Bilan
Il n'existe pas de preuves solides concernant les méthodes de traitement des douleurs persistantes faisant suite à la torture.
Contexte
Les problèmes psychologiques faisant suite à la torture, tels que la dépression et l'état de stress post-traumatique (ESPT), reçoivent beaucoup d'attention dans les soins de santé offerts aux réfugiés. Les problèmes de santé d'ordre physique faisant suite à la torture ont tendance à être négligés par le personnel formé en soins de santé mentale. Les personnes ayant survécu à la torture ont souvent des douleurs persistantes affectant généralement les muscles et les articulations.
Les caractéristiques de l'étude
Nous voulions déterminer si des traitements étaient efficaces pour réduire les douleurs, l'incapacité et la détresse chez les personnes ayant survécu à la torture. Nous avons effectué des recherches dans la littérature académique jusqu'en février 2017 et nous avons identifié trois essais contrôlés randomisés (des études cliniques dans lesquelles les participants sont assignés de façon aléatoire dans un des deux ou plusieurs groupes de traitement).
Principaux résultats
Deux études (58 participants) ont comparé la thérapie comportementale cognitive (TCC ; une thérapie par la parole aidant les personnes à modifier la manière dont elles pensent et se comportent) associée à une formation portant sur le contrôle des muscles et de la respiration, à l'absence de traitement, et nous avons été en mesure de combiner celles-ci dans nos analyses. Aucune de ces deux études n'a montré une amélioration significative au niveau des douleurs, une réduction de l'incapacité, ou une réduction de la détresse, sur une durée de huit à 13 semaines de traitement. Une étude (30 participants) a comparé la thérapie manuelle complexe avec l'auto-traitement pour les douleurs lombaires, mais celle-ci n'a pas pu être combinée avec les deux autres études ; celle-ci a rapporté une absence de différences en termes de soulagement des douleurs, mais elle a également rapporté que l'intervention physique a réduit l'incapacité et le stress à la fin du traitement.
La qualité des preuves
Nous avons évalué la qualité des preuves issues des études en utilisant quatre catégories : très faible qualité, faible qualité, qualité modérée ou haute qualité. Des preuves de très faible qualité signifient qu'il existe de larges incertitudes concernant les résultats. Des preuves de haute qualité signifient que nous avons hautement confiance dans les résultats. La qualité des preuves était très faible pour le soulagement des douleurs, la réduction du stress, et la réduction de l'incapacité. Cela était du à la petite taille des études, aux défauts dans leur conception, et au nombre élevé de participants ayant quitté les études.
Il n'existe pas suffisamment de preuves pour soutenir ou réfuter l'utilisation d'une quelconque intervention pour les douleurs persistantes chez les personnes ayant survécu à la torture.
Les douleurs persistantes (chroniques) sont une affection fréquente chez les personnes ayant survécu à la torture, en particulier, mais pas exclusivement, les douleurs au niveau du système musculo-squelettique. Les personnes ayant survécu à la torture n'ont pas toujours accès aux soins de santé ; lorsque cela est le cas, ceux-ci pourraient ne pas être dépistés lorsqu'ils se présentent et les soins disponibles suffisent rarement à leurs besoins. Les services offerts par les organisations gouvernementales et non gouvernementales ont tendance à se concentrer sur la santé mentale, ceux-ci connaissent peu les douleurs persistantes, et les personnes ayant survécu à la torture peuvent avoir de nombreux autres problèmes juridiques, sociaux ou liés à l'assistance publique ayant priorité par rapport aux soins de santé.
Évaluer l'efficacité des interventions pour le traitement des douleurs persistantes et des problèmes associés chez les personnes ayant survécu à la torture.
Nous avons recherché des essais contrôlés randomisés (ECR) publiés dans n'importe quelle langue dans les bases de données CENTRAL, MEDLINE, Embase, Web of Science, CINAHL, LILACS et PsycINFO, depuis leurs dates de création jusqu'au 1 février 2017. Nous avons également effectué des recherches dans des registres d'essais et dans des bases de données incluant de la littérature grise.
Les ECR portant sur des interventions de tout type (médicales, physiques, psychologiques) par rapport à toute autre intervention ou à l'absence d'intervention, et mesurant un résultat relatif aux douleurs. Les études devaient avoir au moins 10 participants dans chaque bras pour être éligibles pour l'inclusion.
Nous avons identifié 3578 titres au total après dé-duplication ; nous avons sélectionné 24 articles complets afin d'évaluer leur éligibilité. Nous avons demandé les données issues de deux essais terminés sans résultats publiés.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane. Nous avons évalué le risque de biais et extrait les données. Nous avons calculé la différence moyenne standardisée (DMS) et les ampleurs d'effet avec des intervalles de confiance à 95 % (IC). Nous avons évalué les données en utilisant le système GRADE et nous avons créé un tableau de « Résumé des résultats ».
Trois petites études publiées (88 participants) remplissaient les critères d'inclusion, mais l'une d’entre-elles avait été retirée en raison de problèmes éthiques concernant la confidentialité et d'irrégularités financières. Étant donné que ces facteurs n'ont pas eu d'effet sur les données, l'étude a été préservée dans cette revue. Bien que la recherche était ouverte à n'importe quel type d'intervention, seules deux types d'interventions étaient représentés dans les études éligibles : deux essais portaient sur l'effet de la thérapie comportementale cognitive (TCC) avec rétroaction biologique par rapport à une liste d'attente sur les douleurs persistantes non spécifiées (58 participants ont terminé le traitement), et une étude a examiné l'effet de la thérapie manuelle complexe par rapport à l'auto-traitement sur les douleurs lombaires (30 participants ont terminé le traitement). Les études exclues n'étaient soit pas des ECR ou celles-ci n'avaient pas rendu compte des douleurs en tant que critère de jugement.
Il n'y avait aucune différence pour le critère de jugement du soulagement des douleurs à la fin du traitement, entre la TCC et la liste d'attente (deux essais, 58 participants ; DMS de -0,05, IC à 95 % -1,23 à 1,12) (preuves de très faible qualité) ; l'une de ces études a rapporté une absence de différences lors du suivi de trois mois entre le groupe intervention et le groupe témoin (28 participants ; DMS de -0,03, IC à 95 % -0,28 à 0,23) (preuves de très faible qualité). L'essai portant sur la thérapie manuelle a également rapporté une absence de différences entre la thérapie manuelle complexe et l'auto-traitement (30 participants ; DMS de -0,48, IC à 95 % -9,95 à 0,35) (preuves de très faible qualité). Deux études ont rapporté des sorties d'étude, l'une de ces études a présenté des informations partielles concernant les raisons à celles-ci ; aucune des études n'a rapporté d'effets indésirables.
Il n'y avait pas d'informations dans ces études concernant l'utilisation d'analgésiques ou la qualité de vie.
La réduction de l'incapacité était similaire à la fin du traitement, entre la TCC et la liste d'attente (deux essais, 57 participants ; DMS de -0,39, IC à 95 % -1,17 à 0,39) (preuves de très faible qualité) ; l'une de ces études a rapporté une absence de différences lors du suivi de trois mois entre le groupe intervention et le groupe témoin (28 participants ; DMS de 0, IC à 95 % -0,74 à 0,74) (preuves de très faible qualité). Un essai portant sur la thérapie manuelle a rapporté que la thérapie manuelle complexe était supérieure à l'auto-traitement pour réduire l'incapacité (30 participants ; DMS de -1,10, IC à 95 % -1,88 à -0,33) (preuves de très faible qualité).
Il n'y avait pas de différences au niveau de la réduction du stress à la fin du traitement, entre la TCC et la liste d'attente (deux essais, 58 participants ; DMS de 0,07, IC à 95 % -0,46 à 0,60) (preuves de très faible qualité) ; l'une de ces études a rapporté une absence de différences entre le groupe intervention et le groupe témoin lors du suivi de trois mois (28 participants ; DMS de -0,24, IC à 95 % -0,50 à 0,99) (preuves de très faible qualité). Un essai portant sur la thérapie manuelle a rapporté que la thérapie manuelle complexe était supérieure à l'auto-traitement pour réduire la détresse (30 participants ; DMS de -1,26, IC à 95 % -2,06 à -0,47) (preuves de très faible qualité).
Le risque de biais a été jugé comme étant élevé au vu du faible nombre d'essais, de la petite taille des essais, et du risque que ceux-ci n'aient pas une puissance statistique suffisante pour les comparaisons rapportées. Nous avons principalement rabaissé la qualité des preuves en raison des petits effectifs dans les essais, du manque d'analyses en intention de traiter, du nombre élevé d'abandons inexpliqués, du manque de détails concernant les méthodes d'étude, et des intervalles de confiance incluant une absence d'effet bénéfique, des effets bénéfiques et des effets délétères.
Traduction réalisée par Martin Vuillème