Les anticoagulants oraux directs (un type de fluidifiant sanguin) sont-ils plus efficaces que les anticoagulants traditionnels pour traiter une embolie pulmonaire (un caillot de sang dans le poumon) ?

Qu'est-ce qu'une embolie pulmonaire ?

Une embolie pulmonaire se produit lorsqu'un morceau de caillot sanguin se détache d'un caillot situé ailleurs dans le corps et se déplace dans le sang jusqu'aux poumons. Cette maladie peut mettre la vie en danger et touche environ 4 à 12 personnes sur 10 000. Le risque d'embolie pulmonaire peut augmenter en fonction de certains facteurs de risque, notamment les caillots antérieurs, les périodes d'immobilité prolongées (comme les voyages en avion ou le repos au lit), le cancer, l'exposition aux œstrogènes (grossesse, contraceptifs oraux ou traitement hormonal substitutif), les troubles sanguins (thrombophilie) et les traumatismes.

Comment traiter une embolie pulmonaire ?

Jusqu'à récemment, le traitement standard de l'embolie pulmonaire était un anticoagulant : un médicament qui traite ou prévient la formation de caillots sanguins, souvent appelé « fluidifiant sanguin ». Les anticoagulants classiques comprennent l'héparine, le fondaparinux et les antagonistes de la vitamine K. Toutefois, ces médicaments peuvent entraîner des effets secondaires et ont des limites.

Deux types d'anticoagulants ont été développés : les inhibiteurs directs de la thrombine (IDT) et les inhibiteurs du facteur Xa. Ces anticoagulants sont administrés par voie orale (c'est-à-dire par la bouche, sous la forme d'un comprimé), ont un effet prévisible, ne nécessitent pas de surveillance fréquente ni de re-dosage (prise de plusieurs doses) et ont peu d'interactions connues avec d'autres médicaments. Pour ces raisons, les anticoagulants oraux directs sont devenus les médicaments de choix pour traiter la thrombose veineuse profonde (TVP).

Que voulions-nous découvrir ?

Nous avons voulu savoir si les anticoagulants oraux directs sont utiles et sûrs pour traiter les personnes souffrant d'une embolie pulmonaire, par comparaison avec les anticoagulants classiques. Nous avons cherché à savoir si un traitement de 3 mois ou plus permettait d'éviter la formation de nouveaux caillots sanguins (TVP récurrente, lorsqu'un caillot se forme dans une veine profonde, généralement dans la jambe), d'embolies pulmonaires récurrentes et d'embolies pulmonaires. Les principaux critères de jugement en matière de tolérance comprenaient le décès et les événements indésirables dommageables, tels que les hémorragies majeures.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études dans lesquelles des personnes souffrant d'une embolie pulmonaire confirmée par des techniques d'imagerie standard ont été allouées aléatoirement à l'un des deux groupes de traitement. Ces types d'études fournissent les données probantes les plus fiables sur les effets du traitement. Les personnes des groupes expérimentaux ont reçu un IDT ou un inhibiteur du facteur Xa par voie orale, et leurs résultats ont été comparés à ceux des personnes ayant reçu une anticoagulation conventionnelle. Tous les participants ont bénéficié d'un traitement de longue durée de l'embolie pulmonaire (une durée minimale de 3 mois).

Qu’avons-nous trouvé ?

Après avoir recherché des études pertinentes, nous avons inclus 10 études avec un total combiné de 13 073 participants. Les études ont comparé les IDT oraux et les inhibiteurs oraux du facteur Xa à l'anticoagulation conventionnelle. Nous avons combiné les données des études et constaté qu'il n'y avait pas de différence claire dans l'incidence de :

- l’embolie pulmonaire récurrente ;
- la thrombose veineuse profonde récurrente (TVP : formation d'un caillot sanguin, généralement dans une veine profonde de la jambe ou du bassin) ;
- la thromboembolie veineuse récurrente (lorsque la TVP et l'embolie pulmonaire surviennent en même temps) ;
- les décès ;
- l’hémorragie majeure

Cette revue a montré qu'il n'y avait pas de différence claire entre les anticoagulants oraux directs et le traitement conventionnel dans la prévention de l'EP récurrente, de la TEV récurrente, de la TVP, de la mortalité et des hémorragies majeures. Aucune étude n'a mesuré la qualité de vie liée à la santé.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Nous sommes modérément confiants dans ces données probantes. Cela s'explique par le fait que le nombre d'événements concernés par les études était faible et qu'il existait des différences dans la manière dont les études individuelles ont été menées.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Cette revue met à jour une revue Cochrane précédente. Les données probantes sont à jour jusqu'en mars 2022.

Principaux messages

Les données probantes actuelles montrent qu'il y a probablement peu ou pas de différence entre les anticoagulants oraux directs et l'anticoagulation conventionnelle pour la prévention des embolies pulmonaires récurrentes, des thromboembolies veineuses (TEV) récurrentes, des thromboses veineuses profondes (TVP), de la mortalité toutes causes confondues et des hémorragies majeures chez les personnes traitées pour une embolie pulmonaire.

Conclusions des auteurs: 

Les données probantes disponibles montrent qu'il n'y a probablement que peu ou pas de différence entre les anticoagulants oraux directs (ACOD) et l'anticoagulation conventionnelle dans la prévention de l’embolie pulmonaire (EP) récurrente, de la thromboembolie veineuse (TEV) récurrente, de la thrombose veineuse profonde (TVP), de la mortalité toutes causes confondues et des hémorragies majeures. Le niveau de confiance des données probantes était modéré ou faible. De futurs essais cliniques de grande envergure sont nécessaires pour déterminer si les médicaments individuels diffèrent en termes d'efficacité et de risque de saignement, et pour explorer les différences d'effet dans des sous-groupes, notamment les personnes atteintes d'un cancer et d'obésité.

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Contexte: 

L'embolie pulmonaire (EP) est une maladie potentiellement mortelle dans laquelle un caillot peut migrer des veines profondes, le plus souvent dans la jambe, vers les poumons. Le traitement conventionnel de l'EP fait appel à l'héparine non fractionnée (HNF), à l'héparine de bas poids moléculaire (HBPM), au fondaparinux et aux antagonistes de la vitamine K (AVK). Récemment, deux formes d'anticoagulants oraux directs (ACOD) ont été mises au point : les inhibiteurs directs de la thrombine (IDT) oraux et les inhibiteurs oraux du facteur Xa. Les ACOD présentent des caractéristiques qui pourraient être favorables au traitement conventionnel, notamment l'administration par voie orale, un effet prévisible, l'absence de nécessité d'une surveillance fréquente ou d'un nouveau dosage, et peu d'interactions médicamenteuses connues. Cette revue rapporte l'efficacité et la tolérance de ces médicaments dans le traitement à long terme de l'EP (durée minimale de trois mois). Cet article est une mise à jour d’une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2015.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité et la tolérance des IDT oraux et des inhibiteurs du facteur Xa oraux par rapport aux anticoagulants classiques pour le traitement à long terme de l'EP.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le coordinateur de recherche documentaire du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires a effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires, dans les bases de données CENTRAL, MEDLINE, Embase et CINAHL, ainsi que dans le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS et dans les registres d'essais cliniques ClinicalTrials.gov jusqu'au 2 mars 2022. Nous avons vérifié les références bibliographiques des articles pertinents pour trouver d'autres études.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) dans lesquels des personnes souffrant d'une EP confirmée par des techniques d'imagerie standard ont reçu un IDT oral ou un inhibiteur du facteur Xa oral par rapport à un anticoagulant conventionnel ou l'un par rapport à l'autre pour le traitement à long terme de l'EP (durée minimale de trois mois).

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les méthodes standard de Cochrane. Nos critères de jugement principaux étaient l'EP récurrente, la thromboembolie veineuse (TEV) récurrente et la thrombose veineuse profonde (TVP). Les critères de jugement secondaires étaient la mortalité toutes causes confondues, les hémorragies majeures et la qualité de vie liée à la santé. Nous avons utilisé l’outil GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié cinq ECR supplémentaires avec 1484 participants pour cette mise à jour. Avec les essais précédemment inclus, nous avons inclus dix ECR avec un total de 13 073 participants. Deux études ont porté sur un IDT oral (dabigatran) et huit sur des inhibiteurs du facteur Xa oraux (trois rivaroxaban, trois apixaban et deux edoxaban). Dans l'ensemble, les études étaient de bonne qualité méthodologique.

La méta-analyse n'a pas montré de différence claire dans l'efficacité et la tolérance de l'IDT oral par rapport à l'anticoagulation conventionnelle dans la prévention de l'EP récurrente (rapport des cotes (RC) 1,02, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,50 à 2,04 ; 2 études, 1602 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), de la TEV récurrente (RC 0,93, IC à 95 % 0,52 à 1,66 ; 2 études, 1602 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), de TVP (RC 0,79, IC à 95 % 0,29 à 2,13 ; 2 études, 1602 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) et d'hémorragie majeure (RC 0,50, IC à 95 % 0,15 à 1,68 ; 2 études, 1527 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Nous avons abaissé le niveau de confiance des données probantes d'un niveau pour cause d'imprécision en raison du faible nombre d'événements.

Il n'y avait pas non plus de différence claire entre les inhibiteurs oraux du facteur Xa et l'anticoagulation conventionnelle dans la prévention de l'EP récurrente (RC 0,92, IC à 95 % 0,66 à 1,29 ; 3 études, 8186 participants ; données probantes d'un niveau de confiance modéré), de la TEV récurrente (RC 0,83, IC à 95 % 0,66 à 1,03 ; 8 études, 11 416 participants ; données probantes d'un niveau de confiance modéré), de la TVP (RC 0,77, IC à 95 % 0.48 à 1,25 ; 2 études, 8151 participants ; données probantes d'un niveau modéré), la mortalité toutes causes confondues (RC 1,16, IC à 95 % 0,79 à 1,70 ; 1 étude, 4817 participants ; données probantes d'un niveau de confiance modéré) et les hémorragies majeures (RC 0,71, IC à 95 % 0,36 à 1,41 ; 8 études, 11 447 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible) ; l'hétérogénéité pour les hémorragies majeures était significative (I 2 = 79 %). Nous avons abaissé le niveau de confiance des données probantes à modéré et faible en raison de l'imprécision due au faible nombre d'événements et de l'incohérence due à l'hétérogénéité clinique. Aucune des études incluses n'a mesuré la qualité de vie liée à la santé.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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