Qu’étudie cette synthèse ?
L'administration de masse de médicaments (AMM) consiste à administrer régulièrement des traitements médicamenteux à des populations entières, que les individus soient atteints ou non de la maladie, et vise à prévenir la transmission d'une personne à une autre. Elle est actuellement recommandée pour certains programmes de lutte contre les maladies dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, y compris contre la filariose lymphatique, une maladie parasitaire qui peut entraîner un gonflement des membres et un handicap. Pour les gouvernements et leurs services de santé, il s'agit d'une tâche logistique importante qui nécessite de l'argent et du personnel, et dont le succès dépend de la prise des médicaments par les communautés.
Dans cette revue, nous avons recherché des études qui explorent la façon dont les gens perçoivent et vivent ces programmes. Nous avons collecté toutes les études pertinentes et en avons inclus 29 dans cette synthèse.
Quel était l'objectif de cette synthèse ?
Dans cette synthèse de la recherche qualitative, nous avons cherché à explorer les points de vue des populations sur les programmes d’AMM pour le traitement de la filariose lymphatique dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
Principaux messages
Les individus doivent mettre en balance un certain nombre de facteurs avant de décider de prendre les médicaments. Tout le monde ne bénéficie pas de l’AMM et certains pourraient subir des conséquences négatives. La décision d'adhérer au programme dépend donc d'un équilibre complexe entre leur confiance dans le gouvernement qui distribue les médicaments, leur compréhension préalable de la maladie et les connaissances qu'ils reçoivent sur le programme, leur expérience des risques associés, l'influence de la famille, des voisins et des professionnels de santé, et leur expérience et leur perception des personnes qui distribuent les médicaments.
Quels sont les principaux résultats ?
Nous avons inclus 29 études dans notre analyse. Les études couvraient un large éventail de pays d'Afrique, d'Asie du Sud-Est et d'Amérique du Sud, bien que la plupart aient été menées en Inde. Ces études ont principalement exploré les points de vue et les expériences des membres de la communauté et de ceux qui distribuent les médicaments dans les pays à faible revenu où la filariose lymphatique est considérée comme un problème. Quatre thèmes ont émergé lors de l’analyse des données.
Les individus mettent en balance les bénéfices et les risques avant de participer. Les populations comprennent qu'elles peuvent réduire la souffrance, la stigmatisation et les coûts liés au développement de la maladie (niveau de confiance élevé) ; cependant, ces bénéfices ne correspondent pas toujours à leurs expériences (niveau de confiance élevé). En particulier, les effets secondaires sont effrayants et malvenus (niveau de confiance élevé) ; et ces effets sont amplifiés par les rumeurs et les médias sociaux (niveau de confiance modéré).
De nombreuses personnes se méfient des programmes d’AMM. Lorsque les populations ne disposent pas d'une explication détaillée du programme et de la façon dont ils le vivent, ils développent souvent des explications basées sur le contexte historique et leur niveau de confiance envers les figures d'autorité pertinentes (niveau de confiance élevé), bien que certains individus aient une foi inébranlable dans leur gouvernement et, par extension, dans le programme (niveau de confiance modéré).
Les programmes attendent l’observance thérapeutique, ce qui peut devenir coercitif et culpabilisant. Les professionnels de santé et les membres de la communauté stigmatisent la non-observance, ce qui peut devenir coercitif (niveau de confiance modéré), de sorte que les communautés pourraient sembler se conformer en public, mais rejeter le traitement en privé (niveau de confiance modéré).
Les distributeurs communautaires ne sont souvent pas respectés ou valorisés. Ils ont peu d'autorité (niveau de confiance modéré), et le comportement de certains nuit à la réputation du programme d’AMM (niveau de confiance élevé). Les communautés veulent des informations sur les programmes pour les aider à prendre des décisions sur leur participation, mais les distributeurs de médicaments ne sont pas suffisamment informés, ni qualifiés pour réaliser cette communication (niveau de confiance élevé).
Nous n'avons pas pu évaluer l'impact de la conception du programme sur sa perception par les communautés et sur la décision d'y adhérer, car ces aspects étaient trop similaires dans toutes les études.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Nous avons recherché les études publiées avant le 8 avril 2021.
L'adhésion à l’administration de masse de médicaments pour la filariose est influencée par l'expérience individuelle directe des bénéfices et des risques, les influences sociales au sein de la communauté, les influences politiques et leur relation avec le gouvernement, et les influences historiques. La peur des effets indésirables a été fréquemment décrite et semble être particulièrement importante pour les communautés. Lorsque les points de vue étaient négatifs, nous avons été surpris par la force du sentiment exprimé. L'enthousiasme pour ces programmes en tant que stratégie de politique globale doit être débattu à la lumière de ces résultats.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande l'administration de masse de médicaments (AMM), c'est-à-dire l'administration d'un médicament à intervalles réguliers à toute une population, dans le cadre de la stratégie de plusieurs programmes de lutte contre les maladies dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. L’AMM est actuellement la politique de l'OMS pour les zones endémiques de la filariose lymphatique, une maladie parasitaire qui peut entraîner un œdème des membres et un handicap. Le succès dépend de l'adhésion des communautés aux médicaments administrés, ce qui sera influencé par la perception du médicament, du programme et de ceux qui le délivrent.
Synthétiser les données probantes de la recherche qualitative sur l'expérience, la compréhension et la perception par les communautés des programmes d’AMM pour la filariose lymphatique.
Evaluer si la conception et l'exécution du programme influencent l'expérience communautaire identifiée dans l'analyse.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase et sept autres bases de données jusqu'au 8 avril 2021, ainsi qu'une vérification des références, une recherche de citations et une prise de contact avec les auteurs des études pour identifier des études supplémentaires.
Cette revue a synthétisé des études de recherche qualitative et à méthodes mixtes lorsqu'il était possible d'extraire des données qualitatives. Les études éligibles exploraient les expériences, les perceptions ou les attitudes des communautés envers les programmes d’AMM pour la filariose lymphatique dans n'importe quel pays, menées entre 2000 et 2019.
Nous avons extrait des données sur le plan d'étude, notamment : les auteurs, les objectifs, les participants, les méthodes et les méthodes de collecte de données qualitatives. Nous avons également décrit les facteurs d'exécution du programme, notamment : le pays, le milieu urbain ou rural, l'endémicité, le régime médicamenteux, les séries d’AMM reçues au moment de l'étude, qui a délivré les médicaments, la manière dont les médicaments ont été délivrés, le recours à l'éducation sanitaire, la sensibilisation et le suivi de l'adhésion.
Nous avons effectué une analyse thématique et développé des codes de manière inductive en utilisant le logiciel ATLAS.ti. Nous avons examiné les codes à la recherche des idées, connexions et interprétations sous-jacentes et, à partir de là, nous avons généré des thèmes analytiques. Nous avons évalué le niveau de confiance dans les résultats en utilisant l'approche GRADE-CERQual, et nous avons produit un modèle conceptuel pour présenter nos résultats.
Sur les 902 résultats identifiés dans la recherche, 29 études répondaient à nos critères d'inclusion. Les études couvraient un large éventail de pays d'Afrique, d'Asie du Sud-Est et d'Amérique du Sud, et exploraient les points de vue et les expériences des membres des communautés et des distributeurs communautaires de médicaments dans les pays à faible revenu où la filariose lymphatique est endémique. Quatre thèmes ont émergé.
Les individus mettent en balance les bénéfices et les risques avant de participer. Les populations comprennent les bénéfices potentiels en termes de soulagement de la souffrance, de stigmatisation et d'évitement des coûts (niveau de confiance élevé) ; cependant, ces bénéfices théoriques ne correspondent pas toujours à leurs expériences (niveau de confiance élevé). En particulier, les effets indésirables sont effrayants et malvenus (niveau de confiance élevé) ; et ces effets sont amplifiés par les rumeurs et les médias sociaux (niveau de confiance modéré).
De nombreuses personnes se méfient des programmes d’AMM. Lorsque les populations n'ont pas d'explication scientifique pour le programme et leurs expériences vis-à-vis de lui, elles développent souvent des explications sociales à la place. Celles-ci sont largement déterminées par le contexte historique et le niveau de confiance de la population envers les figures d'autorité pertinentes (niveau de confiance élevé), bien que certains individus aient une confiance inébranlable dans leur gouvernement et, par extension, dans le programme (niveau de confiance modéré).
Les programmes attendent l’observance thérapeutique, ce qui peut devenir coercitif et culpabilisant. Les professionnels de santé et les membres de la communauté stigmatisent la non-observance, ce qui peut devenir coercitif (niveau de confiance modéré), de sorte que les communautés peuvent sembler se conformer en public, mais rejeter le traitement en privé (niveau de confiance modéré).
Les distributeurs communautaires ne sont souvent pas respectés ou valorisés. Ils ont peu d'autorité (niveau de confiance modéré), et le comportement de certains distributeurs nuit à la réputation du programme d’AMM (niveau de confiance élevé). Les communautés veulent des informations sur les programmes pour les aider à prendre des décisions sur leur participation, mais les distributeurs de médicaments ne sont pas suffisamment informés, ni qualifiés pour réaliser cette communication (niveau de confiance élevé).
Nous avions l'intention d'évaluer si la conception du programme influençait sa perception par les communautés et leur décision d'y adhérer, mais nous n'avons pas pu le faire car peu d'études ont rapporté de manière adéquate la conception et la mise en œuvre du programme au niveau local.
Le niveau de confiance des données probantes contribuant aux thèmes et sous-thèmes de la revue est modéré à élevé.
Post-édition effectuée par Louis Rousselet et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr