Les médicaments qui améliorent la force de battement du cœur préviennent-ils le syndrome de bas débit cardiaque et la mort chez des enfants subissant une intervention chirurgicale pour une cardiopathie congénitale ?

Principaux messages

- L'utilisation du lévosimendan à titre préventif réduit le risque de décès chez des enfants subissant une chirurgie cardiaque. Le risque de réduction de la fonction cardiaque est largement diminué avec le lévosimendan et probablement aussi avec la milrinone, par rapport au placebo. Les effets secondaires sont probablement plus fréquents avec le lévosimendan ou la dobutamine et pourraient être plus fréquents avec la milrinone, mais moins courants avec la milrinone à faible dose, par rapport au placebo.

- Notre confiance dans les données probantes est limitée parce que seul un petit nombre de patients a reçu chaque médicament, que l'âge et la maladie des patients différaient, et que le suivi était court ou que les critères de jugement étaient rapportés de manière incomplète.

Qu'est-ce que le syndrome du bas débit cardiaque ?

Les enfants qui subissent une chirurgie cardiaque risquent de voir leur fonction cardiaque réduite après l'opération (syndrome du bas débit cardiaque, SBDC). Cela touche jusqu'à un quart de ces enfants, et il y a un risque de décès. Une fonction cardiaque diminuée oblige les enfants à rester plus longtemps sous respirateur ainsi qu’en unité de soins intensifs (USI).

Objets de nos recherches

Nous voulions savoir si des médicaments qui augmentent la force de pompage du cœur préviennent la réduction de la fonction cardiaque ou le décès chez des enfants après une chirurgie cardiaque, s'il existe des risques associés et si nous pouvions classer les traitements. Ces médicaments sont utilisés lorsque le SBDC est présent, mais parfois aussi pour le prévenir. Quelques études ont été menées pour comparer certains de ces médicaments entre eux, mais chacune d'entre elles n'a porté que sur un petit nombre de patients. En réalisant une méta-analyse en réseau, où plusieurs traitements différents peuvent être comparés les uns aux autres, nous espérions fournir des informations supplémentaires sur la manière de prévenir une fonction cardiaque insuffisante ou le décès chez des enfants qui subissent une chirurgie cardiaque.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché dans les bases de données de la littérature médicale des études planifiées, en cours et terminées qui comparaient l'un de ces médicaments entre eux, aux soins standards (mesures couramment mises en œuvre dans l’Unité de Soins Intensifs (USI) après une chirurgie cardiaque) ou à un placebo (une solution qui ressemble à la perfusion du médicament, mais qui n'a pas de principe actif). Deux auteurs ont recueilli et examiné les données de manière indépendante. Nous avons ensuite calculé l'efficacité des médicaments lorsque les résultats des études étaient combinés, résumé les résultats et évalué notre confiance dans les données probantes.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé 13 études comparant le lévosimendan, la milrinone, la dobutamine, la dopamine, des combinaisons de ceux-ci avec d'autres médicaments, ou un placebo, avec 937 participants au total. Deux des études ont été menées dans plusieurs hôpitaux. Les participants différaient d’une étude à l’autre, par exemple en fonction de l'âge, des nouveau-nés de moins d'un mois aux enfants âgés de 14 ans. Toutes les études incluaient des enfants subissant une intervention chirurgicale pour des anomalies cardiaques congénitales, utilisant temporairement une machine cœur-poumon. Certaines études ont examiné uniquement des enfants ayant deux cavités cardiaques, une autre avec des enfants ayant une seule cavité cardiaque, et d’autres les deux.

Cinq études ont comparé le lévosimendan à la milrinone, deux le lévosimendan à un placebo, et deux la milrinone à un placebo. Une étude a comparé le lévosimendan à la dobutamine, une autre la milrinone à la dobutamine, et deux études ont utilisé des traitements combinés. Les patients étaient suivis principalement pendant la durée de leur séjour en USI ou à l'hôpital. Les auteurs de l'étude ont reçu des financements de gouvernements, d'hôpitaux et d'organisations à but non lucratif, mais aussi de fabricants de médicaments ; dans certains cas, nous ne savons pas comment ils ont été financés.

Principaux résultats

Le lévosimendan entraîne moins de décès de patients après une chirurgie cardiaque infantile que le placebo, la milrinone ne modifie probablement pas ce risque, et pour la dobutamine, nous ne connaissons pas le risque (14 événements, 557 participants, 9 études).

Le risque de réduction de la fonction cardiaque a été largement réduit avec le lévosimendan et probablement largement réduit avec la milrinone, et peut être réduit avec la milrinone à faible dose, par rapport au placebo (85 événements, 513 participants, 5 études).

La durée du séjour en USI peut ne pas être différente avec le lévosimendan et n'est probablement pas différente avec la milrinone ou la dobutamine, comparativement au placebo (9 études, 577 participants).

La durée d'hospitalisation n'est probablement pas différente avec le lévosimendan ou avec la milrinone, mais est probablement réduite avec la dobutamine, par rapport au placebo (7 études, 297 participants).

La durée pendant laquelle les enfants doivent passer sous respirateur après une chirurgie cardiaque est probablement plus longue avec le lévosimendan ou la milrinone et n'est probablement pas différente avec la dobutamine, par rapport au placebo (9 études, 577 participants).

Les effets secondaires en général sont probablement plus fréquents avec le lévosimendan ou la dobutamine et peuvent être plus fréquents avec la milrinone et moins fréquents avec la milrinone à faible dose, par rapport au placebo (8 études, 706 participants, 380 événements).

Quelles sont les limites des données probantes ?

Nous avons trouvé peu d'études avec des modèles d'essais différents où souvent tous ces effets n'ont pas été examinés. Notre confiance dans les données probantes est limitée en raison d’un petit nombre de patients inclus pour chaque traitement médicamenteux, et parce que nous n'étions pas toujours convaincus que tous les patients d'une étude avaient été traités d'une manière tout à fait comparable, qu'ils aient été suivis pendant suffisamment longtemps, ou que tous les résultats de l'étude aient été rapportés de manière exhaustive. Par conséquent, tous les résultats de notre méta-analyse en réseau doivent être considérés avec prudence.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Ces données probantes sont à jour jusqu'en décembre 2023.

Conclusions des auteurs: 

Le lévosimendan entraîne probablement une réduction importante de la mortalité par rapport au placebo chez des patients pédiatriques subissant une intervention chirurgicale pour une cardiopathie congénitale, tandis que la milrinone n'entraîne probablement pas de différence, et l'effet de la dobutamine est inconnu.

Le syndrome de bas débit cardiaque (SBDC) est largement réduit avec le lévosimendan, probablement largement réduit avec la milrinone, et pourrait être réduit avec la milrinone à faible dose, par rapport au placebo.

La durée du séjour en USI pourrait ne pas être différente avec le lévosimendan et n'est probablement pas différente avec la milrinone ou avec la dobutamine, par rapport au placebo.

La durée d’hospitalisation n'est probablement pas différente avec le lévosimendan ou la milrinone, mais est probablement réduite avec la dobutamine, par rapport au placebo.

La durée de ventilation mécanique est probablement augmentée avec le lévosimendan ou la milrinone et n'est probablement pas différente avec la dobutamine, par rapport au placebo.

Les événements indésirables sont probablement accrus avec le lévosimendan ou la dobutamine, et pourraient être augmentés avec la milrinone et diminués avec la milrinone à faible dose, par rapport au placebo.

Les données probantes reposent sur quelques études hétérogènes, avec un petit nombre de patients et de courtes périodes de suivi. Les recherches futures devraient inclure un grand nombre de patients, rapporter systématiquement toutes les co-interventions et assurer un suivi aussi long que possible.

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Contexte: 

Les patients pédiatriques subissant une intervention chirurgicale pour une cardiopathie congénitale (CC) présentent un risque de syndrome de bas débit cardiaque (SBDC) post-opératoire et de mortalité. Le syndrome de bas débit cardiaque affecte jusqu'à 25 % des enfants après une chirurgie cardiaque. Il consiste en une diminution de la fonction myocardique et augmente la morbidité post-opératoire, prolonge la ventilation mécanique et allonge la durée du séjour en unité de soins intensifs (USI). La prophylaxie pharmacologique fait appel à des inotropes, notamment des catécholamines, des inhibiteurs de la phosphodiestérase III ou des sensibilisateurs calciques, pour améliorer la contractilité du myocarde. Il est difficile de savoir, si la prophylaxie pharmacologique est efficace pour prévenir le SBDC ou les décès dans cette population vulnérable.

Objectifs: 

1. Évaluer les bénéfices et risques relatifs des inotropes pour la prévention du SBDC et de la mortalité chez des patients pédiatriques subissant une intervention chirurgicale pour une CC.

2. Générer un classement cliniquement utile des inotropes prophylactiques pour la prévention du SBDC et de la mortalité chez des patients pédiatriques subissant une intervention chirurgicale pour une CC en fonction des bénéfices et risques.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase, Web of Science et les registres d'essais cliniques, les plus récents, de décembre 2023 et d’avril 2024. Nous avons également vérifié les références bibliographiques des études identifiées et les articles des revues. Nous n'avons appliqué aucune restriction linguistique.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés comparant des inotropes d'une classe de médicaments (catécholamines, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type III, sensibilisateurs calciques) à une autre (seule ou en combinaison) ou à un placebo, chez des patients pédiatriques (de la naissance à l'âge de 18 ans) subissant une intervention chirurgicale pour une CC.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de revues ont indépendamment sélectionné des études, extrait les données, évalué les risques de biais et évalué le niveau de confiance des données probantes à l'aide du cadre CINeMA. Nous avons effectué des méta-analyses en réseau à effets aléatoires et par paires comparant les effets relatifs de chaque paire de médicaments possibles entre eux ou avec un placebo. Lorsqu'aucune méta-analyse n'était possible, nous avons fourni une description narrative des résultats. Nous avons classé les médicaments prophylactiques en fonction de leurs effets les uns par rapport aux autres. Les critères de jugement principaux étaient la mortalité toutes causes confondues dans les 30 jours, la période létale et l'incidence du SBDC ; les critères de jugement secondaires étaient la durée du séjour en USI, la durée du séjour à l'hôpital, la durée de ventilation mécanique, le score inotrope, l’assistance circulatoire mécanique et les événements indésirables.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 13 études avec 937 participants. Toutes les études, à l’exception de deux études multicentriques ont été menées dans des hôpitaux de soins tertiaires uniques. Les participants comprenaient des enfants de la naissance à l'âge de 14 ans subissant une intervention chirurgicale pour différents types de cardiopathies congénitales sous circulation extracorporelle. Cinq études comparaient le lévosimendan à la milrinone ; deux comparaient le lévosimendan à un placebo ; deux comparaient la milrinone à un placebo (une comparant deux doses différentes) ; une comparait le lévosimendan à la dobutamine, une autre la milrinone à la dobutamine. Deux études ont utilisé des combinaisons d'inotropes. La durée de l'étude était comprise entre moins d'un an et 5,3 ans, avec le suivi principalement assuré pendant le séjour en USI ou à l'hôpital. Les sources de financement comprenaient des organismes gouvernementaux et des services hospitaliers, mais aussi des fabricants de médicaments. Nous avons abaissé le niveau de confiance des données probantes pour risque de biais élevé au niveau des études, ou imprécision au niveau des comparaisons.

Critères de jugement principaux

Comparé au placebo, le lévosimendan entraîne probablement une réduction importante de la mortalité (risque relatif (RR) 0,57, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,15 à 2,13) et la milrinone n'entraîne probablement aucune différence (RR 0,97, IC à 95 % 0,11 à 8,49), tandis que pour la dobutamine, aucun effet n'a pu être estimé ; toutes les données probantes sont de niveau de confiance modéré (9 études, 557 participants, 14 événements).

Le SBDC a été largement réduit avec le lévosimendan (RR 0,45, IC à 95 % 0,24 à 0,83 ; données probantes d’un niveau de confiance élevé), probablement considérablement réduit avec la milrinone (RR 0,46, IC à 95 % 0,24 à 0,89 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), et pourrait être réduit avec la milrinone à faible dose (RR 0,7, IC à 95 % 0,39 à 1,28 ; niveau de confiance faible), par rapport au placebo (5 études, 513 participants, 85 événements).

Critères de jugement secondaires

La durée du séjour en USI pourrait ne pas être différente avec le lévosimendan (rapport des moyennes (RdM) 1,12, IC à 95 % 0,77 à 1,63 ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et n'est probablement pas différente avec la milrinone (RdM 1,13, IC à 95 % 0,75 à 1,69) ou avec la dobutamine (RdM 1,11, IC à 95 % 0,66 à 1,86), par rapport au placebo (9 études, 577 participants) ; données probantes d’un niveau de confiance modéré dans les deux cas.

La durée d’hospitalisation, comparée au placebo, n'est probablement pas différente avec le lévosimendan (RdM 1,03, IC à 95 % 0,84 à 1,27) ou avec la milrinone (RdM 1, IC à 95 % 0,78 à 1,3), mais est probablement réduite avec la dobutamine (RdM 0,68, IC à 95 % 0,37 à 1,26) ; toutes les données probantes sont de niveau de confiance modéré (7 études, 297 participants).

La durée de ventilation mécanique, comparée au placebo, est probablement augmentée avec le lévosimendan (RdM 1,17, IC à 95 % 0,65 à 2,12) ou avec la milrinone (RdM 1,25, IC à 5 % 0,67 à 2,36) et n'est probablement pas différente avec la dobutamine (RdM 1,04, IC à 95 % 0,45 à 2,38) ; toutes les données probantes sont d’un niveau de confiance modéré (9 études, 577 participants).

Il existe des données probantes d’un niveau de confiance modéré suggérant que les événements indésirables sont susceptibles d'augmenter avec le lévosimendan (rapport des taux d'incidence (RTI) 1,23, IC à 95 % 0,78 à 1,96) ou la dobutamine (RTI 1,24, IC à 95 % 0,75 à 2,03) et des données probantes d’un niveau de confiance faible suggérant qu'ils pourraient être augmentés avec la milrinone (RTI 1,31, IC à 95 % 0,96 à 1,79) et diminués avec la milrinone à faible dose (RTI 0,84, IC à 95 % 0,47 à 1,5), comparativement au placebo (8 études, 706 participants, 380 événements).

Notes de traduction: 

Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France, avec le soutien de Nathalie Goulay (bénévole chez Cochrane France), grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.