Qu’étudie cette revue ?
L'arsenic est une toxine environnementale courante qui touche plus de 140 millions de personnes dans le monde. L'exposition à long terme à l'arsenic, par la consommation d'eau potable et d'aliments contaminés par l'arsenic, augmente le risque de neurotoxicité (lésions du cerveau ou du système nerveux), de lésions cutanées, de malformations congénitales, de cancer et de troubles du développement cérébral chez les enfants. L'acide folique pourrait diminuer la toxicité de l'arsenic en aidant à éliminer l'arsenic de l'organisme, ce qui réduit la quantité d'arsenic dans le sang. Cette revue a évalué l'effet de l'administration d'acide folique par le biais de compléments oraux, d'aliments enrichis, ou des deux, sur les critères de jugement de santé associés à l'arsenic et sur la toxicité de l'arsenic chez les adultes et les enfants.
Quel est l’objectif de cette revue ?
L'objectif de cette revue était de déterminer si l'administration d'acide folique aux enfants et aux adultes exposés à l'arsenic réduisait la toxicité de l'arsenic.
Principaux messages
Une supplémentation en acide folique pourrait réduire la concentration d'arsenic dans le sang et faciliter l'élimination de l'arsenic par l'urine chez les adultes exposés à l'arsenic, par rapport à un placebo (c'est-à-dire une pilule factice). Cela suggère que la prise de suppléments d'acide folique pourrait réduire la toxicité de l'arsenic chez les adultes exposés à l'arsenic.
Quels sont les principaux résultats de cette revue ?
Les auteurs de la revue ont trouvé deux essais contrôlés randomisés (ECR), menés au Bangladesh auprès de 822 adultes, qui ont évalué l'effet de la prise de suppléments d'acide folique sur la concentration d'arsenic et d'homocystéine (un marqueur d'inflammation et de carence en folates) dans le plasma, le sang et l'urine. Les deux ECR ont été financés par des programmes gouvernementaux. L'un des ECR a également évalué les effets des suppléments d'acide folique associés à un autre supplément nutritif appelé créatine. Aucune des études n'a rapporté de données sur le cancer, la mortalité toutes causes confondues, la fonction neurocognitive ou les anomalies congénitales.
Les résultats de ces études suggèrent que la prise de suppléments d'acide folique, seuls ou en association avec d'autres nutriments, pourrait réduire les concentrations d'arsenic dans le sang et d'homocystéine dans le plasma, et potentiellement améliorer les profils de méthylation urinaire de l'arsenic (une mesure de la toxicité de l'arsenic) chez les adultes ayant été exposés à de l'eau potable contaminée par de l'arsenic, par rapport au placebo.
Nous avons jugé les deux ECR à faible risque de biais. Nous avons jugé que le niveau de confiance des données probantes était modéré pour tous les critères de jugement inclus dans la comparaison entre les suppléments d'acide folique seuls et le placebo, et faible pour tous les critères de jugement inclus dans la comparaison entre les suppléments d'acide folique associés à d'autres suppléments nutritifs et les suppléments nutritifs seuls. Nous avons abaissé le niveau de confiance des données probantes en raison du petit nombre d'études. Cela signifie que les résultats pourraient changer avec des recherches supplémentaires.
La revue souligne la nécessité de mener davantage de recherches pour évaluer les effets de l'acide folique sur les critères de jugement de santé liés à l'arsenic et sur la toxicité de l'arsenic chez les adultes et les enfants.
Cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont recherché les études qui avaient été publiées jusqu'en septembre 2020.
Il existe des données probantes d’un niveau de confiance modéré suggérant que les suppléments d'acide folique pourraient être bénéfiques pour la concentration d'arsenic dans le sang, les profils de méthylation de l'arsenic dans l'urine et la concentration d'homocystéine dans le plasma par rapport au placebo. Il existe des données probantes d’un niveau de confiance faible suggérant que les suppléments d'acide folique associés à d'autres nutriments pourraient être bénéfiques pour les concentrations d'arsenic dans le sang et d'homocystéine dans le plasma par rapport aux nutriments seuls. Aucune étude n'a porté sur le cancer, la mortalité toutes causes confondues, la fonction neurocognitive ou les anomalies congénitales. Compte tenu du nombre limité d'ECR, il est nécessaire de mener d'autres études dans divers contextes pour évaluer les effets de l'acide folique sur les critères de jugement de santé associés à l'arsenic et sur la toxicité de l'arsenic chez les adultes et les enfants exposés à l'arsenic.
L'arsenic est une toxine environnementale courante. L'exposition à l'arsenic (en particulier à sa forme inorganique) par le biais d'aliments et d'eau de boisson contaminés constitue un important problème de santé publique dans le monde entier et est associée à un risque accru de neurotoxicité, d'anomalies congénitales, de cancer et de troubles du développement neurologique chez les enfants. L'arsenic est excrété à la suite de réactions de méthylation, qui sont médiées par les folates. L'apport de folates par le biais de suppléments d'acide folique pourrait faciliter la méthylation et l'excrétion de l'arsenic, réduisant ainsi la toxicité de l'arsenic.
Évaluer les effets de l'apport d'acide folique (par le biais d'aliments enrichis ou de suppléments), seul ou en association avec d'autres nutriments, sur l'atténuation de la charge de la santé liée à l'arsenic et sur la réduction de la toxicité de l'arsenic chez les populations exposées à l'arsenic.
En septembre 2020, nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase, 10 autres bases de données internationales, neuf bases de données régionales et deux registres d'essais.
Essais contrôlés randomisés (ECR) et quasi-ECR comparant l'apport d'acide folique (quelle que soit la dose ou la durée), seul ou en association avec d'autres nutriments ou suppléments nutritionnels, à l'absence d'intervention, à un placebo, à des aliments non enrichis ou aux mêmes nutriments ou suppléments sans acide folique, dans des populations exposées à l'arsenic de tous âges et de tous sexes.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane.
Nous avons inclus deux ECR portant sur 822 adultes exposés à de l'eau potable contaminée par de l'arsenic au Bangladesh. Les ECR ont comparé des suppléments d'acide folique de 400 µg/j (AF400) ou 800 µg/j (AF800), administrés pendant 12 ou 24 semaines, avec un placebo. Un ECR, un essai multi-bras, a évalué l’AF400 associé à la créatine (3 g/j) par rapport à la créatine seule.
Nous avons jugé les deux ECR à faible risque de biais dans tous les domaines. En raison des différences dans la co-intervention, l'exposition à l'arsenic et l'état nutritionnel des participants, nous n'avons pas pu réaliser de méta-analyses, et nous fournissons donc une description narrative des données.
Aucun des ECR n'a rapporté sur le cancer, la mortalité toutes causes confondues, la fonction neurocognitive ou les anomalies congénitales.
Les suppléments d'acide folique seuls par rapport au placebo
L’arsenic dans le sang. Chez les personnes exposées à l'arsenic, l'AF réduit probablement les concentrations d'arsenic dans le sang par rapport au placebo (2 études, 536 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Chez les participants présentant une carence ou une absence de folates qui ont reçu des filtres à eau éliminant l'arsenic en tant que co-intervention, l’AF800 a davantage réduit les taux d'arsenic dans le sang que le placebo (pourcentage de changement (% de changement) de la moyenne géométrique (MG) de l’AF800 -17,8 %, intervalles de confiance (IC) à 95 % -25,0 à -9,8 ; MG du placebo -9,5 %, IC à 95 % -16,5 à -1,8 ; 1 étude, 406 participants).
Dans une étude menée auprès de 130 participants présentant un faible taux de folates plasmatiques au départ, l’AF400 a réduit les concentrations d'arsenic total dans le sang (% de changement moyen (M) de l’AF400 -13,62 %, erreur standard (ES) ± 2,87 ; M placebo -2,49 %, ES ± 3,25) et d'acide monométhylarsonique (MMA) (% de changement M de l’AF400 -22,24 %, ES ± 2,86 ; M placebo -1,24 %, ES ± 3,59) plus que le placebo. Les concentrations d'arsenic inorganique ont diminué dans les deux groupes (% de changement M de l’AF400 -18,54 %, ES ± 3,60 ; M du placebo -10,61 %, ES ± 3,38). L'acide diméthylarsinique (DMA) a peu ou pas changé dans les deux groupes.
Arsenic urinaire. Chez les personnes exposées à l'arsenic, l'acide folique réduit probablement la proportion d'arsenic urinaire total excrété sous forme d'arsenic inorganique (% d’arsenic inorganique) et de MMA (% de MMA) et augmente la proportion excrétée sous forme de DMA (% de DMA) dans une plus grande mesure que le placebo (2 études, 546 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), ce qui suggère que l'acide folique améliore la méthylation de l'arsenic.
Dans une population mixte déficiente en folates et couverte en folates (1 étude, 352 participants) recevant des filtres à eau pour l'élimination de l'arsenic comme co-intervention, les groupes recevant de l'AF ont connu une plus grande diminution du % d’arsenic inorganique (changement intra-personnel M de l’AF400 -0,09 %, IC à 95 % -0,17 à -0,01 ; M AF800 -0,14 %, IC à 95 % -0,21 à -0,06 ; M placebo 0,05 %, IC à 95 % 0,00 à 0.10), une diminution plus importante du % de MMA (changement intra-personnel M de l’AF400 -1,80 %, IC à 95 % -2,53 à -1,07 ; M AF800 -2,60 %, IC à 95 % -3,35 à -1,85 ; M placebo 0,15 %, IC à 95 % -0,37 à 0.68), et une augmentation plus importante du % de DMA (changement intra-personnel M de l’AF400 3,25 %, IC à 95 % 1,81 à 4,68 ; M AF800 4,57 %, IC à 95 % 3,20 à 5,95 ; M placebo -1,17 %, IC à 95 % -2,18 à -0,17), par rapport au placebo.
Chez 194 participants ayant un faible taux de folate plasmatique de base, l'AF a réduit le % d’arsenic inorganique (% de changement M de l’AF400 -0,31 %, ES ± 0,04 ; M placebo -0,13 %, ES ± 0,04) et le % de MMA (% de changement M de l’AF400 -2,6 %, ES ± 0,37 ; M placebo -0,71 %, ES ± 0,43), et a augmenté le % de DMA (% de changement M de l’AF400 5,9 %, ES ± 0,82 ; M du placebo 2,14 %, ES ± 0,71), plus que le placebo.
Homocystéine plasmatique : Chez les personnes exposées à l'arsenic, l’AF400 réduit vraisemblablement les concentrations d'homocystéine dans une plus large mesure que le placebo (2 études, 448 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), dans la population mixte déficiente en folates et couverte en folates recevant des filtres à eau pour l'élimination de l'arsenic en tant que co-intervention (% de changement de la MG de l’AF400 -23.4 %, IC à 95 % -27,1 à -19,5 ; placebo -1,3 %, IC à 95 % -5,3 à 3,1 ; 1 étude, 254 participants), et les participants ayant un faible taux de folate plasmatique de base (changement intra-personnel M de l’AF400 -3,06 µmol/L, ES ± 3,51 ; M placebo -0,05 µmol/L, ES ± 4,31 ; 1 étude, 194 participants).
Les suppléments d'AF associés à d'autres suppléments nutritifs par rapport aux suppléments nutritifs seuls
Chez les personnes exposées à l'arsenic qui ont reçu des filtres à eau pour l'élimination de l'arsenic en tant que co-intervention, l’AF400 associée à la créatine pourrait réduire les concentrations d'arsenic dans le sang plus que la créatine seule (% de changement de la MG de l’AF400 + créatine -14 %, IC à 95 % -22.2 à -5,0 ; créatine -7,0 %, IC à 95 % -14,8 à 1,5 ; 1 étude, 204 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; pourrait ne pas modifier les indices de méthylation de l'arsenic urinaire (AF400 + créatine : % M de l’arsenic inorganique 13,2 %, ES ± 7.0 ; % M du MMA 10,8, ES ± 4,1 ; % M du DMA 76, ES ± 7,8 ; créatine : % M de l’arsenic inorganique 14,8, ES ± 5,5 ; % M du MMA 12,8, ES ± 4,0 ; % M du DMA 72,4, ES ±7.6 ; 1 étude, 190 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; et pourrait réduire les concentrations d'homocystéine dans une plus large mesure (% de changement de la MG de l’AF400 + créatinine -21 %, IC à 95 % -25,2 à -16,4 ; créatine -4,3 %, IC à 95 % -9,0 à 0,7 ; 1 étude, 204 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) que la créatine seule.
Post-édition effectuée par Hélène Fortin et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr