Contexte
Les cathéters centraux sont de minces tubes flexibles qui sont insérés dans la veine d'une personne pour lui prodiguer des soins médicaux. Ils sont utilisés pour administrer des médicaments, des liquides ou des nutriments (pour nourrir le patient) directement dans la circulation sanguine. Cependant, ils peuvent provoquer la coagulation du sang (formation d’un petit caillot). Cela empêche le sang de circuler normalement dans les vaisseaux sanguins. Les caillots de sang peuvent provoquer des symptômes tels que des douleurs ou des gonflements, mais peuvent aussi se former sans aucun symptôme. Ils peuvent entraîner de graves problèmes de santé et mener à la mort s'ils se déplacent et se bloquent dans les veines principales ou dans les poumons.
Depuis les années 1990, les caillots de sang chez les enfants sont en général devenus plus fréquents, notamment en raison de l'augmentation du nombre de caillots sanguins chez les enfants traités avec des cathéters centraux. Nous avons examiné les recherches existantes pour savoir si le fait de donner aux enfants un médicament anticoagulant appelé héparine de bas poids moléculaire (HBPM) protège contre les caillots sanguins. Nous voulions également savoir si les HBPM augmentent le risque de saignements mineurs ou graves, de décès ou d'autres effets secondaires (indésirables).
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons effectué des recherches dans la littérature scientifique en mai 2019. Nous avons trouvé deux études (une de plus que lors de notre dernière recherche en 2014). Les études ont comparé ce qui se passe chez les enfants (jusqu'à 18 ans) traités par voie centrale qui ont reçu de l’HBPM à ce qui se passe chez ceux qui n'en ont pas reçu. Au total, 1135 enfants ont été suivis pendant 30 à 64 jours. Pendant cette période, le nombre de caillots sanguins, d'épisodes de saignement et de décès a été enregistré. Une étude s'est également penchée sur le nombre de décès cinq ans après le traitement.
Les deux études que nous avons trouvées ne nous ont pas permis de déterminer avec certitude si l'HBPM protège ou non les enfants traités par voie centrale contre la formation de caillots sanguins (avec ou sans symptômes).
Les études ne nous ont pas non plus permis de déterminer si les enfants sous HBPM étaient plus susceptibles de présenter des saignements (mineurs ou graves), ou si les HBPM augmentaient ou réduisaient le risque de décès.
Les deux études n'ont fait état d'aucun effet indésirable supplémentaire causé par les HBPM.
Niveau de confiance des données probantes
Nous avons jugé que le niveau de confiance des données probantes était faible pour les caillots sanguins, faible pour les saignements majeurs, très faible pour les saignements mineurs et faible pour la mortalité. Le niveau de confiance des données probantes était faible ou très faible car :
⦁ il y a eu des différences dans la façon dont les caillots sanguins, les saignements et la mortalité ont été mesurés entre les études ;
⦁ il y a eu peu d'études et d'événements
⦁ les chercheurs et les enfants participant aux études savaient qui recevait des HBPM et qui n'en recevait pas, ce qui peut influencer les résultats.
Il est probable que les futures études auront un impact important sur notre compréhension du rôle de l'HBPM dans la prévention des caillots sanguins et de ses effets secondaires.
Conclusion
Nous avons besoin de plus d'études pour savoir si les HBPM préviennent les caillots sanguins chez les enfants qui sont traités par voie veineuse centrale.
La mise en commun des données de deux ECR n'a pas fourni de données probantes à l'appui de l'utilisation de l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à doses prophylactiques pour prévenir les thromboses liées aux cathéters veineux centraux (CVC) chez les enfants (données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données probantes étaient également insuffisantes pour confirmer ou exclure une différence dans l'incidence des complications de saignement majeurs et mineurs dans le groupe sous HBPM à doses prophylactiques par rapport à l'héparine non fractionnée (HNF) à faible dose (niveau de confiance faible et très faible respectivement). Nous n’avons pas constaté de données probantes indiquant une différence claire dans la mortalité globale. Les études n'ont pas rapporté sur l'occlusion du cathéter, les jours de perméabilité du cathéter, les épisodes d’infection liée aux cathéters et les autres effets secondaires des HBPM (réactions allergiques, profil de coagulation anormal, thrombocytopénie induite par l'héparine et ostéoporose). Le niveau de confiance des données probantes a été déclassé en raison du risque de biais des études incluses, de l’imprécision et de l’incohérence, empêchant de tirer des conclusions sur l'efficacité des HBPM à doses prophylactiques pour prévenir les thromboses liées aux CVC chez les enfants.
La prévalence des enfants chez qui on diagnostique des événements thrombotiques a augmenté au cours des dernières décennies. Le facteur de risque de thrombose le plus courant chez les nouveau-nés, les nourrissons et les enfants est la pose d'un cathéter veineux central (CVC). On ignore si la prophylaxie anticoagulante à l'héparine de bas poids moléculaire (HBPM) diminue la thrombose liée au CVC chez les enfants. Il s’agit d’une mise à jour de la revue Cochrane publiée en 2014.
Déterminer l'effet de l’HBPM à doses prophylactiques sur l'incidence des thromboses et des complications de saignement majeurs et mineurs liées au CVC chez les enfants. D'autres objectifs étaient de déterminer l'effet des HBPM sur l'occlusion des CVC, le nombre de jours de perméabilité des CVC, les épisodes d’infection liée aux cathéters, les autres effets secondaires des HBPM (réactions allergiques, profil de coagulation anormal, thrombocytopénie induite par l'héparine et ostéoporose) et la mortalité pendant le traitement.
Le spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires a effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires, dans les bases de données CENTRAL, MEDLINE, Embase et CINAHL, ainsi que dans le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS et ClinicalTrials.gov jusqu'au 7 mai 2019. Nous avons procédé à une vérification des références des essais identifiés afin d'identifier des études supplémentaires.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) et des essais quasi randomisés comparant l'HBPM à l'absence de prophylaxie (placebo ou absence de traitement), ou à une faible dose d'héparine non fractionnée (HNF), soit en perfusion continue, soit avec des rinçages intermittents (l’HNF à faible dose vise à assurer la perméabilité du cathéter central mais n'a pas d'activité anticoagulante systémique), administrée pour prévenir les événements thrombotiques liés aux CVC chez les enfants. Nous avons sélectionné des études menées sur des enfants âgés de 0 à 18 ans.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment identifié les études éligibles, qui ont été évaluées pour la méthodologie de l'étude, y compris les biais, et ont extrait les données non ajustées lorsqu'elles étaient disponibles. Lors de l'étape d'analyse des données, tous les critères de jugement ont été analysés en tant que critères de jugement binaires ou dichotomiques. Les effets des interventions ont été résumés avec les risques relatifs (RR) et leurs intervalles de confiance à 95 % respectifs (IC). Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement en utilisant l'approche GRADE.
Une étude supplémentaire a été incluse pour cette mise à jour, ce qui porte le total à deux études incluses (avec 1135 participants). Les deux études étaient des ECR ouverts comparant les HBPM à de faibles doses d'HNF pour prévenir les thromboses liées aux CVC chez les enfants. Nous n'avons pas trouvé d’études comparant les HBPM à un placebo ou à l'absence de traitement. La méta-analyse a révélé que les données probantes étaient insuffisantes pour prouver l’effet prophylactique des HBPM sur la réduction de l'incidence des thromboses liées à la CVC chez les enfants traités par CVC, par rapport à l'HNF à faible dose (RR : 0,68, IC à 95 % : 0,27 à 1,75 ; 2 études ; 787 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Une étude (158 participants) a rapporté séparément les thromboses liées à un CVC symptomatiques et celles asymptomatiques, et n'a pas décelé de données probantes soutenant une différence entre les HBPM et les HNF à faible dose (RR : 1,03, IC à 95 % : 0,21 à 4,93 ; données probantes d’un niveau de confiance faible ; RR : 1,17, IC à 95 % : 0,45 à 3,08 ; données probantes d’un niveau de confiance faible ; respectivement pour les participants symptomatiques et asymptomatiques). Il n'y avait pas suffisamment de données probantes pour déterminer si les HBPM avaient un impact sur le risque de saignement majeur (RR : 0,27, IC à 95 % : 0,05 à 1,67 ; 2 études ; 813 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; ou de saignement mineur. Une étude a rapporté des saignements mineurs chez 53,3 % des participants du groupe HBPM et chez 44,7 % des participants du groupe HNF à faible dose (RR : 1,20, IC à 95 % : 0,91 à 1,58 ; 1 étude ; 158 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), et l'autre étude n'a pas rapporté de saignement mineur dans aucun des deux groupes (RR : non estimable). La mortalité pendant la période d'étude a été rapportée dans une étude, où deux décès sont survenus pendant la période d'étude. Les deux n'étaient pas liés à des événements thrombotiques et se sont produits dans le bras de l'HNF à faible dose. La deuxième étude n'a pas rapporté la mortalité par bras pendant le traitement, mais a montré une survie globale à 5 ans similaire (données probantes d’un niveau de confiance faible). D’autres effets indésirables n'ont pas été signalés. Les autres critères de jugement prédéfinis (notamment l'occlusion du CVC, la perméabilité et les infections liées aux cathéters) n'ont pas été rapportés.
Post-édition effectuée par Mélaine Lim et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr