Quel est l’objectif de cette revue ?
Les inhibiteurs de l'aromatase (IA) sont une thérapie hormonale utilisée pour traiter un type particulier de cancer du sein chez les femmes ménopausées. Cependant, elles peuvent provoquer des douleurs articulaires et musculaires (appelées symptômes musculo-squelettiques induits par les inhibiteurs de l'aromatase). Le but de cette revue Cochrane était de découvrir si les thérapies par l'exercice physique peuvent réduire cette douleur chez les femmes qui suivent un traitement pour un cancer du sein au stade précoce.
Principaux messages
On ignore si l'exercice physique améliore, aggrave ou n’entraine pas de différence sur la douleur, la qualité de vie, la force de préhension ou sur le nombre de femmes qui continuent à prendre des IA. L'exercice physique n'entraîne probablement que peu ou pas de différence sur la raideur chez les femmes souffrant de symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, bien que le niveau de confiance de ces données probantes soit également faible. L'exercice est probablement sans danger pour les femmes atteintes de symptômes musculo-squelettiques induits par les IA.
Quel était l’objet de la revue ?
Des études ont montré un bénéfice de survie pour les femmes lorsqu'elles prennent des IA pendant cinq à dix ans après l'opération, mais malheureusement ces traitements sont associées à des effets secondaires musculo-squelettiques qui pourraient amener certaines femmes à arrêter de prendre leurs médicaments, ce qui pourrait avoir un impact sur leur survie. Nous avons cherché à savoir si l'exercice physique pouvait aider à prévenir ou à traiter les douleurs articulaires, les raideurs et les douleurs musculaires dues aux IA que les femmes atteintes d'un cancer du sein prennent pour éviter une récidive. Nous avons examiné des études de recherche sur l'exercice physique comparé soit aux soins habituels, soit au fait d'être sur une liste d'attente pour un traitement par l’exercice, soit à un autre exercice comme la marche, chez des femmes qui avaient des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA. Les femmes âgées de 18 ans ou plus atteintes d'un cancer du sein au stade précoce et traitées par IA ont été incluses. Dans la plupart des études, les femmes devaient avoir des douleurs articulaires ou musculaires pendant le traitement par IA.
Nous avons étudié un certain nombre de critères de jugement, notamment les changements en terme de douleur, de raideur, de force manuelle (force de préhension), de nombre de femmes continuant à prendre leur IA, de qualité de vie des femmes sous traitement par IA et de sécurité des programmes d'exercice.
Quels sont les principaux résultats de la revue ?
Nous avons recueilli et analysé toutes les études pertinentes pour répondre à cette question et avons trouvé sept études portant sur 400 femmes. Les études incluaient un nombre différent de femmes, allant de 20 à 121 participants par étude. Trois études ont été menées aux États-Unis, une au Royaume-Uni, une en Australie, une au Canada et une au Japon. Dans l'ensemble, le niveau de confiance des données probantes pour la plupart des critères de jugement était très faible. Cela pourrait s'expliquer par le fait que de nombreuses études n'ont pas eu beaucoup de participants, ce qui rend difficile de trouver de petites différences. Les autres problèmes étaient que les femmes et les personnes qui évaluaient les résultats savaient quelle thérapie par l’exercice la femme recevait, ce qui a pu introduire des biais. De nombreuses études n'ont pas communiqué l’ensemble de leurs résultats, et certaines d'entre elles n'ont pas été réalisées selon des normes exigeantes de recherche.
Par conséquent, il n'est pas clair si l'exercice a un effet positif ou négatif sur la douleur, la force de préhension, le nombre de femmes qui continuent à prendre leur traitement par IA ou la qualité de vie des femmes atteintes de symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, en raison des données probantes d’un niveau de confiance très faible. L'exercice physique n'entraîne probablement que peu ou pas de changement dans la raideur chez les femmes souffrant de symptômes musculo-squelettiques induits par les IA. Il est important de noter que l'exercice physique est probablement sans danger, sans qu'aucun dommage ne soit signalé, bien que les études n'aient pas suivi les femmes sur une longue période. Il n'y avait pas de données disponibles pour évaluer l'effet de l'exercice sur la survie des femmes atteintes de symptômes musculo-squelettiques induits par les IA. Malgré ces résultats peu concluants, l'exercice physique devrait toujours être recommandé dans le cadre des soins de routine pour les femmes atteintes d'un cancer du sein, en raison de ses nombreux et divers bénéfices.
Cette revue est-elle à jour ?
La dernière recherche d'études dans cette revue a été effectuée en décembre 2018 et la recherche d'études en cours a été effectuée en août 2019.
Compte tenu des nombreux bénéfices de l'exercice physique pour les personnes atteintes de cancer, il est surprenant que cette étude n'ait pas fourni de données probantes claires des bienfaits des thérapies par l'exercice physique chez les femmes atteintes d'un cancer du sein au stade précoce avec des symptômes musculo-squelettiques induits par les inhibiteurs de l’aromatase. Cette revue n'a porté que sur sept études admissibles avec 400 participants, ce qui a probablement conduit à un manque de puissance des résultats. La méta-analyse a été difficile en raison de l'hétérogénéité considérable des essais, avec un large éventail de régimes d'exercice et de périodes de suivi. Malgré ces résultats peu concluants, l'exercice doit faire partie des soins de routine pour les femmes atteintes d'un cancer du sein en raison de ses nombreux et divers bénéfices. Les recherches futures dans ce domaine seraient renforcées par une meilleure compréhension du mécanisme des symptômes musculo-squelettiques induits par les inhibiteurs de l’aromatase, une définition claire et unique de la maladie et des essais contrôlés randomisés de phase III suffisamment puissants sur le plan statistique pour tester des interventions par exercice ciblées sur les principaux critères de jugement cliniques de cette maladie.
La survie aux stades I à III, des cancers du sein à récepteurs hormonaux positifs, s'est considérablement améliorée au fil du temps grâce aux progrès du dépistage, de la chirurgie et des traitements adjuvants. Cependant, de nombreux traitements adjuvants présentent des toxicités importantes liées au traitement, qui détériorent la qualité de vie des survivantes du cancer du sein. Les femmes ménopausées atteintes d'un cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs se voient désormais prescrire des inhibiteurs de l'aromatase (IA) en première intention, avec des durées de traitement plus longues étant envisagées pour certaines femmes, pouvant aller jusqu’à 10 ans. Le traitement par IA est associé à une incidence élevée de symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, souvent décrits comme des douleurs symétriques et des courbatures dans les articulations, des douleurs musculo-squelettiques et des raideurs articulaires. Les symptômes musculo-squelettiques induits par les IA réduisent l'observance du traitement par IA chez près de la moitié des femmes qui suivent un traitement adjuvant par IA, ce qui pourrait compromettre le pronostic du cancer du sein. L'exercice a été étudié pour la prévention et le traitement des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, mais l'effet de cette intervention reste incertain.
Évaluer les effets des thérapies par l'exercice sur la prévention ou la gestion des symptômes musculo-squelettiques induits par les inhibiteurs de l'aromatase chez les femmes atteintes d'un cancer du sein de stade I à III avec récepteurs hormonaux positifs.
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données du registre spécialisé du cancer du sein de Cochrane, de CENTRAL, MEDLINE, Embase et CINAHL jusqu'au 13 décembre 2018. Nous avons également effectué des recherches dans deux portails de comptes rendus de conférences et deux registres d'essais cliniques pour des études en cours ou des essais non publiés, ou les deux, en août 2019. Nous avons également examiné les listes des références des études incluses.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés qui comparaient l'exercice à un bras de comparaison. Nous n'avons imposé aucune restriction sur le bras de comparaison, qui pouvait inclure un type d'exercice alternatif, l’absence d’exercice ou un contrôle sur liste d'attente. Les études publiées et non examinées par des pairs étaient admissibles.
Deux auteurs de la revue ont extrait les données de manière indépendante, évalué le risque de biais et la qualité des données probantes en utilisant l'approche GRADE. Les critères de jugement étudiés étaient la douleur, la rigidité des articulations, la force de préhension, la qualité de vie liée à la santé, la qualité de vie spécifique au cancer, l'observance au traitement par AI, les effets indésirables, l'incidence des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, la survie spécifique au cancer du sein et la survie globale. Pour les critères de jugement continus qui ont été mesurés avec le même instrument, nous avons utilisé la différence moyenne (DM) ; pour les critères de jugement mesurés avec des instruments différents, nous avons utilisé la différence moyenne standardisée (DMS) pour l'analyse. Pour les critères de jugement dichotomiques, nous avons présenté les résultats sous forme de rapport de cotes (RC).
Nous avons inclus sept études avec 400 participants randomisés ; une étude a évalué l'exercice dans la prévention des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA et six études ont évalué le traitement des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA.
Pour ce qui est de la prévention des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, l'étude unique n'a rapporté d'aucune différence entre les groupes en termes de scores de douleur, de force de préhension ou de respect de la prise de traitement par IA. Les valeurs des données n'ont pas été fournies dans l'étude et aucun autre critère de jugement n'a été signalé.
Pour la gestion des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, nous avons constaté que les données probantes indiquant un effet des thérapies par l'exercice sur le changement global des pires scores de douleur étaient très incertaines (DMS -0,23, intervalle de confiance (IC) à 95% -0,78 à 0,32 ; 4 études, 284 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les données probantes suggèrent que les thérapies par l'exercice physique n'entraînent que peu ou pas de différence dans l'évolution globale des scores de rigidité (Western Ontario McMasters Universities Osteoarthritis Index (WOMAC) : score de rigidité DM -0,76, IC à 95% -1,67 à 0,15 et score de rigidité par échelle visuelle analogique (EVA) : MD -0,42, IC à 95% -2,10 à 1,26 ; 1 étude, 53 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données probantes concernant les critères de jugement suivants étaient d’un niveau de confiance très faible : évolution globale de la force de préhension (0,30 DM, IC à 95% -0,55 à 1,15 ; 1 étude, 83 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; évolution globale de la qualité de vie liée à la santé (les sous-échelles de l'outil SF-36 allaient du plus faible bénéfice de 1,88 DM, IC à 95% -2,69 à 6,45 au plus grand bénéfice de 9 DM.70, IC à 95% 1,67 à 17,73 ; 2 études, 123 femmes, données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; changement global de la qualité de vie spécifique au cancer (DM 4,58, IC à 95% -0,61 à 9,78 ; 2 études, 136 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; et adhésion aux inhibiteurs de l'aromatase (OR 2,43, IC à 95% 0,41 à 14,63 ; 2 études, 224 femmes ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Aucun événement indésirable n'a été identifié dans les quatre études menées dans les deux groupes (0 événement signalé ; 4 études ; 331 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Il n’y avait pas de données rapportées sur l'incidence des symptômes musculo-squelettiques induits par les IA, la survie spécifique au cancer du sein ou la survie globale.
Post-édition effectuée par Robin Guelimi et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr