Quel est l’objectif de cette revue ?
Nous voulions déterminer les bénéfices et les risques potentiels des formulations adaptées aux enfants de combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine (CTA) dans le traitement du paludisme non compliqué chez les enfants. Nous avons recherché les études ayant examiné l'utilisation de formulations pédiatriques de CTA, par rapport aux formulations habituelles de CTA en comprimés, pour traiter le paludisme non compliqué chez les enfants de moins de 14 ans. Nous avons cherché les études contrôlées randomisées au sein desquelles les traitements reçus par les enfants avaient été attribués aléatoirement. Ce type d'étude fournit généralement les données probantes les plus fiables concernant les effets d’un traitement. Nous avons trouvé trois études pertinentes avec deux formulations adaptées aux enfants.
Principaux messages
Les formulations pédiatriques de CTA fonctionnent probablement aussi bien que les comprimés écrasés pour traiter le paludisme non compliqué chez les enfants, et causent probablement moins d'effets indésirables.
Qu’étudie cette revue ?
Le paludisme est une maladie tropicale propagée par des moustiques infectés par les parasites Plasmodium . Le type de paludisme le plus commun et le plus grave est causé par Plasmodium falciparum. Ce parasite provoque des taux élevés de maladie et de décès, en particulier chez les jeunes enfants, dans les régions où le paludisme est répandu.
Le paludisme peut être une maladie bénigne, mais est parfois grave et peut mettre la vie en danger s'il n'est pas traité suffisamment tôt ou avec des médicaments adéquats.
Les médicaments à base d'artémisinine, un composé dérivé d'une plante (Artemisia annua), sont généralement pris par voie orale pour traiter le paludisme en combinaison avec d'autres médicaments. L'Organisation mondiale de la santé recommande de traiter le paludisme non compliqué avec des combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine (CTA).
Les comprimés oraux de CTA sont souvent écrasés pour faciliter leur déglutition de la part des enfants. De nouvelles formulations de CTA oraux ont été développées spécialement pour les enfants, comme des sirops, des granulés, des poudres ou des comprimés qui peuvent être dissous dans l'eau et peuvent être aromatisés.
Quels sont les principaux résultats de cette revue?
Nous avons trouvé trois études pertinentes portant sur 1306 enfants (âgés de 6 mois à 11 ans) atteints de paludisme non compliqué. Les études ont été menées en Afrique subsaharienne entre 2006 et 2015. Toutes les études ont été financées par des sociétés pharmaceutiques qui avaient produit des formulations de CTA adaptées aux enfants.
Les études ont comparé les comprimés de CTA écrasés par rapport aux formulations de CTA adaptées aux enfants: il s'agissait de comprimés solubles d'artéméther-luméfantrine ou de dihydroartémisinine-pipéraquine, ou de sirop d'artéméther-luméfantrine.
Nous étions intéressés à déterminer :
- si les enfants restaient guéris du paludisme après 28 jours (mesuré par l'absence de parasites Plasmodium dans le sang)
- si les médicaments avaient causé des effets indésirables.
Aucune des études n’avait analysé de quelle façon les formulations des médicaments avaient été acceptées par les enfants.
Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre les formulations de CTA adaptées aux enfants (comprimés à dissoudre ou sirop) et les comprimés habituels écrasés en ce qui concerne le nombre d'enfants :
- qui ont été traités avec succès après 28 jours ; ou
- qui ont subi des effets indésirables graves.
Les comprimés de CTA écrasés et les formulations adaptées aux enfants ont permis de traiter avec succès la plupart des cas de paludisme non compliqué. Après 28 jours, les taux d'échec thérapeutique étaient similaires dans les deux groupes. En moyenne, 59 enfants sur 1000 prenant des comprimés de CTA écrasés et 62 enfants sur 1000 prenant des comprimés solubles auraient encore une infection à Plasmodium (2 études; 1139 enfants).
Un nombre similaire d'effets indésirables graves a été signalé pour les comprimés habituels écrasés et les comprimés solubles (2 études; 1197 enfants) ou le sirop (1 étude; 267 enfants), de sorte que les différences résultant de la formulation sont peu probables.
Un comprimé soluble réduit probablement les effets indésirables du médicament, y compris les vomissements, par rapport aux comprimés habituels écrasés. Les enfants qui ont pris des comprimés solubles ont eu moins d'effets indésirables associés au médicament (139 sur 1000 enfants) que ceux qui ont pris des comprimés écrasés (178 sur 1000 enfants).
En ce qui concerne le nombre d’effets indésirables trouvés dans l’étude, il n'y a pas eu de différences avec la formulation en sirop, par rapport aux comprimés habituels écrasés.
Notre niveau de confiance dans nos résultats est de faible à modéré. Les résultats proviennent d'un petit nombre d'études. Toutes les études ont été financés par les fabricants de formulations pédiatriques, ce qui aurait pu affecter la manière dont les études ont été conçues, menées et rapportées.
Cette revue est-elle à jour ?
Nous avons recherché les études qui avaient été publiées jusqu'au 11 décembre 2019.
Les essais n'ont pas démontré l’existence d’une différence d'efficacité entre les combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine pédiatriques dispersibles ou en suspension, par rapport aux pédiatriques correspondants sous forme de comprimés écrasés pour le traitement du paludisme à P falciparum non compliqué chez les enfants. Cependant, les données probantes sont d'un niveau de confiance faible à modéré en raison de la puissance limitée. Il semble que le nombre d'effets indésirables liés aux médicaments a été plus faible avec les combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine dispersibles, par rapport aux combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine en comprimés écrasés. Aucune des études incluses n'a évalué l'acceptabilité de la formulation pédiatrique des combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine.
Dans les régions où le paludisme est endémique, les enfants en bas âge présentent des niveaux élevés de morbidité et de mortalité dus au paludisme. L'Organisation mondiale de la santé recommande des combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine (CTA) dans le traitement du paludisme non compliqué. Des formulations pédiatriques de CTA ont été développées pour faciliter le traitement des enfants.
Évaluer les données probantes issues d’essais sur l'efficacité, la tolérance, la tolérabilité et l'acceptabilité des formulations pédiatriques de CTA, par rapport aux formulations de CTA en comprimés, pour le paludisme non compliqué à P falciparum chez les enfants jusqu'à 14 ans.
Nous avons interrogé le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies infectieuses, le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE, Embase, la base de données d'information sur les sciences de la santé en Amérique latine et dans les Caraïbes (LILACS), ISI Web of Science, Google Scholar, Scopus, et le méta-registre des essais contrôlés (mRCT) jusqu'au 11 décembre 2019.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur les CTA en formulation pédiatrique versus non pédiatrique chez les enfants de 14 ans ou moins atteints de paludisme aigu non compliqué.
Deux auteurs ont évalué de manière indépendante l'éligibilité et le risque de biais, et ont procédé à l'extraction des données. Nous avons analysé les critères primaires d’efficacité, de tolérance et de tolérabilité des CTA pédiatriques, par rapport aux CTA non pédiatriques en utilisant des risques relatifs (RR) et des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Les critères de jugement secondaires étaient les suivants: échec thérapeutique le dernier jour d'observation (jour 42), temps de disparition de la fièvre, temps d’élimination du parasite, pharmacocinétique et acceptabilité.
Trois essais ont satisfait les critères d'inclusion. Deux d'entre eux ont comparé une formulation pédiatrique de comprimés dispersibles à des comprimés écrasés d'artéméther-luméfantrine (AL) et de dihydroartémisinine-pipéraquine (DHA-PQ), et un essai a comparé l'artéméther-luméfantrine formulée sous forme de poudre pour suspension versus des comprimés écrasés. Les essais ont été réalisés entre 2006 et 2015 en Afrique subsaharienne (Bénin, Mali, Mozambique, Tanzanie, Kenya, République démocratique du Congo, Burkina Faso et Gambie).
Dans les trois essais, le CTA pédiatrique et le CTA du groupe témoin ont obtenu des taux d'échec thérapeutique ajustés par réaction en chaîne par polymérase (PCR) < 10 % au 28e jour dans la population par protocole (PP).
Les deux essais n'ont pas détecté de différences en termes d'échec thérapeutique au 28e jour (population PP ajustée par PCR dans la comparaison comprimés dispersibles par rapport aux comprimés écrasés : RR 1,35, IC à 95 % de 0,49 à 3,72 ; 1061 participants, 2 études, données probantes d’un niveau de confiance faible). De même, en ce qui concerne la comparaison suspension par rapport au comprimé écrasé de CTA, nous n'avons pas détecté de différences en termes d’échec thérapeutique au 28e jour (population PP ajustée par PCR : RR 1,64, IC à 95 % de 0,55 à 4,87 ; 245 participants, 1 étude).
En ce qui concerne les effets indésirables graves, nous n'avons pas détecté de différences dans la comparaison comprimés dispersibles par rapport aux comprimés écrasés (RR 1,05, IC à 95 % de 0,38 à 2,88; 1 197 participants, 2 études, données probantes d’un niveau de confiance faible), ou dans la comparaison suspension par rapport au comprimé écrasé de CTA (RR 0,74, IC à 95 % de 0,17 à 3,26; 267 participants, 1 étude).
Dans les bras CTA dispersibles, des effets indésirables liés aux médicaments sont survenus chez 9 % des enfants de l'étude AL et 34 % des enfants de l'étude DHA-PQ. Dans les groupes témoins, des effets indésirables liés aux médicaments sont survenus chez 12% des enfants de l'étude AL et chez 42% des enfants de l'étude DHA-PQ. Les événements indésirables liés aux médicaments étaient plus faibles dans les groupes CTA dispersibles (RR 0,78, IC à 95 % de 0,62 à 0,99 ; 1197 participants, 2 études, données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Il n’y avait pas de différence en ce qui concerne le taux d'effets indésirables liés aux médicaments des CTA en suspension par rapport aux CTA en comprimés écrasés (RR 0,66, IC à 95 % de 0,33 à 1,32; 267 participants, 1 étude).
Les vomissements liés au traitement semblent être moins fréquents dans les groupes CTA dispersibles (RR 0,75, IC à 95 % de 0,56 à 1,01; 1 197 participants, 2 études, données probantes d’un niveau de confiance faible) et dans le groupe CTA en suspension (RR 0,66, IC à 95 % de 0,33 à 1,32; 267 participants, 1 étude), mais les deux analyses avaient une puissance statistique insuffisante.
Aucune étude n'a évalué l'acceptabilité.
Post-édition effectuée par Eliane Denise Bahbouth et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr