Problématique de la revue
1) L'ajout d'un anneau gastrique autour du tube digestif (œsophage) réduit-il le reflux des aliments et de l'acide de l'estomac vers le tube digestif (régurgitation) lorsqu'il est utilisé avec la chirurgie mini-invasive pour traiter l'achalasie ?
2) Quel type d'enroulement de l'estomac (partiel ou total) autour du tube digestif est le plus efficace pour contrôler les régurgitations sans causer de difficulté à avaler (dysphagie) lorsqu'il est utilisé avec la chirurgie mini-invasive pour traiter l'achalasie ?
Contexte
L'achalasie est une maladie rare causée par un état permanent de contraction d'une valve (sphincter œsophagien inférieur) à l'extrémité inférieure du tube digestif. Elle entraîne des difficultés de déglutition qui peuvent être soulagées par une chirurgie mini-invasive visant à diviser les muscles (myotomie de Heller) de cette valve. La fonction de cette valve est d'empêcher la régurgitation des aliments et de l'acide (reflux) de l'estomac vers le tube digestif. La division des muscles de cette valve, comme traitement de l'achalasie, peut entraîner une augmentation de la régurgitation acide. Pour empêcher cette régurgitation, certains chirurgiens, enroulent la partie supérieure de l'estomac autour de l'extrémité inférieure du tube digestif. Cet enroulement gastrique agit comme un sphincter artificiel empêchant les régurgitations acides. Le rôle de cet enroulement dans le contrôle de la régurgitation n'est pas universellement accepté par tous les chirurgiens, et il existe également un désaccord quant au type d'enroulement (partiellement attaché à l'avant (antérieur) ou à l'arrière (postérieur) de l'estomac, ou encerclant complètement l'estomac (total)) qui est le meilleur pour contrôler la régurgitation, sans aggraver la difficulté à avaler.
Caractéristiques des études
Nous n'avons retenu que les études dans lesquelles des adultes atteints d'achalasie sont traités par une chirurgie mini-invasive visant à diviser les muscles de la valve située à l'extrémité inférieure du tube digestif ; les études ont utilisé différents types d’enroulement gastrique ou n'en ont pas utilisé du tout. Dans toutes ces études, les participants ont été répartis au hasard dans un groupe de traitement (essai contrôlé randomisé) afin de garantir une représentation uniforme et de réduire toute erreur due à des préjugés (biais). En comparant les résultats de ces différentes techniques, nous avons essayé de déterminer si l'ajout d'un enroulement gastrique aide à prévenir les régurgitations acides, et aussi le meilleur type d’enroulement pour contrôler les régurgitations. Nous avons effectué des recherches dans trois bases de données (CENTRAL, MEDLINE, Embase) le 31 octobre 2021 et les données probantes fournies sont à jour jusqu'en octobre 2021. Nous avons inclus huit études dans cette revue (un total de 571 participants). Tous les participants ont subi une chirurgie mini-invasive pour diviser les muscles de la valve située à l'extrémité inférieure du tube digestif. En outre, 298 participants ont subi un enroulement antérieur partiel (Dor) de l'estomac, 81 un enroulement postérieur partiel (Toupet), 72 un enroulement total (Nissen), et 55 ont eu l'estomac accroché au tube digestif (augmentation de l'angle de His) avec des points de suture, et 65 n'ont subi aucune autre intervention.
Principaux résultats
Les données probantes sont très incertaines quant à savoir si l'ajout d'un enroulement antérieur partiel (Dor) modifie ou non les critères de jugement de la régurgitation acide et sont incertaines quant aux difficultés de déglutition chez ces participants. Il ne semble pas y avoir de différence dans les critères de jugement entre les enroulements antérieures partielles (Dor) et postérieures partielles (Toupet) en termes de régurgitation acide et de difficulté à avaler, mais il y a une incertitude quant aux données probantes. L'enroulement total (Nissen) entraîne une augmentation des difficultés de déglutition par rapport à l'enroulement antérieur partiel (Dor). L'étude comparant l'enroulement antérieur partiel (Dor) à une procédure où l'estomac était simplement accroché au tube digestif par quelques points de suture n'a pas montré de différence dans la difficulté à avaler après l'opération, mais n'a pas rapporté les régurgitations acides.
Niveau de confiance des données probantes
Toutes les études incluses dans la revue sont bien construites. Cependant, une étude n'a été publiée que sous forme de résumé, ce qui nous donne des informations limitées. Les autres limites de cette revue sont le petit nombre de participants et les courtes périodes de suivi dans les études. Il existe également des différences dans la définition, la mesure et l'évaluation des critères de jugement dans ces études. Nous avons évalué le niveau de confiance global des données probantes dans cette revue comme étant faible.
Lorsque la myotomie de Heller par laparoscopie (MHL) était réalisée avec une dissection hiatale minimale, nous n'étions pas certains que l'ajout d'une fundoplicature de Dor fasse une différence dans le contrôle du reflux postopératoire, et nous n'étions pas certains qu'elle augmente le risque de dysphagie postopératoire sévère. Il pourrait y avoir peu ou pas de différence dans les critères de jugement du reflux acide pathologique postopératoire ou de la dysphagie sévère entre les fundoplicatures de Dor et de Toupet lorsqu'elles sont utilisées en combinaison avec la MHL, mais le niveau de confiance des données probantes est faible. La fundoplicature (totale) de Nissen utilisée en combinaison avec la MHL pour l'achalasie a augmenté le risque de dysphagie postopératoire sévère. L'accentuation de l’angle de His et la fundoplicature de Dor ont eu un effet similaire sur la dysphagie postopératoire sévère lorsqu'ils ont été associés à la MHL, mais leur effet sur le reflux acide pathologique postopératoire n'a pas été rapporté.
La myotomie de Heller par laparoscopie (MHL) est le traitement privilégié de l'achalasie. Elle améliore la dysphagie en divisant les muscles du sphincter œsophagien inférieur, mais cette intervention peut entraîner des symptômes de reflux gastro-œsophagien débilitants chez certains patients. Pour prévenir ces symptômes de reflux, la plupart des chirurgiens ajoutent une fundoplicature à la myotomie de Heller, mais il n'existe pas de consensus à ce sujet ni sur le type de fundoplicature le mieux adapté.
Évaluer comment l'ajout d'une fundoplicature affecte le reflux et la dysphagie postopératoires chez les personnes subissant une MHL et comparer les différents types de fundoplicatures utilisées en combinaison avec la MHL pour déterminer laquelle est la meilleure pour contrôler le reflux sans aggraver la dysphagie.
Nous avons effectué des recherches dans trois bases de données (CENTRAL, MEDLINE et Embase) au 31 octobre 2021 et dans des registres d'essais afin d'identifier tous les essais contrôlés randomisés (ECR) publiés et non publiés, dans n'importe quelle langue, comparant différentes fundoplicatures utilisées en combinaison avec la MHL pour traiter l'achalasie. Nous avons également inclus les ECR où la MHL avec une fundoplicature est comparé à la MHL sans fundoplicature.
Nous n'avons inclus que les ECR qui recrutaient des participants adultes atteints d'achalasie subissant une MHL avec dissection hiatale minimale. Nous avons exclu les études non randomisées ou les études impliquant des participants pédiatriques. Nous avons également exclu les études où l'intervention était réalisée par chirurgie ouverte et où une dissection hiatale circonférentielle de l'œsophage était effectuée, sauf si elle était nécessaire pour réduire une hernie hiatale ou pour faciliter une fundoplicature de Toupet ou de Nissen.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment identifié les études à inclure, évalué le risque de biais à l'aide de l'outil Cochrane RoB 1 et extrait les données. Nous avons calculé le risque relatif (RR) avec un intervalle de confiance (IC) à 95 % en utilisant des modèles à effet fixe et à effet aléatoire avec le logiciel Review Manager (RevMan).
Nous avons inclus huit études dans cette revue, avec un total de 571 participants dont l'âge moyen était de 45 ans (entre 33,5 et 50 ans). La MHL sans aucune fundoplicature a été réalisée chez 65 (11,3%) participants, 298 (52,1%) ont eu une fundoplicature de Dor, 81 (14,1%) une fundoplicature de Toupet, 72 (12,6 %) une fundoplicature de Nissen et 55 (9,6 %) participants ont eu une accentuation de l'angle de His.
Trois études avec un total de 143 participants ont comparé la MHL avec fundoplicature de Dor à la MHL sans fundoplicature. Nous avons constaté que les données probantes sont très incertaines quant à savoir si l'ajout d'une fundoplicature de Dor a fait une différence dans le critère de jugement du reflux acide pathologique postopératoire (RR 0.37, IC à 95 % 0.07 à 1.89 ; I2 = 56 % ; 2 études, 97 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et incertaines pour la dysphagie postopératoire sévère (RR 3.00, IC à 95 % 0.34 à 26.33 ; I2 = 0 % ; 3 études, 142 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Trois études avec 174 participants ont comparé la MHL avec fundoplicature de Dor à la MHL avec fundoplicature de Toupet. Les données probantes suggèrent qu'il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre les critères de jugement en ce qui concerne le reflux acide pathologique postopératoire (RR 0,75, IC à 95 % 0,23 à 2,43 ; I2 = 60 % ; 3 études, 105 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et la dysphagie postopératoire sévère (RR 0,78, IC à 95 % 0,19 à 3,15 ; I2 = 0 % ; 3 études, 123 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), mais le niveau de confiance des données probantes est faible.
Une étude avec 138 participants a comparé la MHL avec fundoplicature de Dor à la MHL avec fundoplicature de Nissen. La fundoplicature de Nissen a provoqué une augmentation de la dysphagie postopératoire sévère (RR 0,19, IC à 95 % 0,04 à 0,83 ; 1 étude, 138 participants ; données probantes d’un niveau de confiance élevé) par rapport à la fundoplicature de Dor. Cette étude n'a pas montré de différence dans le reflux acide pathologique postopératoire (RR 4,72, IC à 95 % 0,23 à 96,59 ; 1 étude, 138 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), mais le niveau de confiance des données probantes est faible.
Une étude avec 110 participants a comparé la MHL avec fundoplicature de Dor à la MHL avec accentuation de l'angle de His, et a rapporté que la dysphagie postopératoire sévère était similaire entre les deux interventions (RR 1,56, IC à 95 % 0,27 à 8,95 ; 1 étude, 110 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), avec des données probantes d’un niveau de confiance modéré. Cette étude n'a pas rapporté le reflux acide pathologique postopératoire.
Post-édition effectuée par Celine Delluc et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr