans cette MAR (les exacerbations ont été analysées en fonction du délai avant la première exacerbation ou en fonction des personnes ayant eu une ou plusieurs exacerbations). Les macrolides et les quinolones ont réduit les exacerbations. Les macrolides ont eu un effet plus important sur la réduction des exacerbations que le placebo (macrolides : rapport des risques instantanés (hazard ratio, HR) 0,67, intervalle de crédibilité (ICr) à 95 % 0,60 à 0,75 ; quinolones : HR 0,89, ICr à 95 % 0,75 à 1,04), ce qui fait que 127 personnes de moins pour 1000 ont souffert d'exacerbations sous macrolides. La différence dans les exacerbations entre les tétracyclines et le placebo était incertaine (HR 1,29, ICr à 95 % 0,66 à 2,41). Les macrolides se sont classés en première position (ICr à 95 % du premier au deuxième rang), les quinolones en deuxième position (ICr à 95 % du deuxième au troisième rang). Les tétracyclines se sont classées en quatrième position, ce qui est inférieur au placebo (troisième position). Les études contributives ont été considérées comme présentant un faible risque de biais dans une analyse de seuil.

Qualité de vie (SGRQ)

Sept études ont été incluses (2237 participants) dans cette MAR. Les scores SGRQ se sont améliorés sous macrolides par rapport au placebo (modèle à effets fixes et à classe fixe : différence moyenne (DM) -2,30, ICr à 95 % -3,61 à -0,99), mais la différence moyenne n'a pas atteint les différences minimales cliniquement importantes de 4 points. Les tétracyclines et les quinolones n'ont pas davantage amélioré la qualité de vie que le placebo, et nous n'avons pas détecté de différence entre les classes d'antibiotiques.

Événements indésirables graves

Neuf études ont été incluses (3180 participants) dans la MAR. Les macrolides ont réduit la probabilité d'un événement indésirable grave par rapport au placebo (modèle à effets fixes et à classe fixe : rapport des cotes (RC) 0,76, ICr à 95 % 0,62 à 0,93). Il n’existait probablement que peu ou pas de différence concernant l'effet des quinolones par rapport au placebo ou de la tétracycline associée au macrolide par rapport au placebo. Il n’y avait probablement que peu ou pas de différence entre les quinolones ou la tétracycline associée au macrolide en ce qui concerne les effets indésirables graves. Sous macrolides, 49 personnes sur 1000 de moins ont subi un événement indésirable grave par rapport à celles ayant reçu un placebo. Les macrolides se sont classés en première position, suivis par les quinolones. Les tétracyclines n’étaient pas mieux classées que le placebo.

Résistance aux médicaments

Dix études ont rapporté sur la résistance aux médicaments. Les résultats n'ont pas été combinés en raison de la variation des mesures des critères de jugement. Toutes les études ont conclu que l'administration prophylactique d'antibiotiques était associée au développement d'une résistance aux antimicrobiens.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.