Contexte de la question
Les corticoïdes en inhalateur améliorent les symptômes liés à l’asthme et réduisent les crises d’asthme lorsqu’ils sont pris régulièrement. Toutefois, de nombreux asthmatiques ne respectent pas leurs prescriptions de traitement. Il en résulte davantage de symptômes et de poussées, qui sont incriminés dans un tiers des décès causés par l’asthme au Royaume-Uni.
L’oubli de doses est parfois appelé « non-observance ». Ses raisons varient d’une personne à une autre. Par exemple, on peut oublier d’emporter son inhalateur ou avoir un rythme de vie très actif et imprévisible dans lequel le traitement est difficile à intégrer. Certaines personnes ne perçoivent pas la nécessité de faire les inhalations de la manière prescrite. D’autres choisissent de réduire ou d’interrompre la prise de corticoïdes pour diverses raisons, notamment à cause des effets secondaires, de la peur des effets secondaires ou de l’idée que les effets bénéfiques ne contrebalancent pas les inconvénients.
L’objectif de cette revue était de déterminer si les stratégies visant à aider les personnes asthmatiques à prendre leurs inhalations de corticoïdes fonctionnent réellement et si une amélioration de l’observance conduit à d’autres bénéfices.
Caractéristiques de l'étude
Nous avons trouvé 39 études totalisant plus de 16 000 adultes et enfants asthmatiques qui prenaient un corticoïde en inhalateur. La plupart des études ont recueilli les données à six mois, de sorte que nous ne pouvons réellement appliquer les messages de cette revue que sur une période de six mois et ne pouvons pas affirmer que ces méthodes sont efficaces sur quelques années, par exemple. Nous avons effectué des recherches dans de multiples sources pour trouver des études pertinentes. Cette revue est à jour à la date de novembre 2016.
Différentes études ont essayé différentes méthodes pour aider les patients à utiliser leur inhalateur plus régulièrement. Nous avons regroupé les études selon quatre méthodes : éducation à l’observance (20 études), surveillance électronique ou rappels des prises d’inhalations (11 études), amélioration de la facilité d’emploi du médicament (par ex. une fois au lieu de deux fois par jour, un inhalateur au lieu de deux) (quatre études) et remise de l’inhalateur pendant le temps scolaire (trois études).
Nous avons principalement cherché à déterminer si les stratégies aidaient les patients à prendre leurs inhalations de la manière prescrite et si les patients ont eu moins de crises d’asthme et mieux contrôlé leur asthme.
Principaux résultats
Les personnes qui ont bénéficié d’une intervention éducative prenaient mieux leurs inhalations que les témoins ; elles étaient 20 % de plus à prendre leur traitement (il pourrait y en avoir entre 8 % et 33 % de plus). Les patients équipés de traceurs ou recevant des rappels électroniques étaient 19 % plus à utiliser leur inhalateur que les témoins (14 % et 25 %). Les personnes dont le traitement a été facilité (par ex., un moins grand nombre d’inhalations par jour) ont été seulement 4 % de plus que ceux qui prenaient leur traitement de la manière habituelle (2 % et 6 %).
Malheureusement, ces mesures visant à aider les personnes à prendre leurs inhalations de la manière prescrite n’ont généralement pas apporté un bénéfice notable sur des aspects tels que le contrôle de l’asthme et le nombre de crises mais, dans la plupart des cas, nous n’avons pas pu déterminer s’il y avait un effet dans un sens ou dans l’autre. Nous n’avons pas non plus trouvé de différence au niveau de la qualité de vie ou du temps d’absence au travail ou à l’école nécessaire, mais les données probantes étaient souvent incertaines.
Les études portant sur l’éventuel bénéfice de la remise de l’inhalateur aux enfants pendant les horaires scolaires ne mesuraient pas réellement la fréquence des oublis de dose.
Qualité des données probantes
Il est difficile de dire si ces différentes stratégies ont de l’intérêt car les études étaient très différentes les unes des autres, de sorte que nous ne pouvons être sûrs de leur bénéfice réel, au-delà d’une amélioration de l’observance. Nous avons parfois trouvé trop peu d’études pour déceler une différence entre les groupes. Le fait que la plupart des patients aient su à quel groupe ils étaient affectés a également diminué notre confiance dans les résultats car cela peut inciter les sujets à répondre de façon plus ou moins positive aux questionnaires. Nous avons trouvé préoccupant le nombre d’abandons dans environ la moitié des études, et nous ne savons pas si les études ont rendu compte de tout ce qu’elles mesuraient.
Principaux messages
Les études que nous avons trouvées suggèrent que diverses stratégies peuvent aider les personnes asthmatiques à mieux utiliser leur inhalateur par rapport au « contrôle » (par ex. aux soins habituels de l’asthme). Cependant, un grand nombre de ces études étaient très différentes les unes des autres et nous ne savons pas avec certitude si les sujets trouveraient que telle ou telle approche améliore leur asthme.
Les résultats regroupés suggèrent que diverses interventions peuvent améliorer l’observance. La pertinence clinique de cette amélioration est moins évidente, comme l’indique un impact aussi incertain qu’incohérent sur les critères de jugement cliniques tels que la qualité de vie et le contrôle de l’asthme. Nous avons une confiance faible à moyenne dans ces résultats et nous inquiétons du risque de biais et du manque de cohérence. Il serait utile de définir à l’avance une « référence » de l’observance acceptable fondée sur les données probantes pour les études futures, et d’utiliser des mesures objectives d’observance ainsi que des outils et questionnaires validés. Lorsque cela sera possible, une surveillance discrète et une forme ou une autre de mise en aveugle ou de contrôle actif pourraient permettre de distinguer les effets de l’intervention de ceux de l’inclusion dans un essai d’observance.
Malgré leur efficacité prouvée pour améliorer les symptômes et réduire les exacerbations, de nombreux patients asthmatiques n’utilisent pas tout à fait correctement leurs corticoïdes en inhalateur. Cette observance sous-optimale conduit à une dégradation des résultats cliniques et une augmentation de l’utilisation des services de santé, et a été identifiée comme un facteur contribuant à un tiers des décès dus à l’asthme au Royaume-Uni. Les raisons de non-observance varient et diverses interventions ont été proposées pour améliorer l’observance.
Évaluer l’efficacité et l’innocuité des interventions visant à améliorer l’observance de la corticothérapie inhalée chez les patients asthmatiques.
Nous avons identifié des essais dans le registre d’essais du Groupe Cochrane sur les voies respiratoires, qui contient des études identifiées lors de multiples recherches électroniques et de recherches manuelles dans d’autres sources. Nous avons également effectué des recherches dans des registres d’essais cliniques et les références bibliographiques des études primaires. Nous avons effectué les recherches les plus récentes le 18 novembre 2016.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés en parallèle et en grappes de toute durée et menés dans tous les contextes. Nous avons inclus les études rapportées dans des articles complets, uniquement sous forme de résumé, ainsi que des données non publiées. Nous avons inclus les essais portant sur des adultes et enfants asthmatiques ayant une prescription de corticoïdes inhalés (en monothérapie ou en association avec un agoniste bêta-2-adrénergique d’action prolongée (BAAP)). Les essais éligibles comparaient une intervention visant principalement à améliorer l’adhésion à la corticothérapie par inhalation par rapport aux soins habituels ou à une autre intervention.
Deux auteurs de la revue ont passé au crible les recherches, extrait les caractéristiques de l’étude et les données des résultats des études incluses et évalué le risque de biais. Les critères de jugement principaux étaient l’observance de la corticothérapie par inhalation, les exacerbations nécessitant au moins des corticoïdes oraux et le contrôle de l’asthme. Nous avons classé les résultats et les données probantes présentées dans des tableaux récapitulatifs des résultats pour chaque comparaison.
Nous avons analysé les données dichotomiques en tant que rapports des cotes et les données continues sous forme de différences moyennes ou de différences moyennes standardisées, toujours à l’aide d’un modèle à effets aléatoires. Nous avons décrit les données asymétriques de manière narrative. Nous n'avons fait aucune hypothèse a priori concernant la manière dont les essais pourraient être classés mais nous avons réalisé des méta-analyses uniquement si les traitements, les participants et la question clinique sous-jacente étaient suffisamment semblables pour que leur regroupement ait un sens.
Nous avons inclus 39 essais contrôlés randomisés (ECR) en parallèle portant sur des adultes et des enfants atteints d’asthme, dont 28 (n = 16 303) ont fourni des données pour au moins une méta-analyse. La durée du suivi allait de deux mois à deux ans (médiane de six mois), et les essais ont été réalisés principalement dans les pays à revenu élevé. La plupart des études ont rapporté une certaine mesure de l’observance de la corticothérapie par inhalation ainsi que divers autres critères de jugement tels que la qualité de vie et le contrôle de l’asthme. Les études étaient généralement à risque faible ou incertain de biais de sélection et à risque élevé de biais associé à la mise en aveugle. Nous avons considéré qu’environ la moitié des études étaient à risque élevé de biais d’attrition et de notification sélective des résultats.
Nous avons classé les études en quatre comparaisons : éducation à l’observance par rapport à un groupe témoin (20 études), traqueurs ou rappels électroniques par rapport à un groupe témoin (11 études), simplification de la posologie par rapport aux schémas de traitement habituels (4 études), surveillance directe du traitement en milieu scolaire (3 études). Deux études sont décrites séparément.
Tous les résultats combinés pour l’éducation à l’observance, les traceurs ou rappels électroniques et les posologies simplifiées ont montré une meilleure observance que ceux des contrôles. Les analyses limitées aux études utilisant des mesures objectives ont révélé que l’éducation sur l’observance donnait un bénéfice de 20 points de pourcentage par rapport à un groupe témoin (intervalle de confiance (IC) à 95% de 7,52 à 32,74 ; cinq études ; données de mauvaise qualité), les traceurs ou rappels électroniques ont montré une observance améliorée de 19 points (IC à 95 % de 14,47 à 25,26 ; six études ; données de qualité moyenne) et la simplification de la posologie une amélioration de 4 points (IC à 95 % de 1,88 à 6,16 ; trois études ; données de qualité moyenne). Notre confiance dans les données probantes a été réduite par le risque de biais et le manque de cohérence.
Les améliorations de l’observance ne se sont pas systématiquement traduites par un bénéfice observable des critères de jugement cliniques dans nos analyses regroupées. Aucun des types d’intervention n’a montré un bénéfice clair pour nos principaux critères de jugement cliniques (exacerbations nécessitant des corticoïdes oraux (données de mauvaise à très mauvaise qualité) et contrôle de l’asthme (données de qualité mauvaise à moyenne)) ni pour nos critères de jugement secondaires (consultations non planifiées (données de qualité très mauvaise à moyenne) et qualité de vie (données de qualité mauvaise à moyenne)). Cependant, certains effets bénéfiques observés dans certaines études rapportaient des bénéfices observés pour l’utilisation des corticoïdes oraux et des services de santé. La plupart des données concernant les absences à l’école ou au travail étaient biaisées et difficiles à interpréter (données de mauvaise qualité, quand elles pouvaient être notées) et la plupart des études n’ont pas rendu compte ou mesuré spécifiquement les événements indésirables.
Les études examinant les bénéfices potentiels de l’administration de corticoïdes inhalés à l’école n’ont pas mesuré l’observance, les exacerbations nécessitant des corticoïdes oraux, le contrôle de l’asthme ni les événements indésirables. Une étude a montré une baisse du nombre de consultations non planifiées, et une autre n’a trouvé aucune différence ; les données n’ont pas pu être regroupées.
Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France