Problématique de la revue
Dans cette étude, nous avons cherché à évaluer les données probantes disponibles de l'effet des crèmes protectrices, des crèmes hydratantes, des gants et des programmes éducatifs pour les employés qui risquent de développer une irritation de la peau des mains. Nous avons trouvé neuf études. Aucune d'entre elles n'a examiné les gants de protection. Les données probantes de cette revue sont à jour jusqu'au 17 janvier 2018.
Contexte
La dermatite irritative des mains d’origine professionnelle est une maladie de la peau qui se manifeste sur les mains des employés dans certains emplois. Les premiers signes sont des plaques rouges et squameuses entre les doigts et sur les phalanges des mains. D’autres signes courants sont des éruptions cutanées avec démangeaisons, des fissures douloureuses et une possible infection, et éventuellement une peau épaisse.
L'irritation de la peau des mains peut toucher les employés qui entrent régulièrement en contact avec de l'eau, des détergents, des produits chimiques et d'autres produits irritants, ou qui portent des gants pendant leur journée de travail. Les personnes particulièrement exposées sont les coiffeurs, les infirmières, les agents d’entretien, les constructeurs et les personnes qui travaillent dans les industries de la teinture, de l'impression, de la métallurgie et de l'alimentation. Cette maladie est relativement fréquente et touche entre 5 et 20 employés à temps complet sur 10 000 par an. Il est important d’empêcher le développement de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle car une fois qu'elle s'est déclenchée, il est difficile d'y remédier.
Caractéristiques des études
Nous avons inclus neuf études dans cette revue, impliquant 2 888 travailleurs et travailleuses âgés de 16 à 67 ans. Les études ont porté sur plusieurs types de travailleurs : les ouvriers métallurgistes, les ouvriers des usines de teinture et d'impression, les nettoyeurs de boyaux dans les abattoirs de porcs, les agents d’entretien et le personnel de cuisine, les employés des hôpitaux et les apprentis coiffeurs. Nous n'avons pas pu savoir si les mesures préventives étaient aussi efficaces pour toutes ces professions car il n’y avait pas suffisamment d’essais. Les études ont duré de quatre semaines à trois ans.
Principaux résultats
Certaines des mesures préventives peuvent réduire le risque d'irritations cutanées des mains. Cependant, il y a eu trop peu d'études pour en être sûr. Les études étaient trop différentes les unes des autres pour pouvoir être combinées de façon pertinente, et les résultats étaient trop imprécis. Nos résultats sont donc encore discutables.
Diverses crèmes protectrices, crèmes hydratantes et programmes d'éducation à la protection de la peau ont été étudiés. Il est possible que les crèmes protectrices réduisent légèrement le risque de développer la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle. Ce résultat est basé sur quatre études. Dans ces études, 29 % des personnes qui ont appliqué des crèmes protectrices ont développé des irritations de la peau des mains. Dans le groupe de contrôle, qui n'a pas appliqué de crèmes protectrices, 33 % ont développé des irritations cutanées sur les mains. Les résultats de trois études ont montré que les crèmes hydratantes pourraient réduire le risque de développer une dermatite irritative des mains d’origine professionnelle de façon significative. Treize pour cent des personnes qui ont utilisé des crèmes hydratantes ont développé des irritations de la peau des mains, contre 19 % de celles qui n'ont pas utilisé de crèmes hydratantes. Deux études ont montré que l'utilisation d'une combinaison de crèmes protectrices et de crèmes hydratantes pourrait réduire le risque de développer une dermatite irritative des mains d’origine professionnelle de façon significative. Huit pour cent des personnes qui ont utilisé des crèmes hydratantes et des crèmes protectrices ont développé des irritations cutanées sur les mains, contre 13 % du groupe témoin. Sur la base de trois études, nous ne savons pas si l'éducation à la protection de la peau réduit le risque de développer la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle. Dans ces études, 21 % des personnes ayant reçu une éducation à la protection de la peau ont développé des irritations cutanées aux mains, contre 28 % des personnes du groupe témoin.
La sécurité et la tolérance de ces mesures n'ont pas été systématiquement abordées dans ces études. Toutefois, aucune réaction grave aux traitements n'a été signalée. De légères réactions, comme des démangeaisons ou des rougeurs de la peau, ont été signalées chez quelques personnes seulement, qui ont appliqué les crèmes protectrices ou les crèmes hydratantes. Les mesures visant à prévenir les irritations cutanées des mains ne causent probablement que peu ou pas d'effets indésirables graves.
Qualité des données probantes
Pour les crèmes protectrices les crèmes hydratantes ou une combinaison des deux, la qualité des données probantes était faible en ce qui concerne la prévention de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle. Il n'y avait pas assez d'informations et la dermatite des mains a été évaluée de manière différente selon les études.
Pour les programmes éducatifs, la qualité des données probantes était très faible en ce qui concerne la prévention de l'irritation cutanée des mains. Les informations étaient insuffisantes, la dermatite des mains était évaluée de manière différente selon les études, et les études étaient mal menées sur certains aspects importants.
Concernant l’autre critère de jugement principal, la sécurité et la tolérance des traitements, la qualité des données probantes était modérée car seuls des résultats indirects étaient disponibles.
Les crèmes hydratantes utilisées seules ou en combinaison avec des crèmes protectrices pourraient avoir un effet protecteur cliniquement important, à long ou à court terme, pour la prévention primaire de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle. Les crèmes protectrices seules pourraient avoir un léger effet protecteur, mais cela ne semble pas important sur le plan clinique. Les résultats de toutes ces comparaisons étaient imprécis, et la faible qualité des données probantes signifie que notre confiance dans les estimations de l'effet est limitée. En ce qui concerne l'éducation à la protection de la peau, les résultats varient considérablement d'un essai à l'autre, l'effet est imprécis et la réduction du risque global n'est pas assez importante pour être cliniquement significative. La très faible qualité des données probantes signifie que nous ne sommes pas sûrs que l'éducation à la protection de la peau réduise le risque de développer la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle. Les interventions ne causent probablement que peu ou pas d'effets indésirables graves.
Nous concluons qu'il n'y a actuellement pas suffisamment de données probantes pour évaluer avec confiance l'efficacité des interventions utilisées dans la prévention primaire de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle. Cela ne signifie pas nécessairement que les mesures actuelles sont inefficaces. Même si la mise à jour de cette revue a inclus des études plus grandes et de qualité raisonnable, il est toujours nécessaire de procéder à des essais qui appliquent des mesures standardisées pour la détection de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle afin de déterminer l'efficacité des différentes stratégies de prévention.
La dermatite irritative des mains d’origine professionnelle provoque une importante déficience fonctionnelle, une perturbation du travail et un inconfort dans la population active. Différentes mesures préventives peuvent être utilisées, telles que des gants de protection, des crèmes protectrices et des crèmes hydratantes, mais leur efficacité n'est pas claire. Ceci est une mise à jour d'une revue Cochrane qui a été publiée précédemment en 2010.
Évaluer les effets des interventions et des stratégies de prévention primaire (physique et comportementale) pour prévenir la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle chez les personnes en bonne santé (qui n'ont pas de dermatite des mains) qui travaillent dans des professions où la peau risque d'être endommagée par le contact avec l'eau, les détergents, les produits chimiques ou d'autres produits irritants, ou par le port de gants.
Nous avons actualisé nos recherches dans les bases de données suivantes jusqu'en janvier 2018 : le registre spécialisé du groupe Cochrane sur la peau, CENTRAL, MEDLlNE et Embase. Nous avons également effectué des recherches dans cinq registres d'essais et vérifié les bibliographies des études incluses pour trouver d'autres références d’essais pertinents. Nous avons fait des recherches sur deux séries de comptes rendus de conférence.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) parallèles et croisés qui ont examiné l'efficacité des crèmes protectrices, des crèmes hydratantes, des gants ou des interventions éducatives par rapport à l'absence d'intervention pour la prévention primaire de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle dans des conditions de terrain.
Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard attendues par Cochrane. Les critères de jugement principaux ont été les signes et les symptômes de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle développés au cours des essais, et la fréquence d'arrêt du traitement en raison d'effets indésirables.
Nous avons inclus neuf ECR impliquant 2 888 participants sans dermatite irritative des mains d’origine professionnelle à l’inclusion. Six études, comprenant 1 533 participants, ont examiné les effets des crèmes protectrices, des crèmes hydratantes ou des deux. Trois études, comprenant 1 355 participants, ont évalué l'efficacité de l'éducation à la protection de la peau sur la prévention de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle. Aucune des études éligibles ne portaient sur les effets des gants de protection. Parmi chaque type d'intervention, il y avait une hétérogénéité concernant les critères d'évaluation des signes et symptômes de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle, les produits et les professions. Le risque de biais de sélection, de biais de performance et de biais de notification étaient généralement incertain pour toutes les études. Le risque de biais de détection était faible dans cinq études et élevé dans une étude. Le risque d'autres biais était faible dans quatre études et élevé dans deux études.
Les essais éligibles ont impliqué divers participants, notamment : des ouvriers métallurgistes exposés à des fluides de coupe, des ouvriers d'usines de teinture et d'impression, des nettoyeurs de boyaux dans les abattoirs de porcs, des agents d’entretien et le personnel de cuisine, des apprentis infirmiers, des employés d'hôpitaux manipulant des produits irritants et des apprentis coiffeurs. Toutes les études ont été réalisées sur les lieux de travail respectifs. La durée des études variait de quatre semaines à trois ans. L'âge des participants variait de 16 à 67 ans.
Des méta-analyses portant sur les crèmes protectrices, les crèmes hydratantes, une combinaison de crèmes protectrices et hydratantes, ou l'éducation à la protection de la peau ont montré des effets imprécis favorisant l'intervention. Vingt-neuf pour cent des participants qui ont appliqué des crèmes protectrices ont développé des signes de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle, contre 33 % du groupe témoin, de sorte que le risque pourrait être légèrement réduit avec cette mesure (risque relatif (RR) 0,87, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,72 à 1,06 ; 999 participants ; 4 études ; données probantes de faible qualité). Toutefois, cette réduction des risques pourrait ne pas être importante sur le plan clinique. L'utilisation de crèmes hydratantes pourrait avoir un effet protecteur important sur le plan clinique : dans les groupes d'intervention, 13 % des participants ont développé des symptômes de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle contre 19 % du groupe témoin (RR 0,71, IC à 95 % 0,46 à 1,09 ; 507 participants ; 3 études ; données probantes de faible qualité). De même, l'utilisation d'une combinaison de crèmes protectrices et hydratantes pourrait avoir un effet protecteur cliniquement important : 8 % des participants du groupe d'intervention ont développé des signes de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle, contre 13 % du groupe témoin (RR 0,68, IC à 95 % 0,33 à 1,42 ; 474 participants ; 2 études ; données probantes de faible qualité). Nous ne savons pas si l'éducation à la protection de la peau réduit le risque de développer des signes de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle (RR 0,76, IC à 95 % 0,54 à 1,08 ; 1 355 participants ; 3 études ; données probantes de très faible qualité). Vingt et un pour cent des participants qui ont reçu une éducation en matière de protection de la peau ont développé des signes de la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle, contre 28 % du groupe témoin.
Aucune des études n'a porté directement sur la fréquence d'interruption du traitement en raison des effets indésirables des produits. Cependant, dans trois études sur les crèmes protectrices, les raisons du retrait des études n'étaient pas liées aux effets indésirables. De même, dans une étude sur les crèmes hydratantes en association avec les crèmes protectrices, et dans une étude sur l'éducation à la protection de la peau, les raisons des abandons n'étaient pas liées aux effets indésirables. Les autres études (une à deux dans chaque comparaison) ont rapporté les retraits des études sans préciser combien d'entre eux pouvaient être dus à des réactions indésirables aux interventions. Nous avons jugé la qualité de ces données probantes comme étant modérée, en raison du caractère indirect des résultats. Les interventions étudiées pour prévenir la dermatite irritative des mains d’origine professionnelle causent probablement peu ou pas d'effets indésirables graves.
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