Pourquoi est-il important d'améliorer la détection des caries dentaires ?
Les dentistes cherchent souvent à identifier les caries qui ont déjà atteint un niveau nécessitant une obturation. Si les dentistes ont pu détecter une carie dentaire alors qu'elle n'a affecté que la couche superficielle de la dent (émail), il est alors possible d'éviter à la carie de se propager davantage et de prévenir le besoin d’obturation. Il est également important d'éviter un résultat faussement positif, en conduisant un traitement en l'absence de carie.
Quel est l’objectif de cette revue ?
Cette revue Cochrane visait à déterminer la précision des différentes formes de systèmes basés sur la lumière pour la détection de la carie dentaire précoce chez les patients qui se rendent régulièrement chez leur dentiste. Les chercheurs de Cochrane ont inclus 23 études publiées entre 1988 et 2019 pour répondre à cette question.
Qu'étudie cette revue ?
Nous avons inclus trois types différents de systèmes basés sur la lumière dans cette étude : la tomographie par cohérence optique (TCO), le proche infrarouge (PIR) et la technologie des fibres optiques (FOTI/DIFOTI). Tous les dispositifs reposent sur l'éclairage de la dent par différents types de lumière et peuvent améliorer la capacité du dentiste à identifier la carie dentaire.
Quels sont les principaux résultats de cette revue ?
La revue comprenait 23 études portant sur un total de 16 702 surfaces dentaires. Les résultats de ces études indiquent que si les dispositifs d'illumination étaient utilisés par un dentiste pour un examen dentaire de routine de 1000 surfaces dentaires, dont 570 (57%) présentent une carie dentaire précoce :
- On estime que 484 personnes seraient atteintes de carie dentaire en utilisant l'une des méthodes de détection par illumination, et que 56 d'entre elles (12 %) n'auraient pas de carie dentaire (faux positif - diagnostic erroné) ;
- sur les 516 surfaces dentaires où un dispositif a indiqué qu'il n'y avait pas de carie, 142 (28%) surfaces dentaires présentent vraiment une carie précoce (faux négatif - diagnostic erroné).
Veuillez consulter le site oralhealth.cochrane.org/transillumination-and-optical-coherence-tomography-detection-and-diagnosis-enamel-caries-results (disponible en anglais).
Dans cet exemple, les dispositifs d'éclairage produisent une proportion relativement élevée de résultats faussement négatifs, de sorte que les patients ne reçoivent pas de traitement pour les caries précoces, comme par exemple, un dentifrice à haute teneur en fluor ou des conseils de santé bucco-dentaire et de recommandations du dentiste, comme ils le devraient. Parmi les données recueillies à partir de trois types de dispositifs d'illumination, il semble que le dispositif TCO soit plus sensible (produisant moins de résultats faux négatifs) que la technologie PIR ou à fibre optique.
Les résultats des études de cette revue sont-ils fiables ?
Nous n'avons inclus que les études qui évaluaient les dents saines ou celles dont on pensait qu'elles présentaient une carie dentaire précoce, car les dents présentant une carie profonde seraient plus faciles à identifier. La façon dont les études ont été menées présentait certaines lacunes, ce qui a pu faire apparaître les dispositifs d'illumination plus précis qu'ils ne le sont en réalité, augmentant ainsi le nombre de classifications correctes (rectangles verts dans le diagramme). De nombreuses études ont évalué la performance des dispositifs sur les dents extraites, qui est très différente de celle des dispositifs utilisés à l'intérieur de la bouche d'un individu, où il est difficile de voir clairement et où les dents pourraient être tachées ou recouvertes de plaque dentaire.
À qui s’appliquent les résultats de cette revue ?
Les études incluses dans la revue ont été réalisées aux États-Unis, en Europe, au Japon, au Brésil, en Chine, en Malaisie et en Australie. La plupart des études ont été effectuées dans des services dentaires hospitaliers, des cabinets dentaires d’omnipratique ou des écoles.
Quelles sont les implications de cette revue ?
La tomographie par cohérence optique (TCO) présente un potentiel en tant qu'appareil de détection des caries précoces/amélaires, mais des recherches et des développements de qualité élevée sont nécessaires car la TCO n'est pas encore disponible pour les dentistes omnipraticiens. L'analyse suggère que la TCO est supérieure au proche infrarouge et à la fibre optique.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont recherché et utilisé des études publiées jusqu'au 15 février 2019.
Parmi les dispositifs évalués, tomographie par cohérence optique (TCO) semble présenter le plus grand potentiel, avec une sensibilité supérieure aux dispositifs PIR et à fibres optiques. Son bénéfice réside dans le fait qu'il s'agit d'un outil complémentaire qui accompagne l'examen oral classique pour confirmer les cas limites en cas d'incertitude clinique. Le dentiste omnipraticien n'a pas accès à la TCO à l'heure actuelle, et il est donc nécessaire de poursuivre la recherche et le développement. La technologie de fibre optique FOTI et le proche infrarouge sont plus faciles à obtenir et à utiliser ; cependant, ils présentent des limites dans leur capacité à détecter les caries amélaires mais pourraient être considérés comme efficaces pour l'identification de dents saines.
Les études futures devraient s'efforcer d'éviter la déperdition de la recherche en veillant à ce que le recrutement soit effectué de manière à minimiser les biais de sélection et à ce que les études soient présentées de manière claire et complète. En termes de faisabilité, toute étude future devrait être entreprise dans un cadre clinique qui reflète les complexités rencontrées dans l'évaluation des caries dans la cavité buccale.
La carie est l'une des affections les plus répandues et les plus faciles à prévenir dans le monde. Si elles sont identifiées suffisamment tôt, des techniques non invasives peuvent être appliquées. C'est pourquoi cette étude se concentre sur les caries précoces intéressant la surface amélaire de la dent. La pierre angulaire de la détection et du diagnostic des caries est un examen dentaire visuel et tactile, bien que d'autres approches soient disponibles. Il s'agit notamment de dispositifs basés sur l'illumination qui pourraient éventuellement compléter l'examen dentaire. Il existe trois catégories de dispositifs d'illumination qui exploitent diverses méthodes d'application et d'interprétation, chacune étant principalement définie par différentes longueurs d'onde, la tomographie par cohérence optique (TCO), le proche infrarouge (PIR) et la technologie de fibre optique, qui intègre des fibres optiques numériques développées le plus récemment (FOTI/DIFOTI).
Estimer la précision des différents tests d'illumination pour la détection et le diagnostic des caries amélaires chez les enfants ou les adultes. Nous avons également prévu d'explorer les sources potentielles d'hétérogénéité suivantes : études in vitro ou in vivo avec différents examens de référence ; surface dentaire (occlusale, proximale, surface lisse ou adjacente à une restauration) ; sites d'évaluation uniques ou multiples sur la surface d'une dent ; et prévalence des caries dans la dentine.
Le spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur la santé bucco-dentaire a entrepris une recherche dans les bases de données suivantes : MEDLINE Ovid (1946 au 15 février 2019) ; Embase Ovid (1980 au 15 février 2019) ; US National Institutes of Health Ongoing Trials Register (ClinicalTrials.gov, au 15 février 2019) ; et la plateforme internationale de l'Organisation mondiale de la santé pour le registre des essais cliniques (au 15 février 2019). Nous avons étudié des listes bibliographiques ainsi que des articles de revues systématiques publiés.
Nous avons inclus des études de précision diagnostique qui comparent l'utilisation d'appareils basés sur l'illumination avec un examen de référence (histologie, examen visuel amélioré avec ou sans radiographie, ou excavation opératoire). Il s'agit notamment d'études prospectives qui évaluent la précision diagnostique d'un seul test index et d'études qui comparent directement deux ou plusieurs tests index. Les études in vitro et in vivo sur les dents lactéales et permanentes étaient éligibles à l'inclusion. Nous avons exclu les études qui recrutaient explicitement des participants ayant des caries dans la dentine ou des cavités franches. Nous avons également exclu les études qui créaient artificiellement des lésions carieuses et celles qui utilisaient un test index pendant l'excavation des caries dentaires pour déterminer la profondeur optimale de l'excavation.
Deux auteurs de la revue ont extrait les données indépendamment et en double en utilisant un formulaire d'extraction de données standardisé et une évaluation de la qualité basée sur QUADAS-2 spécifique au contexte clinique. Les estimations de la précision du diagnostic ont été déterminées en utilisant la méthode hiérarchique bivariée pour produire des points de synthèse de la sensibilité et de la spécificité avec des régions de confiance à 95 %. La précision comparative des différents dispositifs d'illumination a été réalisée sur la base de comparaisons directes et indirectes entre les méthodes. Les sources potentielles d'hétérogénéité ont été prédéfinies et explorées visuellement et plus formellement par le biais de la méta-régression.
Nous avons inclus 24 ensembles de données provenant de 23 études qui ont évalué 16 702 surfaces dentaires. Le PIR a été évalué dans 6 ensembles de données (673 surfaces dentaires), le TCO dans 10 ensembles de données (1171 surfaces dentaires), et le FOTI/DIFOTI dans 8 ensembles de données (14 858 surfaces dentaires). Le domaine de la sélection des participants comptait le plus grand nombre d'études jugées à un risque de biais élevé(16 études). À l'inverse, pour le test index, l’examen de référence et les domaines du flux et du temps, la majorité des études ont été jugées comme présentant un faible risque de biais (16, 12 et 16 études respectivement). Les préoccupations concernant l'applicabilité des données probantes ont été jugées élevées ou peu claires pour tous les domaines. Notamment, 14 études ont été jugées très préoccupantes pour la sélection des participants, en raison du recrutement sélectif des participants, du manque d'examinateurs indépendants et de l'utilisation d'une méthode d'étude in vitro. L'estimation globale pour tous les dispositifs d'illumination inclus était de 0,75 (intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,62 à 0,85) et de 0,87 (IC à 95 % de 0,82 à 0,92), avec un rapport des cotes de diagnostic de 21,52 (IC à 95 % de 10,89 à 42,48). Dans une cohorte de 1000 surfaces dentaires avec une prévalence de caries amélaires de 57 %, cela aurait pour conséquence que 142 surfaces dentaires seraient classées comme exemptes de maladie malgré des carie amélaires réellement présentes (faux négatifs), et 56 surfaces dentaires seraient classées comme malades en l'absence de carie amélaires (faux positifs). Une comparaison formelle de la précision en fonction du type d'appareil a révélé une différence de sensibilité et/ou de spécificité (Chi2(4) = 34,17, P < 0,01). Une analyse plus approfondie a révélé une différence de sensibilité entre les différents dispositifs (Chi2(2) = 31,24, P < 0,01) avec une sensibilité plus élevée de 0,94 (IC à 95 % 0,88 à 0,97) pour les TCO par rapport au PIR 0,58 (IC à 95 % 0,46 à 0,68) et au FOTI/DIFOTI 0,47 (IC à 95 % 0,35 à 0,59), mais pas de différence significative de spécificité (Chi2(2)= 3,47, P = 0,18).
À la lumière de ces résultats, nous avions prévu d'évaluer formellement les sources potentielles d'hétérogénéité selon le type de dispositif, mais en raison du nombre limité d'études pour chaque type de dispositif, nous n'avons pas pu le faire. Pour l'interprétation, nous avons présenté les graphiques en forêt couplés pour chaque type de dispositif en fonction de la source potentielle d'hétérogénéité.
Nous avons estimé que le niveau de confiance des données probantes était faible et avons abaissé deux niveaux au total en raison des limites évitables et inévitables de la conception et de la conduite des études, le caractère indirect découlant des études in vitro et de l'imprécision des estimations.
Post-édition effectuée par Emmanuel Gouet et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr