Objectif de la revue
Cette revue systématique examine l'efficacité des vernis et gels contenant de la chlorhexidine dans la prévention de la carie dentaire chez les enfants et les jeunes.
Contexte
La carie dentaire est une maladie très commune qui, au fil du temps, détruit la surface de la dent. D'après les estimations, la carie dentaire touche jusqu'à 80 % des personnes dans les pays à revenu élevé et, même si elle peut être prévenue par l'hygiène buccale, des mesures diététiques ou l'utilisation d'agents qui réduisent le risque de caries tels que le fluorure, elle est susceptible de rester un problème, en particulier dans les pays à faible revenu. La carie dentaire peut entraîner des douleurs et des infections, et chez les jeunes enfants elle peut nécessiter un traitement à l'hôpital sous anesthésie générale. En plus de provoquer de l'anxiété et des douleurs, cela peut entraîner des absences scolaires chez l'enfant ou l'adolescent et des absences au travail chez le parent ou le soignant, ainsi que d'éventuelles pertes de revenu et des frais supplémentaires. Il est plus simple, et possiblement moins cher, de prévenir les caries dentaires que d'attendre qu'elles surviennent, nécessitant alors un traitement intensif.
La carie dentaire est en grande partie évitable, et plusieurs méthodes peuvent y contribuer : brossage des dents deux fois par jour avec un dentifrice au fluor, réduction à la fois des quantités et du nombre d'apports en sucre par jour, et consommation d'eau fluorée (en bouteille ou au robinet, selon l'endroit où vous vivez).
La carie dentaire se produit lorsque certains types de bactéries (microbes) présentes dans la bouche, comme Streptococcus mutans, utilisent le sucre que nous mangeons pour produire des acides qui dissolvent l'émail dur sur les dents. Le traitement antiseptique à la chlorhexidine est très efficace pour détruire ces bactéries et peut être utilisé en toute sécurité à la maison sous forme de gels, sprays, gommes à mâcher, dentifrices ou bains de bouche. Autrement, la chlorhexidine peut être appliquée sous forme de vernis à la surface des dents par le dentiste.
Caractéristiques des études
Les preuves incluses dans cette revue réalisée par le groupe Cochrane sur la santé bucco-dentaire sont à jour jusqu'au 25 février 2015. Nous avons trouvé huit études pouvant être incluses dans cette revue. Les études ont porté sur un total de 2 876 enfants, de nouveau-nés jusqu'à 15 ans, qui étaient à risque modéré à élevé de carie dentaire. Six de ces études ont examiné les effets de vernis à base de chlorhexidine à différentes concentrations, appliqués par des professionnels des soins dentaires aux dents de lait, aux dents permanentes, ou les deux, chez des enfants et des adolescents. Les deux autres études ont examiné les effets d'un gel à la chlorhexidine appliqué par les parents sur les dents de lait de leurs enfants. Aucune étude n'existe sur d'autres produits contenant de la chlorhexidine, comme les sprays, dentifrices, gommes à mâcher ou bains de bouche.
Principaux résultats
Les résultats n'apportent pas de preuves que le vernis ou le gel à la chlorhexidine réduit la carie dentaire ou les bactéries qui en favorisent l'apparition. Ces études n'ont pas évalué d'autres critères tels que la douleur, la qualité de vie, la satisfaction des patients ou les coûts directs et indirects des interventions. Quatre études ont mesuré les effets secondaires et n'en ont observé aucun.
Qualité des preuves
En raison de l'absence d'études appropriées et des préoccupations concernant les biais possibles dans les études incluses, les preuves sont de très faible qualité. En conséquence, nous ne sommes pas en mesure de déterminer si la chlorhexidine est efficace dans la prévention de la carie dentaire chez les enfants ou les adolescents, comparativement à un placebo (substitut inactif de chlorhexidine) ou à l'absence de traitement. D'autres recherches sur l'utilisation de la chlorhexidine dans la prévention des caries dentaires sont nécessaires ; celles-ci devraient porter sur les dents de lait ainsi que les dents permanentes et évaluer d'autres produits à la chlorhexidine pouvant être utilisés à la maison, tels que les dentifrices ou les bains de bouche.
Nous avons trouvé peu d'éléments de preuve, dans les huit essais sur les vernis et les gels inclus dans cette revue systématique, pour appuyer ou réfuter l'affirmation selon laquelle la chlorhexidine serait plus efficace que le placebo ou l'absence de traitement dans la prévention des caries ou la réduction des niveaux de streptocoques mutans chez l'enfant et l'adolescent. Aucun essai n'existe sur d'autres produits contenant de la chlorhexidine, comme les sprays, dentifrices, gommes à mâcher ou bains de bouche. Davantage de recherches de qualité élevée sont nécessaires ; celles-ci doivent, en particulier, évaluer les effets sur la dentition primaire et permanente et utiliser d'autres produits oraux contenant de la chlorhexidine.
La carie dentaire est une maladie commune qui est évitable en réduisant l'apport alimentaire de sucres libres et en utilisant des produits topiques au fluorure de sodium. Un agent antibactérien appelé chlorhexidine peut également aider à prévenir les caries. Un certain nombre de préparations à base de chlorhexidine, en vente libre ou administrées par les professionnels, sont disponibles dans une variété de formulations et de concentrations. Bien que les conclusions des revues précédentes suggèrent que certaines formulations de chlorhexidine pourraient être efficaces pour inhiber la progression des caries établies chez l'enfant, il existe actuellement un manque de preuves permettant de revendiquer ou de réfuter un bénéfice à son utilisation dans la prévention des caries dentaires.
Évaluer les effets de produits oraux contenant de la chlorhexidine (dentifrices, bains de bouche, vernis, gels, gommes et sprays) sur la prévention des caries dentaires chez l'enfant et l'adolescent.
Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais cliniques du groupe Cochrane sur la santé bucco-dentaire (25 février 2015), le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL 2014, numéro 12), MEDLINE via OVID (de 1946 au 25 février 2015), EMBASE via OVID (de 1980 au 25 février 2015) et CINAHL via EBSCO (de 1937 au 25 février 2015). Nous avons effectué des recherches manuelles dans plusieurs revues sans restriction de langue. Après la suppression des citations en double, les recherches électroniques ont permis de récupérer 1 075 références à des études.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) en groupes parallèles, comparant les effets préventifs contre les caries de produits à la chlorhexidine comme les gels, dentifrices, vernis, bains de bouche, gommes à mâcher ou sprays par rapport à un autre de ces produits, un placebo ou l'absence d'intervention chez l'enfant et l'adolescent. Nous avons exclu les essais comportant des interventions combinant la chlorhexidine et le fluorure, ou des comparaisons entre des interventions de chlorhexidine et de fluorure.
Deux auteurs de la revue ont extrait les données et évalué le risque de biais des essais de manière indépendante. Nous avons résolu les désaccords par le consensus. Lorsque cela était nécessaire, nous avons contacté les auteurs des essais pour obtenir des clarifications ou des données d'étude supplémentaires. Le nombre d'études incluses se prêtant à la méta-analyse était limité en raison de la diversité clinique des études incluses en termes d'âge et de composition de l'intervention, et de la variation dans les mesures de résultats et le suivi. Lorsque nous n'avons pas pu mener de méta-analyse, nous avons choisi de présenter une synthèse narrative des résultats.
Nous avons inclus dans cette revue huit ECR évaluant les effets de vernis à la chlorhexidine (concentration à 1 %, 10 % ou 40 %) et de gels à la chlorhexidine (0,12 %) sur les dents de lait, les dents permanentes, ou les deux, chez des enfants de la naissance jusqu'à 15 ans d'âge au début de l'étude. Ces études avaient randomisé un total de 2 876 participants, dont 2 276 (79 %) ont été évalués. Nous avons évalué six études comme présentant un risque de biais globalement élevé, et deux comme étant à risque de biais imprécis dans l'ensemble. L'évaluation de suivi allait de 6 à 36 mois.
Six essais ont comparé le vernis à la chlorhexidine à un placebo ou à l'absence de traitement. Nous avons pu mettre en commun les données provenant de deux essais portant sur la dentition permanente (une étude utilisait la chlorhexidine à 10 % et l'autre, à 40 %). Cela a induit une augmentation dans l'accroissement des surfaces cariées, manquantes et obturées (DSFM) dans le groupe de vernis à hauteur de 0,53 (intervalle de confiance (IC) à 95 % de -0,47 à 1,53 ; deux essais, 690 participants, preuves de qualité très faible). Un seul essai (vernis à la chlorhexidine à une concentration de 10 %) a fourni des données utilisables sur des niveaux élevés de streptocoques mutans > 4 avec un RR de 0,93 (IC à 95 % de 0,80 à 1,07 ; 496 participants, preuves de qualité très faible). Un essai a mesuré les effets indésirables (ex. ulcères ou coloration des dents) et a indiqué qu'il n'y en avait eu aucun ; un autre essai a signalé qu'aucun effet secondaire du traitement n'avait été observé. Aucun de ces essais ne rendait compte de la douleur, de la qualité de vie, de la satisfaction des patients ou des coûts.
Deux essais ont comparé le gel à la chlorhexidine (concentration à 0,12 %) à l'absence de traitement dans la dentition primaire. La présence de nouvelles caries a donné lieu à un intervalle de confiance à 95 % qui était compatible avec une augmentation ou une diminution de l'incidence des caries (RR 1,00 ; IC à 95 % de 0,36 à 2,77 ; 487 participants, preuves de qualité très faible). De même, les données pour les effets du gel à la chlorhexidine sur la prévalence de streptocoques mutans n'étaient pas concluantes (RR 1,26 ; IC à 95 % de 0,95 à 1,66 ; deux essais, 490 participants, preuves de qualité très faible). Les deux essais ont mesuré les effets indésirables et n'en ont observé aucun. Aucun de ces deux essais ne rendait compte des autres critères secondaires tels que les mesures de la douleur, de la qualité de vie, de la satisfaction des patients ou les coûts directs et indirects des interventions.
Traduction réalisée par Cochrane France