L'utilisation superflue d'antibiotiques contribue de manière significative à l'augmentation de la résistance bactérienne, des coûts médicaux et du risque d'événements indésirables liés aux médicaments. Le marqueur sanguin procalcitonine augmente en cas d'infections bactériennes et diminue lorsque les patients guérissent de l'infection. La procalcitonine peut donc être utilisée pour aider à prendre la décision clinique d'entamer ou d'interrompre une antibiothérapie chez les patients suspectés cliniquement d'infection. Des essais contrôlés randomisés ont démontré que cette stratégie fonctionne, en particulier chez les patients souffrant d'une infection des voies respiratoires. Toutefois, la plupart de ces études n'incluaient pas suffisamment de patients pour permettre d'apprécier l'innocuité de manière concluante (faible puissance statistique). Par conséquent, l'incertitude demeure quant au risque de mortalité et de complications graves associées à la prise de décision s'appuyant sur la procalcitonine.
Cette revue systématique a inclus des données de patients issues de 14 essais contrôlés randomisés totalisant 4 211 participants. Lors de l'examen de ces données combinées, nous n'avons pas trouvé de risque accru de mortalité toutes causes ou d'échec du traitement lorsque la procalcitonine était utilisée pour décider du démarrage et de la durée d'un traitement antibiotique chez des participants souffrant d'infections respiratoires aiguës, par rapport aux participants du groupe témoin. Nous avons cependant constaté une réduction systématique de l'utilisation d'antibiotiques, principalement en raison de plus faibles taux de prescription en médecine générale et d'une durée plus courte des traitements antibiotiques chez les patients dans les services d'urgences et de soins intensifs. Cette analyse est limitée aux patients adultes atteints d'infections respiratoires, à l'exclusion des patients souffrant d'un déficit immunitaire (par ex. séropositifs VIH ou sous thérapies immunosuppressives ou chimiothérapie). La plupart des essais avaient été menés en Europe et en Chine et des études similaires dans d'autres pays seront nécessaires, aux États-Unis notamment.
L'utilisation de la procalcitonine pour guider le démarrage et la durée du traitement antibiotique chez les patients atteints d'IRA n'était pas associée à de plus forts taux de mortalité ou d'échec thérapeutique. La consommation d'antibiotiques avait été significativement réduite dans différents contextes cliniques et diagnostics d'IRA. De nouvelles recherches de bonne qualité sont nécessaires pour confirmer l'innocuité de cette approche pour les pays non européens et les patients en soins intensifs. En outre, les études futures devraient également établir le rapport coût-efficacité en tenant compte, spécifiquement pour chaque pays, des coûts de la mesure de la procalcitonine et des économies potentielles de consommation d'antibiotiques et d'autres ressources médicales, ainsi que des économies de coûts secondaires résultant du moindre risque d'effets secondaires et de la résistance réduite aux antimicrobiens.
Les infections respiratoires aiguës (IRA) constituent un grand groupe hétérogène d'infections aux étiologies bactériennes, virales et autres. Ces dernières années, la procalcitonine - la prohormone de la calcitonine - est apparue comme un marqueur prometteur pour le diagnostic des infections bactériennes et pour l'amélioration des décisions relatives au traitement antibiotique. Plusieurs essais contrôlés randomisés (ECR) ont démontré la faisabilité de l'utilisation de la procalcitonine pour le démarrage et l'arrêt des traitements antibiotiques dans différentes populations de patients atteints d'infections respiratoires aiguës et dans différents contextes allant de la médecine générale aux services d'urgence (SU), aux services hospitaliers et aux unités de soins intensifs (USI).
L'objectif de cette revue systématique basée sur les données de patients individuels était d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de l'utilisation de la procalcitonine pour le démarrage ou l'arrêt des antibiotiques chez un large éventail de patients souffrant d'IRA de gravités diverses et dans différents contextes cliniques.
Nous avons effectué une recherche dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL 2011, numéro 2) qui contient le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les infections respiratoires aiguës, ainsi que dans MEDLINE (de 1966 à mai 2011) et EMBASE (de 1974 à mai 2011), afin d'identifier des essais appropriés.
Nous avons inclus des ECR sur des participants adultes souffrant d'IRA qui avaient reçu un traitement antibiotique basé soit sur un algorithme de procalcitonine, soit sur les directives habituelles. Les essais ont été exclus s'ils étaient exclusivement axés sur des patients pédiatriques ou s'ils avaient utilisé la procalcitonine dans un autre but que de guider le démarrage et la durée du traitement antibiotique.
Deux équipes d'auteurs de la revue ont, de manière indépendante, évalué la méthodologie et extrait les données d'études primaires. Les principaux critères d'évaluation étaient la mortalité toutes causes et l'échec du traitement à 30 jours. Dans le contexte de médecine générale, l'échec du traitement était défini comme le décès, l'hospitalisation, les complications spécifiques des IRA, la récidive ou l'aggravation de l'infection, et les patients continuant à faire état de symptômes d'infection des voies respiratoires au moment du suivi. En contexte de médecine d'urgence, l'échec du traitement était défini comme le décès, l'admission en USI, la réhospitalisation après sortie de l'hôpital, les complications liées aux IRA et la récidive ou l'aggravation de l'infection dans un suivi de 30 jours. Dans le contexte de l'USI, l'échec du traitement était défini comme le décès dans un suivi de 30 jours. Les critères secondaires étaient l'utilisation d'antibiotiques (démarrage et durée du traitement et exposition totale aux antibiotiques (nombre total de jours sous antibiotique divisé par le nombre total de patients)), la durée du séjour à l'hôpital pour les patients hospitalisés, la durée du séjour en USI pour les patients en état critique, et le nombre de jours d'activité restreinte dans les 14 jours suivant la randomisation des patients en médecine générale.
Pour les deux co-principaux critères de jugement que sont la mortalité toutes causes et l'échec du traitement, nous avons calculé les rapports de cotes (RC) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % à l'aide d'une régression logistique hiérarchique multivariée. Le modèle de régression hiérarchique a été ajusté pour l'âge et le diagnostic clinique comme effet fixe. Les différents essais ont été ajoutés dans le modèle comme effets aléatoires. Nous avons ajusté des modèles de régression linéaire correspondants par rapport à l'utilisation d'antibiotiques. Nous avons effectué des analyses de sensibilité stratifiées par contexte clinique et diagnostic d'IRA dans le but d'évaluer la cohérence de nos résultats.
Nous avons inclus 14 essais portant sur 4 221 participants. Il y avait eu 118 décès parmi les 2 085 patients (5,7 %) affectés aux groupes de procalcitonine en comparaison avec 134 décès chez les 2 126 patients témoins (6,3 %) (RC ajusté 0,94 ; IC à 95 % 0,71 à 1,23). Le traitement avait échoué chez 398 patients du groupe de procalcitonine (19,1 %) et 466 patients de contrôle (21,9 %). Dans aucun contexte clinique et pour aucun diagnostic d'IRA, l'utilisation de la procalcitonine n'était associée à un accroissement de la mortalité ou des échecs de traitement. Ces résultats se sont avérés robustes dans diverses analyses de sensibilité. L'exposition totale aux antibiotiques avait significativement diminué globalement (médiane (intervalle interquartile) de 8 (5 à 12) à 4 (0 à 8) jours ; différence ajustée en jours -3,47 ; IC à 95 % -3,78 à -3,17) et pour tous les différents contextes et diagnostics cliniques.