Ustekinumab et briakinumab pour le traitement de la maladie de Crohn inactive

Qu'est-ce que la maladie de Crohn ?

La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin qui peut toucher n'importe quelle partie du tractus gastro-intestinal, de la bouche à l'anus. Les symptômes courants sont les douleurs abdominales, la diarrhée et la perte de poids. La maladie de Crohn est généralement prise en charge par des traitements médicaux et chirurgicaux. Lorsqu'une personne atteinte de la maladie de Crohn présente des symptômes, la maladie est dite " active ". Lorsque les symptômes de la maladie de Crohn disparaissent, on dit que la maladie est en rémission.

Que sont l'ustekinumab et le briakinumab ?

L'ustekinumab et le briakinumab sont des médicaments biologiques qui inhibent le système immunitaire et réduisent l'inflammation associée à la maladie de Crohn. Ils peuvent être injectés sous la peau à l'aide d'une seringue (sous-cutanée) ou directement dans une veine (intraveineuse). De nombreuses personnes atteintes de la maladie de Crohn ne répondent pas aux traitements conventionnels par stéroïdes ou aux traitements par des médicaments biologiques (p. ex., l'infliximab) ou présentent des effets secondaires importants. Un médicament comme l'ustekinumab peut être une alternative efficace pour ces personnes.

Sur quoi la recherche a-t-elle porté ?

Les chercheurs ont étudié si l'ustekinumab ou le briakinumab aident à maintenir la rémission chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn et si ces médicaments ont des effets nocifs (effets secondaires). Les chercheurs ont consulté la littérature médicale jusqu'au 17 septembre 2019.

Qu'ont trouvé les chercheurs ?

Les chercheurs ont identifié 3 études (646 participants) qui comparaient l'ustekinumab (2 études, 542 participants) ou le briakinumab (1 étude, 104 participants) à un placebo (médicament factice). L'effet du traitement par l'ustekinumab a été examiné dans une étude après 22 semaines et dans une autre étude après 44 semaines. L'étude portant sur le briakinumab a examiné l'effet du traitement après 24 semaines. Toutes les études étaient de qualité méthodologique élevée.

Des preuves d’un niveau de certitude modérée suggèrent que l'ustekinumab est plus efficace que le placebo pour maintenir la rémission et réduire les symptômes de la maladie de Crohn à 22 et 44 semaines. Les taux d'effets secondaires (ustekinumab : 80% ; placebo : 84 %) et des effets secondaires graves (ustekinumab : 11% ; placebo : 16 %) étaient plus faibles chez les participants recevant l'ustekinumab que chez les participants recevant le placebo. Des preuves d’un niveau de certitude élevé suggèrent qu'il n'y a pas de risque accru d'effets secondaires avec l'ustekinumab par rapport au placebo. Les effets secondaires couramment signalés comprenaient des infections, des réactions au point d'injection, un épisode de poussée de maladie de Crohn (p. ex. aggravation de la maladie), des douleurs abdominales, des nausées, de l'arthralgie (c.-à-d. douleurs articulaires) et des céphalées. Des preuves d’un niveau de certitude modéré indiquent que l'ustekinumab ne présente pas de risque accru d'effets secondaires graves par rapport au placebo. Les effets secondaires graves comprenaient des infections graves, un néoplasme malin (c.-à-d. une tumeur cancéreuse) et un carcinome basocellulaire (c.-à-d. un cancer de la peau). Dans une étude, plus de participants recevant l'ustekinumab (7 %) se sont retirés de l'étude en raison d'un effet secondaire que les participants recevant le placebo (1 %). Cependant, le niveau de certitude de la preuve était faible. L'effet secondaire le plus fréquent ayant entraîné le retrait de l'étude était l'aggravation de la maladie de Crohn.

Cinquante et un pour cent (32/63) des participants recevant le briakinumab ont rechuté à la 24e semaine, contre 61 % (22/36) des participants recevant le placebo (preuves de faible niveau de certitude). La proportion de participants sans réduction des symptômes de la maladie de Crohn à la 24e semaine était de 33 % (21/63) dans le groupe briakinumab comparé à 53 % (19/36) dans le groupe placebo (preuves de faible niveau de certitude). Les taux d'effets secondaires (briakinumab : 66% ; placebo : 64 % ; preuves de faible niveau de certitude) et le retrait de l'étude en raison d'effets secondaires (briakinumab : 2 % ; placebo : 0 % ; preuves de faible niveau de certitude) étaient comparables chez les participants recevant le briakinumab et ceux recevant le placebo. Les effets secondaires les plus fréquemment signalés sont une infection des voies respiratoires supérieures, des nausées, des douleurs abdominales, des céphalées et une réaction au point d'injection. Le taux d'effets secondaires graves était plus faible chez les participants recevant le briakinumab (2 %) que chez les participants recevant le placebo (7 %) (preuves de faible niveau de certitude). Parmi les effets secondaires graves citons l'obstruction de l'intestin grêle, la thrombose veineuse profonde et la détresse respiratoire.

Conclusions

Des preuves d’un niveau de certitude modéré suggèrent que l'ustekinumab est probablement efficace pour le maintien de la rémission clinique et de la réponse chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn modérée à grave en rémission sans risque accru d'effets secondaires (preuves de niveau de certitude élevé) ou d'effets secondaires graves (preuves de niveau de certitude modérée). D'autres études sont nécessaires pour déterminer les avantages et les inconvénients à long terme du traitement d'entretien sous-cutané par l'ustekinumab dans la maladie de Crohn et pour déterminer s'il doit être utilisé seul ou en association avec d'autres agents. Les recherches futures comparant l'ustekinumab à d'autres médicaments biologiques aideront à déterminer quand le traitement par l'ustekinumab dans la maladie de Crohn est le plus approprié. Actuellement, une étude en cours compare l'ustekinumab à l'adalimumab (un autre type de médicament biologique). Les fabricants de briakinumab ont arrêté la production de ce médicament, donc il est peu probable que des études plus approfondies soient menées sur le briakinumab.

Conclusions des auteurs: 

Des preuves d’un biveau de certitude modéré suggèrent que l'ustekinumab est probablement efficace pour le maintien de la rémission clinique et de la réponse chez les personnes atteintes de la MC modérée à grave en rémission sans risque accru d'effets indésirables (preuves de niveau de certitude élevé) ou d'effets indésirables graves (preuves de niveau de certitude modéré) par rapport au placebo. L'effet du briakinumab sur le maintien de la rémission clinique et la réponse chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn modérée à sévère en rémission était incertain, car les données probantes était de faible niveau de certitude. L'effet du briakinumab sur les événements indésirables et les événements indésirables graves était également incertain en raison de la faiblesse des preuves. D'autres études sont nécessaires pour déterminer l'efficacité et l'innocuité à long terme du traitement d'entretien sous-cutané par ustekinumab dans la maladie de Crohn et pour déterminer s'il doit être utilisé seul ou en association avec d'autres agents. Des recherches futures comparant l'ustekinumab à d'autres médicaments biologiques aideront à déterminer quand le traitement par ustekinumab dans la MC est le plus approprié. Une étude en cours compare l'ustekinumab à l'adalimumab. Cette revue sera mis à jour lorsque les résultats de cette étude seront disponibles. Les fabricants de briakinumab ont arrêté la production de ce médicament, donc il est peu probable que des études plus approfondies soient menées sur le briakinumab.

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Contexte: 

L'ustekinumab et le briakinumab sont des anticorps monoclonaux qui ciblent la sous-unité p40 standard des cytokines interleukine-12 et interleukine-23 (IL-12/23p40), qui sont impliquées dans la pathogénie de la maladie de Crohn (MC). Une proportion importante de personnes atteintes de la maladie de Crohn ne répondent pas aux traitements conventionnels ou aux biothérapies (p. ex. infliximab) ou présentent des effets indésirables importants. Les anticorps anti-IL-12/23p40, comme l'ustekinumab, peuvent être une alternative efficace pour ces personnes.

Objectifs: 

Les objectifs de cette revue étaient d'évaluer l'efficacité et l'innocuité des anticorps anti-IL-12/23p40 pour le maintien de la rémission dans la MC.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du Groupe Cochrane IBD, dans les registres CENTRAL, MEDLINE, Embase et les registres d'essais depuis leur création jusqu'au 17 septembre 2019. Nous avons recherché des références et des résumés de conférences pour identifier des études supplémentaires.

Critères de sélection: 

Nous avons considéré pour inclusion les essais contrôlés randomisés dans lesquels les anticorps monoclonaux contre IL-12/23p40 ont été comparés à un placebo ou à un autre comparateur actif chez des participants atteints de MC en rémission.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont procédé à une sélection indépendante des études à inclure, extrait les données et évalué les biais à l'aide de l'outil Cochrane " Risque de biais ". Le principal critère de jugement était l'incapacité à maintenir la rémission clinique, définie par un indice d'activité de la maladie de Crohn (IAMC) de < 150 points. Les critères de jugement secondaires étaient l’échec à maintenir la réponse clinique, les événements indésirables (EI), les événements indésirables graves (EIG) et les retraits dus aux EI. La réponse clinique a été définie comme une réduction du score CDAI de ≥ 100 points par rapport au score de base. Nous avons calculé le risque relatif (RR) et les intervalles de confiance à 95 % (IC à 95 %) pour chaque critère évalué. Nous avons analysé toutes les données en intention de traiter. Nous avons utilisé la méthode GRADE pour évaluer le niveau de certitude globale des données probantes à l'appui des résultats.

Résultats principaux: 

Trois essais contrôlés randomisés (646 participants) ont répondu aux critères d'inclusion. Deux essais cliniques ont évalué l'efficacité de l'ustekinumab (542 participants), et une étude a évalué l'efficacité du briakinumab (104 participants). Toutes les études incluses présentaient un risque de biais faible.

Une étude (N = 145) a comparé l'ustekinumab (90 mg) administré par voie sous-cutanée à 8 et 16 semaines à un placebo. Cinquante-huit pour cent (42/72) des participants sous ustekinumab n'ont pas réussi à maintenir une rémission clinique à 22 semaines, contre à 73 % (53/73) des participants recevant le placebo (RR 0,80, IC à 95 % 0,63 à 1,02 ; preuves de niveau de certitude modérée). L'incapacité à maintenir la réponse clinique à 22 semaines a été observée chez 31 % (22/72) des participants sous ustekinumab contre 58 % (42/73) des participants sous placebo (RR 0,53, IC à 95 % 0,36 à 0,79 ; preuves de niveau de certitude modéré). Une étude (N = 388) a comparé l'ustekinumab (90 mg) administré par voie sous-cutanée toutes les 8 semaines ou toutes les 12 semaines à un placebo pendant 44 semaines. Quarante-neuf pour cent (126/257) des participants traités par ustekinumab n'ont pas réussi à maintenir une rémission clinique à 44 semaines, contre à 64 % (84/131) des participants traités par placebo (RR de 0,76, IC à 95 % de 0,64 à 0,91 ; preuves de niveau de certitude modérée). Quarante et un pour cent (106/257) des participants traités par ustekinumab n'ont pas réussi à maintenir la réponse clinique à la 44e semaine, par rapport à 56 % (73/131) des participants traités par placebo (RR de 0,74, IC à 95 % de 0,60 à 0,91 ; preuves de niveau de certitude modérée). Quatre-vingt pour cent (267/335) des participants traités par ustekinumab ont présenté un EI contre à 84 % (173/206) des participants traités avec un placebo (RR 0,94, IC à 95 % 0,87 à 1,03 ; preuves de niveau certitude élevé). Parmi les effets indésirables couramment signalés, on peut citer les infections, les réactions au point d'injection, la poussée de MC, les douleurs abdominales, les nausées, l'arthralgie et les céphalées. Onze pour cent des participants sous ustekinumab ont eu un EIG par rapport à 16 % (32/206) des participants sous placebo (RR 0,74, IC à 95 % 0,48 à 1,15 ; preuves de niveau de certitude modérée). Les effets indésirables graves étaient des infections graves, un néoplasme malin et un carcinome basocellulaire. Sept pour cent (5/73) des participants sous ustekinumab se sont retirés de l'étude en raison d'un EI, contre 1 % (1/72) des participants ayant reçu un placebo (RR 4,93, IC à 95 % 0,59 à 41,18 ; preuves de faible niveau de certitude). L'aggravation de la MC était la raison la plus courante du retrait en raison d'un événement indésirable.

Une étude a comparé le briakinumab (200 mg, 400 mg ou 700 mg) administré par voie intraveineuse à 12, 16 et 20 semaines à un placebo. L'incapacité à maintenir la rémission clinique à 24 semaines a été observée chez 51 % (32/63) des participants sous briakinumab et 61 % (22/36) des participants sous placebo (RR 0,84, IC à 95 % 0,58 à 1,20 ; preuves de faible niveau de certitude). L'incapacité à maintenir la réponse clinique à 24 semaines a été observée chez 33 % (21/63) des participants sous briakinumab contre 53 % (19/36) des participants sous placebo (RR 0,64, IC à 95 % 0,40 à 1,02 ; preuves de faible niveau de certitude). Soixante-six pour cent (59/90) des participants sous briakinumab ont présenté un EI, contre 64 % (9/14) des participants sous placebo (RR 1,02, IC à 95 % 0,67 à 1,55 ; preuves de faible niveau de certitude). Les EI les plus courants sont l'infection des voies respiratoires supérieures, les nausées, les douleurs abdominales, les céphalées et la réaction au point d'injection. Deux pour cent (2/90) des participants sous briakinumab ont présenté un EIG contre 7 % (1/14) des participants sous placebo (RR 0,31, IC à 95 % 0,03 à 3,21 ; preuves de faible niveau de certitude). Les EIG comprenaient l'obstruction de l'intestin grêle, la thrombose veineuse profonde et la détresse respiratoire. Un retrait de l’étude dû à un événement indésirable a été noté chez 2 % des participants sous briakinumab contre 0 % (0/14) des participants sous placebo (RR 0,82, IC à 95 % 0,04 à 16,34 ; preuves de faible niveau de certitude). Les EI ayant entraîné le retrait de l'étude n'ont pas été décrits.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Kevimy Agossa et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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