Problématique de la revue
Quelle est l'efficacité des différentes techniques de photocoagulation au laser dans la rétinopathie proliférante liée à la drépanocytose (développement de complications menaçant la vue en raison de la croissance excessive des vaisseaux sanguins dans la partie arrière de l'œil) ?
Contexte
La drépanocytose est une maladie génétique qui touche de nombreux organes, dont les yeux. Le fond de l'œil (rétine) peut développer des problèmes dus à la drépanocytose. Un certain nombre de personnes atteintes de drépanocytose développent des complications menaçant la vue en raison de la croissance excessive des vaisseaux sanguins dans la rétine, ce que l'on appelle la rétinopathie drépanocytaire proliférante. La thérapie au laser est utilisée pour contrôler la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins dans les yeux affectés. Il existe différents types et techniques de laser utilisés dans le traitement. Cependant, nous ne savons pas si ces différents traitements au laser présentent des avantages par rapport à l'absence de traitement ou à d'autres interventions en termes d'efficacité et de sécurité.
Date de la recherche
Les données probantes sont à jour jusqu’au 26 juin 2022.
Caractéristiques des essais
Nous avons inclus trois essais randomisés (414 yeux, 399 participants), comparant le traitement au laser à l’absence d'intervention. Il y avait 160 hommes et 179 femmes dont l'âge variait de 13 à 67 ans. Les essais ont utilisé différents types de traitement au laser. Un essai a consisté à appliquer des lasers sur la rétine près des nouveaux vaisseaux sanguins (photocoagulation panrétinienne sectorielle) à l'aide d'un laser à argon. Un autre a appliqué des lasers directement sur les vaisseaux sanguins nourriciers (coagulation des vaisseaux nourriciers au laser) en utilisant un arc au xénon ou un laser à l'argon. Le troisième essai a utilisé la photocoagulation panrétinienne focale avec un laser à argon. Les participants ont été suivis pour une durée moyenne de 21 à 48 mois.
Principaux résultats
Il existe des données probantes d’un niveau de confiance faible à très faible sur les effets de l'utilisation de la thérapie au laser chez les personnes atteintes de rétinopathie liée à la drépanocytose. Dans un essai, l'effet de la thérapie au laser sur l'arrêt de la progression des nouveaux vaisseaux sanguins et le développement de nouvelles lésions ne différait pas beaucoup entre les groupes (données probantes d’un niveau de confiance très faible). D'après les données probantes trouvées, nous ne sommes pas sûrs que la thérapie au laser puisse prévenir la perte de vision (données probantes d’un niveau de confiance très faible), mais elle pourrait prévenir les complications menaçant la vue (données probantes d’un niveau de confiance faible). Les essais n'ont pas rapporté les critères de jugement importants pour les patients, tels que la qualité de vie.
Les données probantes des trois essais ont montré que la sécurité du traitement au laser est acceptable (peu d'effets indésirables), en particulier le traitement par photocoagulation panrétinienne utilisant un laser à argon. Bien que les lasers à arc au xénon soient liés à un nombre plus élevé de complications, la perte de la vision n'est pas courante. Cependant, étant donné qu'il y a peu d'essais avec relativement des données probantes d’un niveau de confiance faible, les résultats doivent être traités avec prudence. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour examiner la sécurité du traitement au laser par rapport à d'autres interventions. Les essais doivent également mesurer les critères de jugement importants pour le patient (tels que la qualité de vie et la perte du permis de conduire) ainsi que le rapport coût-efficacité.
Niveau de confiance des données probantes
Nous avons estimé qu'il y avait un risque de biais en raison de la façon dont les participants ont été sélectionnés pour les groupes dans deux essais, d'autant plus que le traitement pourrait être nécessaire pour les deux yeux. Nous avons estimé qu'il y avait un risque de biais dans un essai qui ne présentait que certains résultats pour l'un des deux groupes de traitement ; et nous avons estimé qu'un troisième essai présentait un risque de biais car il n'indiquait pas clairement dans la section Méthodes du document quels critères de jugement il avait l'intention de rapporter.
Nos conclusions sont fondées sur les données de trois essais (dont deux ont été menés il y a plus de 30 ans). Compte tenu du peu de données probantes disponibles, que nous avons évaluées comme étant de faible ou très faible niveau de confiance, nous ne sommes pas certains que le traitement au laser de la rétinopathie drépanocytaire améliore les critères de jugement mesurés dans cette revue. Ce traitement ne semble pas avoir d'effet sur les critères de jugement cliniques tels que la régression de la rétinopathie drépanocytaire proliférante (RDP) et le développement de nouvelles incidences. Il n’y a pas de données probantes disponibles pour évaluer l'efficacité par rapport aux critères de jugement importants pour le patient (tels que la qualité de vie ou la perte du permis de conduire). Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour examiner la sécurité du traitement au laser par rapport à d'autres interventions telles que l’injection intravitréenne d'agents anti‐facteur de croissance endothéliale vasculaire (vascular endothelial growth, VEGF). Les critères de jugement importants pour le patient ainsi que le rapport coût-efficacité doivent être abordés.
La drépanocytose comprend un groupe d'hémoglobinopathies héréditaires qui affectent plusieurs organes, dont les yeux. Certaines personnes atteintes de drépanocytose développent des manifestations oculaires. Les complications menaçant la vision sont principalement dues à la rétinopathie drépanocytaire proliférante (RDP), qui se caractérise par la prolifération de nouveaux vaisseaux sanguins. La photocoagulation au laser est largement applicable dans les rétinopathies proliférantes. Il est important d'évaluer l'efficacité et la tolérance de la photocoagulation au laser dans le traitement de la rétinopathie drépanocytaire proliférante afin de prévenir les complications menaçant la vue.
Évaluer l'efficacité de différentes techniques de traitement par photocoagulation au laser dans la rétinopathie proliférante liée à la drépanocytose.
Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais sur les hémoglobinopathies du groupe Cochrane sur la mucoviscidose et les autres maladies génétiques, compilé à partir de recherches dans les bases de données électroniques et de recherches manuelles dans les journaux et les résumés d'actes de conférences. Date de la dernière recherche : 4 juillet 2022.
Nous avons également effectué des recherches dans les ressources suivantes (26 juin 2022) : La base de données de la littérature scientifique sur la santé en Amérique latine et dans les Caraïbes (LILACS) ; Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) ; et ClinicalTrials.gov.
Les essais contrôlés randomisés comparant la photocoagulation au laser à l'absence de traitement chez les enfants et les adultes atteints de drépanocytose.
Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment l'éligibilité et le risque de biais des essais inclus ; nous avons extrait et analysé les données, en contactant les auteurs des essais pour obtenir des informations supplémentaires. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes en utilisant les critères GRADE.
Nous avons inclus trois essais (414 yeux de 339 enfants et adultes) comparant l'efficacité et la tolérance de la photocoagulation au laser à l'absence de traitement chez les personnes atteintes de RDP. Il y avait 160 hommes et 179 femmes dont l'âge variait de 13 à 67 ans. Les essais ont utilisé différentes techniques de photocoagulation au laser : un essai mono-centrique a utilisé la photocoagulation panrétinienne sectorielle avec un laser à l'argon ; un essai bi-centrique a utilisé la coagulation des vaisseaux nourriciers avec un laser à l'argon dans un centre et un arc au xénon dans le second ; un troisième essai a utilisé la photocoagulation panrétinienne focale avec un laser à l'argon. Les périodes de suivi moyennes étaient de 21 à 32 mois dans un essai, de 42 à 47 mois dans un deuxième et de 48 mois dans le troisième. Deux essais présentaient un risque élevé de biais d'allocation en raison de la méthode de randomisation des participants atteints d'une maladie bilatérale ; le troisième essai présentait un risque incertain de biais de sélection. Un essai présentait un risque de biais de notification. L'unité d'analyse étant l'œil plutôt que l'individu, nous avons choisi de rapporter les données de manière narrative.
En utilisant la photocoagulation panrétinienne sectorielle, un essai (174 yeux) n'a rapporté aucune différence entre les groupes pour la régression complète de la RDP : 30,2 % dans le groupe laser et 22,4 % dans le groupe témoin. Le même essai n'a également signalé aucune différence entre les groupes en ce qui concerne la réapparition de la RDP : 34,3 % des yeux traités au laser et 41,3 % des yeux témoins (données probantes d’un niveau de confiance très faible). L'essai bicentrique utilisant la coagulation des vaisseaux nourriciers n'a présenté des données de suivi que pour un seul centre (période moyenne de neuf ans) et a signalé le développement de néovaisseaux avec aspect en «éventail de mer» (ou sea fan) dans 48.0 % des cas dans le groupe traité et 45.0 % dans le groupe témoin ; aucune signification statistique (P = 0.64). Un troisième essai a rapporté une régression dans 55 % du groupe laser contre 28.6 % des témoins et une progression de la RDP dans 10.5 % des yeux traités contre 25.7 % des témoins. Nous avons classé les données probantes pour ces deux critères de jugement principaux comme des données probantes d’un niveau de confiance très faible.
L'essai de photocoagulation panrétinienne sectorielle a rapporté une perte visuelle dans 3.0 % des yeux traités (suivi moyen de 47 mois) contre 12.0 % des yeux contrôlés (suivi moyen de 42 mois) (P = 0,019). L'essai sur la coagulation des vaisseaux nourriciers a rapporté une perte de vision chez 1.14 % du groupe laser et 7.5 % du groupe témoin (suivi moyen de 26 mois dans un site et de 32 mois dans un autre) (P = 0.07). L'essai de photocoagulation panrétinienne focale (suivi moyen de quatre ans) a révélé que 72/73 yeux avaient la même acuité visuelle, tandis qu'une perte visuelle n'a été observée que dans un seul œil du groupe témoin. Nous avons évalué les données probantes comme étant d’un niveau de confiance très faible.
L'essai de photocoagulation panrétinienne sectorielle a détecté une hémorragie vitréenne chez 12.0 % du groupe laser et 25.3 % du groupe témoin avec un suivi moyen de 42 (témoin) à 47 mois (traité) (P ≤ 0.5). L'essai de coagulation des vaisseaux nourriciers mené dans deux centres a observé une hémorragie vitréenne dans 3.4 % des yeux traités (suivi moyen de 26 mois) contre 27.5 % des yeux témoins (suivi moyen de 32 mois) ; un centre (suivi moyen de neuf ans) a signalé une hémorragie vitréenne dans 1/25 yeux (4.0 %) du groupe traité et 9/20 yeux (45.0 %) du groupe témoin (P = 0.002). L'essai de photocoagulation panrétinienne au laser a indiqué que l'hémorragie vitréenne n'a pas été observée dans le groupe traité par rapport à 6/35 (17.1 %) yeux du groupe témoin et n'est apparue que dans les grades B et (RDP) stade III) (P < 0.05). Nous avons évalué les données probantes pour ce critère de jugement comme étant d’un niveau de confiance faible.
En ce qui concerne les évènements indésirables, un seul cas de déchirure rétinienne a été rapporté. Les trois essais ont fait rapporté un décollement de la rétine, sans qu'il y ait de différence significative entre le groupe traité et le groupe témoin (données probantes d’un niveau de confiance faible). Un essai a rapporté une néovascularisation choroïdienne, le traitement à l'arc au xénon étant associé à un risque significativement plus élevé, mais la perte visuelle liée à cette complication est peu fréquente avec un suivi à long terme de trois ans ou plus.
Les essais inclus n'ont pas rapporté autres évènements indésirables ou la qualité de vie.
Post-édition effectuée par Farah Noureddine et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr