Traitement immunosuppresseur pour les adultes atteints de glomérulonéphrite extra-membraneuse primitive

Quelle est la problématique ?

La glomérulonéphrite extra-membraneuse (GEM) primitive est une maladie auto-immune, où le système immunitaire de l'organisme attaque les reins. Le terme « primitive » est utilisé pour décrire une glomérulonéphrite extra-membraneuse qui n'est pas causée par une autre maladie de l'organisme. La GEM primitive est une des principales causes du syndrome néphrotique chez les adultes. Le syndrome néphrotique est une affection dans laquelle la membrane du rein est endommagée et devient perméable aux protéines. La glomérulonéphrite extra-membraneuse primitive est diagnostiquée au moyen des résultats d'une biopsie rénale et la présence d'un syndrome néphrotique.

Le GEM primitive n'est pas dangereuse chez environ un tiers des patients, qui auront une « rémission complète » spontanée, ce qui signifie que la maladie se résoudra d'elle-même. Toutefois, un autre tiers environ connaîtra une rémission spontanée, mais présentera une certaine quantité de protéines dans les urines tout en conservant une fonction rénale normale. Ces patients ne nécessitent généralement que des traitements de soutien qui n'interagissent pas avec le système immunitaire. Sans traitement, environ 15 à 50 % des patients évoluent vers une insuffisance rénale terminale (IRT) dans les dix ans.

Chez certains patients, la GEM primitive peut être grave ou continuer à s'aggraver même après 6 mois de traitements de soutien. Chez ces patients, un traitement supplémentaire en mesure d’atténuer l'activité du système immunitaire pourrait être utilisé pour réduire les lésions rénales. On ne sait pas exactement lequel de ces traitements est le plus utile et quels effets secondaires peuvent survenir. Par conséquent, il faut pondérer la durée et l'intensité du traitement immunosuppresseur avec les effets secondaires possibles. Il existe différentes classes de médicaments utilisés dans le contexte du traitement immunosuppresseur. Ces médicaments pourraient être associés ou non à des corticostéroïdes (médicaments basés sur le cortisol, hormone de réponse au stress de l'organisme).

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le rein et la greffe jusqu'au 1er avril 2021. Nous avons combiné des études pour comparer différents schémas thérapeutiques avec un traitement immunosuppresseur afin d'évaluer quels traitements permettent de traiter les patients atteints de GEM primitive et du syndrome néphrotique avec le moins d'effets secondaires.

Qu’avons-nous trouvé ?

Cette revue a identifié soixante-cinq études portant sur 3807 patients. Les différents types de traitement immunosuppresseur comprennent les agents alkylants (cyclophosphamide et chlorambucil), les inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus et cyclosporine), les antimétabolites (mycophénolate mofétil, azathioprine), les produits biologiques (par exemple le rituximab) et l'hormone adrénocorticotrope. Ces médicaments pourraient être associés ou non à des corticostéroïdes (par exemple, la prednisone), qui suppriment également le système immunitaire. Après avoir combiné les résultats des études disponibles, nous avons constaté que, par rapport à l'absence de traitement, au traitement de soutien ou aux stéroïdes seuls, l'utilisation d'un traitement immunosuppresseur a probablement réduit d'environ 40 % le nombre de patients qui ont évolué vers une IRT et augmenté le nombre de patients qui ont obtenu une rémission complète. Toutefois, le traitement immunosuppresseur pourrait entraîner un plus grand nombre d'effets indésirables, ce qui peut conduire à l'arrêt du traitement ou à l'hospitalisation des patients.

Les différents médicaments qui peuvent être utilisés dans le traitement immunosuppresseur ont également été examinés dans notre revue. Nous avons constaté que les agents alkylants augmentent probablement la rémission complète mais pourraient entraîner davantage d'effets indésirables. Nous ne savons pas si les agents alkylants favorisent l'infection ou le cancer. Sur la base des données probantes actuellement disponibles, l'efficacité de l'utilisation des inhibiteurs de la calcineurine n'est toujours pas claire, mais il existe des données probantes d’un niveau de confiance faible suggérant que les ICN pourraient conduire à des taux de rémission similaires à ceux des agents alkylants.

En outre, d'autres options thérapeutiques telles que le mycophénolate mofétil, l'hormone adrénocorticotrope, le rituximab et autres n'ont été examinées que dans quelques études. Il n'existe pas suffisamment de données pour tirer des conclusions définitives sur l'utilisation de ces traitements chez les adultes atteints de GEM primitive et du syndrome néphrotique.

Conclusions

Le traitement des patients atteints de glomérulonéphrite extra-membraneuse primitive et du syndrome néphrotique par un traitement immunosuppresseur par rapport à l'absence de traitement ou au traitement de soutien seul protège probablement le rein mais pourrait augmenter les effets secondaires. L'association d'un traitement immunosuppresseur et de stéroïdes pourrait diminuer l'activité de la maladie et l'utilisation d'agent alkylant associé à des stéroïdes présente probablement le bénéfice, à court et à long terme, de limiter les lésions rénales. D'autres traitements tels que les inhibiteurs de la calcineurine, le mycophénolate mofétil, le rituximab et l'hormone adrénocorticotrope présentent un moindre niveau de confiance quant à leur sécurité et leur efficacité d'après ces études.

Conclusions des auteurs: 

Cette mise à jour de la revue a renforcé les données probantes suggérant que le traitement immunosuppresseur est probablement supérieur au traitement non immunosuppresseur en ce qui concerne l’induction d’une rémission et la réduction du nombre de patients qui évoluent vers une IRT. Toutefois, ces bénéfices doivent être pondérés avec les effets secondaires des médicaments immunosuppresseurs. Le nombre d'études incluses ayant un plan d’étude de haute qualité était relativement faible et la plupart des études n'avaient pas un suivi adéquat. Les cliniciens devraient informer leurs patients de l'absence de données probantes de haute qualité.

Un agent alkylant (cyclophosphamide ou chlorambucil) associé à un régime de corticostéroïdes présentait des bénéfices à court et à long terme, mais était associé à un taux d'effets indésirables plus élevé.

Les Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus et cyclosporine) ont montré un caractère équivalent avec les agents alkylants; cependant, le niveau de confiance de ces données probantes reste faible.

Les nouveaux traitements immunosuppresseurs avec le rituximab biologique ou l'utilisation de l'hormone adrénocorticotrope doivent faire l'objet d'études plus approfondies et être validés au moyen d’ECR amples et de qualité élevée.

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Contexte: 

La glomérulonéphrite extra-membraneuse (GEM) primitive est une cause fréquente de syndrome néphrotique chez les adultes. Sans traitement, environ 30 % des patients connaîtront une rémission spontanée et un tiers d'entre eux présenteront une protéinurie persistante. Environ un tiers des patients évoluent vers l’insuffisance rénale terminale (IRT) dans les 10 ans. Le traitement immunosuppresseur vise à protéger la fonction rénale et est recommandé pour les patients qui ne présentent pas d'amélioration de la protéinurie malgré le traitement de soutien, et pour les patients avec un syndrome néphrotique sévère à la présentation en raison du risque élevé de développer une IRT. L'efficacité et la tolérance des différents régimes immunosuppresseurs sont peu claires. Ceci est une mise à jour d'une revue Cochrane, publiée pour la première fois en 2004 et actualisée en 2013.

Objectifs: 

L'objectif était d'évaluer la tolérance et l'efficacité de différents traitements immunosuppresseurs chez les patients adultes atteints de GEM primitive et du syndrome néphrotique.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué une recherche dans le registre d'études du groupe Cochrane sur les reins et les greffes jusqu'au 1er avril 2021 avec l'aide du spécialiste de l'information registre d'études du groupe Cochrane sur les reins et les greffes en utilisant les termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le registre ont été identifiées par des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, les comptes rendus de conférences, le du système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l’OMS et ClinicalTrials.gov.

Critères de sélection: 

Les essais contrôlés randomisés (ECR) étudiant les effets de l'immunosuppression chez les adultes atteints de GEM et du syndrome néphrotique ont été inclus.

Recueil et analyse des données: 

La sélection des études, l'extraction des données, l'évaluation de la qualité et la synthèse des données ont été effectuées suivant les méthodes recommandées par Cochrane. Les estimations globales de l'effet ont été obtenues à l'aide d'un modèle à effets aléatoires, et les résultats ont été exprimés sous forme de risque relatif (RR) et leurs intervalles de confiance (IC) à 95 % pour les critères de jugement dichotomiques, et de différence moyenne (DM) et leurs IC à 95 % pour les critères de jugement continus. Le niveau de confiance des données probantes a été évalué en utilisant l'approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation).

Résultats principaux: 

Soixante-cinq études (3807 patients) ont été incluses. La plupart des études présentaient un risque de biais élevé pour les domaines, la mise en aveugle du personnel de l'étude, des participants et des évaluateurs des critères de jugement, et la plupart des études ont été jugées peu claires en termes de génération de la séquence de randomisation et de l’assignation secrète.

Traitement immunosuppresseur par rapport au placebo/ absence de traitement/ traitement non immunosuppresseur

Des données probantes d’un niveau de confiance modéré suggèrent que le traitement immunosuppresseur fait probablement peu ou pas de différence en termes de mortalité, réduit probablement le risque global d'IRT (16 études, 944 participants : RR 0,59, IC à 95 % 0,35 à 0,99 ; I² = 22 %), augmente probablement la rémission totale (complète et partielle) (6 études, 879 participants : RR 1,44, IC à 95 % 1,05 à 1,97 ; I² = 73 %) et la rémission complète (16 études, 879 participants : RR 1,70, IC à 95 % 1,05 à 2,75 ; I² = 43 %), et diminue probablement le nombre au doublement de la créatinine sérique (CrS) (9 études, 447 participants : RR 0,46, IC à 95 % 0,26 à 0,80 ; I² = 21 %). Cependant, le traitement immunosuppresseur pourrait augmenter le nombre de patients qui rechutent après une rémission complète ou partielle (3 études, 148 participants) : RR 1,73, IC à 95 % 1,05 à 2,86 ; I² = 0 %) et pourrait conduire à un plus grand nombre d'abandons temporaires ou définitifs ou d'hospitalisations en raison d'effets indésirables (18 études, 927 participants : RR 5,33, IC à 95 % 2,19 à 12,98 ; I² = 0 %). Le traitement immunosuppresseur a des effets incertains sur l'infection et la tumeur.

Agents alkylants oraux avec ou sans stéroïdes par rapport au placebo/absence de traitement/stéroïdes

Les agents alkylants oraux avec ou sans stéroïdes ont eu des effets incertains sur la mortalité mais pourraient réduire le risque global d'IRT (9 études, 537 participants) : RR 0,42, IC à 95 % 0,24 à 0,74 ; I² = 0 % ; données probantes de niveau de confiance faible). Total (9 études, 468 participants : RR 1,37, IC à 95 % 1,04 à 1,82 ; I² = 70 %) et la rémission complète (8 études, 432 participants : RR 2,12, IC à 95 % 1,33 à 3,38 ; I² = 37 %) pourrait augmenter, mais a eu des effets incertains sur le nombre de patients qui rechutent, et une diminution du nombre avec le doublement de la CrS. Les agents alkylants pourraient être associés à un taux plus élevé d'effets indésirables conduisant à l'abandon ou à l'hospitalisation (8 études, 439 participants : RR 6,82, IC à 95 % 2,24 à 20,71 ; I² = 0 %). Les agents alkylants oraux avec ou sans stéroïdes ont eu des effets incertains sur l'infection et la tumeur.

Inhibiteurs de la calcineurine (ICN) avec ou sans stéroïdes par rapport au placebo/ absence de traitement/ thérapie de soutien/ stéroïdes

Nous ne sommes pas sûrs que les ICN avec ou sans stéroïdes aient augmenté ou diminué le risque de décès ou d'IRT, augmenté ou diminué la rémission totale ou complète, ou réduit la rechute après une rémission complète ou partielle (données probantes d’un niveau de confiance faible à très faible). Les ICN ont eu également des effets incertains sur la diminution du nombre de personnes présentant un doublement de la CrS, un arrêt temporaire ou permanent ou une hospitalisation à cause d'effets indésirables, d'infection ou de tumeur.

Inhibiteurs de la calcineurine (ICN) avec ou sans stéroïdes par rapport aux agents alkylants avec ou sans stéroïdes

Nous ne savons pas si les ICN avec ou sans stéroïdes augmentent ou diminuent le risque de décès ou d'IRT. Les ICN avec ou sans stéroïdes pourraient faire peu ou pas de différence en termes de rémission totale (10 études, 538 participants : RR 1.01, IC à 95 % 0.89 à 1.15; I² = 53 %; niveau de confiance modéré) ou de rémission complète (10 études, 538 participants : RR 1,15, IC à 95 % 0,84 à 1,56 ; I² = 56 % ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les ICN avec ou sans stéroïdes pourraient augmenter les rechutes après une rémission complète ou partielle. Les ICN avec ou sans stéroïdes ont eu des effets incertains sur l'augmentation de la CrS, les événements indésirables, l'infection et la tumeur.

Autres traitements immunosuppresseurs

Les autres interventions comprenaient l'azathioprine, la mizoribine, l'hormone adrénocorticotrope, les médecines traditionnelles chinoises et les anticorps monoclonaux tels que le rituximab. Les données étaient insuffisantes pour tirer des conclusions sur ces traitements.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Eliane Denise Bahbouth et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.