Contexte
Les CVC sont des dispositifs essentiels pour l'administration de liquides, de médicaments, pour la nutrition intraveineuse et le traitement du cancer pour les patients. Par rapport aux cathéters périphériques (c'est-à-dire des tubes insérés dans les veines des membres et conçus pour une utilisation à court terme), les CVC sont plus longs et atteignent des veines majeures et plus profondes de l'organisme, ce qui permet un accès intraveineux plus sûr et plus durable. Cependant, les infections, en particulier de la circulation sanguine, sont fréquentes chez les patients ayant des CVC. Ces infections sont parfois mortelles. De nombreuses mesures ont été développées pour réduire ces infections, telles que l'enrobage ou l'imprégnation des CVC avec des antiseptiques ou des antibiotiques. Bien que ces nouvelles technologies soient prometteuses, il n'est pas clairement établi si elles offrent une protection efficace pendant une période suffisamment longue contre la grande variété de bactéries qui pourraient s'adapter aux stratégies conçues pour les éliminer. En outre, les bénéfices de ces cathéters modifiés dans différents contextes, par exemple, des unités de soins intensifs (USI), des services standard et des unités spécialisées dans les cancers nécessitent également une évaluation continue. De nombreuses directives cliniques recommandent l'utilisation des CVC imprégnés de substances anti-microbes, bien que les études aient mis en évidence des résultats contradictoires.
Question de la revue
Nous avons examiné les preuves concernant l'efficacité et l'innocuité des cathéters veineux centraux (CVC) imprégnés de substances anti-microbes sur les infections sanguines et les décès chez les adultes ayant besoin de CVC, et nous avons trouvé 57 études pertinentes.
Date de la recherche
Dans cette mise à jour, nous avons inclus des preuves publiées jusqu'à mars 2015 ; la précédente version de la revue était à jour jusqu'à mars 2012.
Caractéristiques de l'étude
Nous avons inclus 57 études avec 16 784 cathéters et 11 types de substances antimicrobiennes utilisées pour les imprégnations. Le nombre total de participants n'était pas clair car certaines études n'ont pas fourni cette information, et certains participants peuvent avoir eu plus d'un CVC au cours de leur traitement. Les participants étaient principalement des adultes âgés de 18 ans et plus, dans des unités de soins intensifs, des unités spécialisées dans les cancers ou d'autres contextes de soins dans lequel des CVC ont été utilisés pour offrir des traitements ou une alimentation par voie intraveineuse. Toutes les études se sont terminées lorsque les participants ont quitté l'unité ou l'hôpital, et aucune étude n'a suivi les participants à long terme.
Source de financement
Vingt-six des 57 études étaient financées totalement ou partiellement par des fabricants ou distributeurs de cathéters, deux études étaient financées par le gouvernement, et deux n'ont pas reçu de financement. Les sources de financement n'étaient pas mentionnées dans les 27 études restantes.
Résultats principaux
Par rapport aux participants recevant des cathéters non imprégnés, les participants ayant des cathéters imprégnés avaient des taux d'infections sanguines liées au cathéter (ILC) 2 % plus faibles (moyenne de la réduction absolue des ILC : 2 %). Il y avait également une diminution de 9 % des risques de trouver des bactéries sur ces cathéters imprégnés (la colonisation des cathéters) (moyenne de réduction absolue de la colonisation des cathéters : 9 %). Cependant, les bénéfices de ces cathéters en termes de réduction de la colonisation des cathéters variaient selon le contexte de l'étude, avec des bénéfices significatifs observés uniquement dans les études menées dans les unités de soins intensifs. Il n'y avait aucune différence cliniquement significative dans les taux globaux d'infections du sang (les sepsis dont le diagnostic a été réalisé cliniquement) ou dans les décès, bien que ces résultats aient été évalués dans moins d'études que les ILC et la colonisation des cathéters. Les cathéters imprégnés ne semblaient pas être plus susceptibles que les cathéters non imprégnés de provoquer des effets indésirables, tels que des saignements, des caillots, des douleurs ou des rougeurs au niveau du site d'insertion.
Qualité des preuves
Les nombreuses informations incluses dans cette revue ont contribué à des preuves de bonne qualité pour les principaux résultats des infections liées aux cathéters, de la mortalité toutes causes confondues et des effets indésirables. Cependant, pour les sepsis dont le diagnostic a été réalisé cliniquement, nous avons considéré que la qualité des preuves était modérée, car nous craignons que certaines études n'aient volontairement pas été publiées. Nous avons également estimé que la qualité des preuves était modérée pour la colonisation des cathéters, en raison des graves incohérences dans la direction des résultats parmi les études incluses.
Conclusions des auteurs
Bien que les cathéters imprégnés soient efficaces pour réduire les infections liées aux cathéters et la colonisation des cathéters, en particulier dans les USI, ils pourraient ne pas être efficaces dans tous les contextes. En outre, notre revue montre que ces cathéters imprégnés ne semblent pas réduire le nombre total d'infections du sang et les décès. Les divergences entre les résultats pour les infections liées aux cathéters, la colonisation des cathéters et le nombre global des infections sanguines pourraient être liées aux limitations du cathéter et des cultures du sang ayant été utilisés dans la plupart des études pour détecter les infections liées au cathéter. Les futures recherches devraient inclure le nombre global des infections sanguines et les décès comme résultats clés, et faire appel à des méthodes avancées pour détecter les micro-organismes sur les cathéters et dans le sang pour évaluer la présence des infections liées au cathéter de manière plus précise.
Cette revue confirme l'efficacité des CVC antimicrobiens pour réduire les taux d'ILC et la colonisation des cathéters. Cependant, l'ampleur des effets bénéfiques concernant la colonisation des cathéters variait selon l'établissement, avec des bénéfices significatifs uniquement dans les études menées en USI. Des preuves comparativement plus limitées suggèrent que les CVC antimicrobiens ne semblent pas réduire les sepsis diagnostiqués cliniquement ou la mortalité de manière significative. Nos résultats impliquent de rester prudent quant aux recommandations de faire recours systématiquement aux CVC imprégnés d'agents antimicrobiens dans tous les contextes. D'autres essais contrôlés randomisés évaluant les CVC antimicrobiens devraient inclure des résultats cliniques importants tels que les taux généraux de sepsis et la mortalité.
Les cathéters veineux centraux (CVC) jouent un rôle essentiel dans la prise en charge des patients gravement malades dans les hôpitaux. Les infections du sang sont des complications graves chez les patients ayant un CVC. De nombreuses mesures de contrôle des infections ont été développées pour réduire les infections du sang, dont l'une consiste en l'imprégnation des CVC avec différentes formes d'agents antimicrobiens (soit avec un antiseptique ou avec des antibiotiques). Cette revue avait été initialement publiée en juin 2013 et a été mise à jour en 2016.
Notre principal objectif était d'évaluer l'efficacité de l'imprégnation, du revêtement ou de l'enrobage des CVC avec des agents antimicrobiens dans la réduction des sepsis dont le diagnostic a été réalisé cliniquement, des infections sanguines liées au cathéter (ILC), de la mortalité toutes causes confondues, de la colonisation des cathéters et des autres infections liées au cathéter chez des participants adultes ayant besoin d'un cathéter veineux central, ainsi que d'évaluer leur sécurité et leur rapport coût-efficacité lorsque ces données étaient disponibles. Nous avons entrepris les comparaisons suivantes : 1) les cathéters ayant des modifications antimicrobiennes sous la forme d'une imprégnation, d'un revêtement ou d'un enrobage antimicrobien, comparés aux cathéters sans modifications antimicrobiennes et 2) les cathéters ayant un type d'imprégnation antimicrobienne par rapport à des cathéters ayant un autre type d'imprégnation antimicrobienne. Nous avions prévu d'analyser la comparaison de cathéters ayant tout type d'imprégnation antimicrobienne face aux cathéters ayant d'autres modifications antimicrobiennes, par exemple les pansements antiseptiques, embases (hub), cathéters tunnélisés, connecteurs intraveineux sans aiguille ou verrous antibiotiques, mais nous n'avons pas trouvé d'études pertinentes. En outre, nous avions prévu d'effectuer des analyses en sous-groupes en fonction de la durée d'utilisation du cathéter, des contextes ou des niveaux de soins (par ex. en unité de soins intensifs, dans un service standard et dans une unité d'oncologie), les risques de départ, la définition de la septicémie, la présence ou l'absence de co-interventions et le rapport coût-efficacité dans différentes unités monétaires.
Nous avons utilisé la stratégie de recherche standard du groupe Cochrane sur l'anesthésie et les soins critiques et d'urgence. Dans la revue mise à jour, nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL, 2015, numéro 3), MEDLINE (OVID SP ; de 1950 à mars 2015), EMBASE (de 1980 à mars 2015), CINAHL (de 1982 à mars 2015), et dans d'autres ressources Internet en utilisant une combinaison de mots clés et de termes MeSH. La recherche originale a été effectuée en mars 2012.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) comparant tout type de cathéter imprégné soit à des cathéters sans imprégnation, soit à un autre type d'imprégnation chez des patients adultes soignés dans un contexte hospitalier et nécessitant des CVC. Nous avions prévu d'inclure les quasi-ECR et les ECR en grappes, mais nous n'en avons pas identifié. Nous avons exclu les études croisées.
Nous avons extrait les données en utilisant les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane. Deux auteurs ont évalué indépendamment la pertinence et les risques de biais de tous les articles trouvés. Nous avons exprimé nos résultats en utilisant le risque relatif (RR), la réduction absolue du risque (RAR) et le nombre de sujets à traiter pour observer un bénéfice (NSTb) pour les données catégoriques et la différence moyenne (DM) pour les données continues, lorsque cela était possible, avec leurs intervalles de confiance à 95 % (IC).
Nous avons inclus une nouvelle étude (338 participants/cathéters) dans cette mise à jour, ce qui mène à un total de 57 études avec 16 784 cathéters et 11 types d'imprégnations. Le nombre total de participants recrutés était incertain, car certaines études n'ont pas fourni cette information. La plupart des études avaient recruté des participants ayant 18 ans ou plus, dont des patients dans des unités de soins intensifs (USI), des unités d'oncologie et les patients recevant une nutrition parentérale totale à long terme. Il y avait des risques de biais faibles ou incertains dans les études incluses, sauf pour la mise en aveugle, qui était impossible dans la plupart des études en raison des cathéters présentant des apparences différentes. Dans l'ensemble, l'imprégnation des cathéters a significativement réduit les infections du sang liées au cathéter (ILC), avec une RAR de 2 % (IC à 95 % de 3 % à 1 %), RR de 0,62 (IC à 95 % 0,52 à 0,74) et un NSTb de 50 (preuves de qualité élevée). L'imprégnation des cathéters a également réduit la colonisation des cathéters, avec une RAR de 9 % (IC à 95 % de 12 % à 7 %), RR de 0,67 (IC à 95 % 0,59 à 0,76) et un NSTb de 11 (preuves de qualité modérée, rabaissées en raison d'une importante hétérogénéité). Cependant, l'imprégnation des cathéters n'a pas mené à des différences significatives quant aux taux de sepsis diagnostiqués cliniquement (RR 1,0, IC à 95 % 0,88 à 1,13 ; preuves de qualité modérée, rabaissées en raison d'une suspicion de biais de publication), dans la mortalité toutes causes confondues (RR 0,92, IC à 95 % 0,80 à 1,07 ; preuves de qualité élevée) et pour les infections locales liées au cathéter (RR 0,84, IC à 95 % 0,66 à 1,07 ; 2688 cathéters, preuves de qualité modérée, rabaissées en raison de larges IC à 95 %).
Dans nos analyses en sous-groupes, nous avons constaté que la magnitude des effets bénéfiques pour les CVC imprégnés variait entre les études portant sur différents types de participants. Pour le critère de jugement de la colonisation du cathéter, l'imprégnation des cathéter a mené à un bénéfice significatif dans les études menées en USI (RR 0,70 ; IC à 95 % 0,61 à 0,80), mais pas dans les études menées dans des unités d'hématologie ou d'oncologie (RR 0,75 ; IC à 95 % 0,51 à 1,11) ou dans les études ayant évalué principalement des patients ayant nécessité des CVC à long terme pour une nutrition parentérale totale (RR 0,99 ; IC à 95 % 0,74 à 1,34). Cependant, il n'y avait pas de telles variation pour le critère de jugement des ILC. La magnitude des effets n'était également pas affectée par les risques de base des participants.
Il n'y avait aucune différence significative entre les groupes ayant ou non une imprégnation quant aux taux d'effets indésirables, tels que la thrombose/thrombophlébite, les saignements, l'érythème et/ou la sensibilité au site d'insertion.
Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France