Principaux messages
- Le traitement des patients ayant subi une chirurgie cardiaque avec le médicament « levosimendane » avant l'opération pourrait être bénéfique.
- Cependant, les données probantes actuelles sont limitées, et d'autres études sont nécessaires avant de pouvoir émettre des recommandations définitives.
Justification
La réduction de la fonction cardiaque est une complication potentiellement mortelle après une chirurgie cardiaque. Une approche possible pour prévenir cette complication est le traitement par des médicaments qui stimulent la contraction du cœur (agents inotropes).
Objets de nos recherches
Nous avons évalué si l'utilisation d'agents inotropes avant ou pendant l'intervention chirurgicale prévenait la réduction de la fonction cardiaque et le décès chez les adultes après une chirurgie cardiaque.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons consulté différentes bases de données de littérature médicale et registres d'essais qui recueillent des informations sur les études cliniques prévues, en cours et terminées. Nous avons pris en compte les études dans lesquelles un groupe avait reçu un agent inotrope et un deuxième groupe avait reçu un autre médicament inotrope ou un médicament fictif ou des soins standards. Deux auteurs de la revue ont indépendamment examiné et recueilli les données.
Qu’avons-nous trouvé ?
Caractéristiques des études
Nous avons identifié 29 études portant sur un total de 3 307 patients adultes des deux sexes ayant subi une chirurgie cardiaque. Les études ont été menées dans différents hôpitaux en Europe, en Israël, au Japon, en Corée, en Turquie, au Canada et aux États-Unis. Neuf études ont été financées par le fabricant du médicament étudié. Dans 10 études, la relation avec l'industrie pharmaceutique n'a pas été déterminée. Lorsque nous avons demandé à tous les auteurs des études des informations supplémentaires sur leurs études, un seul auteur a répondu.
La majorité des études (24 au total) portaient sur le lévosimendan, un médicament inotrope. Les données disponibles ne nous ont donc pas permis de juger d'agents autres que le lévosimendan. Les participants ont reçu le médicament avant, pendant ou immédiatement après la chirurgie cardiaque. Ils ont été surveillés jusqu'à 30 jours.
Principaux résultats
Les patients traités par le lévosimendan avant une chirurgie cardiaque ont probablement un risque plus faible de réduction de la fonction cardiaque et de décès, et pourraient passer moins de temps en soins intensifs que les patients recevant un médicament fictif. Cependant, les données disponibles n'ont révélé aucune différence claire entre le lévosimendan et les soins standards ou le traitement par un autre médicament inotrope en ce qui concerne la prévention de la réduction de la fonction cardiaque et des décès, et la réduction du temps passé en soins intensifs après une chirurgie cardiaque. Les données disponibles n'ont pas non plus montré de différences claires dans la prévention des événements indésirables entre le lévosimendan et le traitement comparateur.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Nous avons peu confiance dans les données probantes, principalement en raison du petit nombre de participants inclus (les résultats sont très imprécis). Par conséquent, la plupart des résultats de la revue doivent être considérés avec prudence.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Ces données probantes sont à jour jusqu'en octobre 2022.
Le traitement prophylactique par le lévosimendan pourrait réduire l'incidence du syndrome bas débit cardiaque (SBDC) et réduit probablement la mortalité associée chez les patients adultes subissant une chirurgie cardiaque par rapport au placebo seul. Il n'est pas possible de tirer des conclusions sur les bénéfices et risques d'autres agents inotropes en raison des données limitées des études. Compte tenu du peu de données probantes disponibles, il existe un besoin non satisfait d'essais randomisés à grande échelle et bien conçus. Les études futures sur le lévosimendan devraient être conçues de manière à tirer un bénéfice potentiel de groupes de patients et de types de chirurgie spécifiques, ainsi que du protocole d'administration optimal.
À mesure que le fardeau des maladies cardiovasculaires augmente, le nombre de chirurgies cardiaques augmente. La chirurgie est de plus en plus pratiquée chez les personnes âgées présentant des comorbidités et qui présentent un risque plus élevé de développer des complications péri-opératoires telles que le syndrome bas débit cardiaque (SBDC). Les SBDC associés à la chirurgie représentent une pathologie grave responsable d'une morbidité et d'une mortalité importantes. La prévention des SBDC est un objectif essentiel et utile pour améliorer encore les critères de jugement et l'efficacité de la chirurgie cardiaque. Cependant, les directives soulignent de manière constante l’absence de données probantes concernant la prophylaxie pharmacologique du SBDC.
Évaluer les bénéfices et risques de l'utilisation prophylactique de tout agent inotrope pour prévenir le faible débit cardiaque ainsi que la morbidité et la mortalité associées chez les adultes subissant une chirurgie cardiaque.
Nous avons identifié des essais (sans restriction de langue) par recherches systématiques dans CENTRAL , MEDLINE, Embase et CPCI-S Web of Science en octobre 2022. Nous avons vérifié les références bibliographiques des études primaires et des articles de revue pour trouver d'autres références. Nous avons également effectué des recherches dans deux registres d'essais en cours.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur des adultes ayant subi une chirurgie cardiaque et ayant reçu un ou plusieurs agents inotropes à titre prophylactique par rapport à tout type de contrôle (c.-à-d. soins cardiaques standard, placebo, autres agents inotropes).
Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standards prévues par Cochrane. Deux auteurs de la revue ont extrait les données de façon indépendante et évalué le risque de biais selon un protocole prédéfini. Sur demande, nous avons obtenu une réponse et des informations supplémentaires auprès d'un seul des auteurs de l'étude incluse. Nous avons utilisé les cinq considérations GRADE (limites de l'étude, cohérence de l'effet, imprécision, caractère indirect et biais de publication) pour évaluer le niveau de confiance des données probantes des études qui ont fourni des données aux méta-analyses pour les critères de jugement pré-spécifiés. Sur la base des études identifiées, il y avait sept groupes de comparaison : amrinone par rapport au placebo, dopamine par rapport au placebo, milrinone par rapport au placebo, lévosimendan par rapport à dobutamine, lévosimendan par rapport à milrinone, lévosimendan par rapport aux soins cardiaques standard, et lévosimendan par rapport au placebo.
Nous avons identifié 29 études éligibles, incluant 3 307 personnes, et quatre études en cours. En général, la confiance dans les résultats des études analysées a été réduite en raison des limites des études pertinentes, de leur imprécision ou de leur caractère indirect. Les domaines de préoccupation comprenaient les méthodes inadéquates de génération de séquences et l'absence d'aveugle. La majorité des essais étaient de petite taille, avec seulement quelques participants inclus, et étudiaient l'utilisation prophylactique du lévosimendan.
Nos méta-analyses ont montré que le lévosimendan, par rapport au placebo, pourrait réduire le risque de syndrome bas débit cardiaque (SBDC) (risque relatif (RR) 0,43, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,25 à 0,74 ; I 2 = 66 % ; 1 724 participants, 6 études ; GRADE : faible) et réduit probablement la mortalité toutes causes confondues (RR 0,65, IC à 95 % 0,43 à 0,97 ; I 2 = 11 % ; 2 347 participants, 14 études ; GRADE : modéré). Cela se traduit par un nombre de sujets à traiter pour un résultat bénéfique supplémentaire (NSTb) de 8 à l'événement un événement de SBDC après l'opération et de 44 à la prévention d'un décès à 30 jours. Des analyses en sous-groupes ont révélé que les effets bénéfiques du lévosimendan étaient principalement observés lors de l'administration préopératoire de médicaments. Nos méta-analyses ont en outre indiqué que le lévosimendan, comparé au placebo, pourrait raccourcir la durée du séjour en unité de soins intensifs (USI) (différence de moyennes -1,00 jour, IC à 95 % -1,63 à -0,37 ; 572 participants, 7 études ; GRADE : très faible) et la durée de la ventilation mécanique (différence de moyennes -8,03 heures, IC à 95 % -13,17 à -2,90 ; 572 participants, 7 études ; GRADE : très faible) mais les données probantes sont très incertaines. Le risque d'événements indésirables ne différait pas clairement entre les groupes sous lévosimendan et sous placebo (choc cardiogénique : RR 0,65, IC à 95 % 0,40 à 1,05 ; I 2 = 0 % ; 1 212 participants, 3 études ; GRADE : élevé ; fibrillation auriculaire : RR 1,02, IC à 95 % 0,82 à 1,27 ; I 2 = 60 % ; 1 934 participants, 11 études ; GRADE : très faible ; infarctus du myocarde périopératoire : RR 0,89, IC à 95 % 0,61 à 1,31 ; I 2 = 13 % ; 1 838 participants, 8 études ; GRADE : modéré ; accident vasculaire célébral (AVC) non embolique ou accident ischémique transitoire : RR 0,89, IC à 95 % 0,58 à 1,38 ; I 2 = 0 % ; 1 786 participants, 8 études ; GRADE : modéré). Cependant, le lévosimendan comparé au placebo pourrait réduire le nombre de participants nécessitant une assistance circulatoire mécanique (RR 0,47, IC à 95 % 0,24 à 0,91 ; I 2 = 74 % ; 1 881 participants, 10 études ; GRADE : faible).
Il n'y avait aucune donnée probante concluante sur l'effet du lévosimendan par rapport aux soins cardiaques standard sur le SBDC (RR 0,49, IC à 95 % 0,14 à 1,73 ; I 2 = 59 % ; 208 participants, 3 études ; GRADE : très faible), la mortalité toutes causes confondues (RR 0,37, IC à 95 % 0,13 à 1,04 ; I 2 = 0 % ; 208 participants, 3 études ; GRADE : faible), les événements indésirables (choc cardiogénique : RR 0,62, IC à 95 % 0,22 à 1,81 ; 128 participants, 1 étude ; GRADE : très faible ; fibrillation auriculaire : RR 0,40, IC à 95 % 0,11 à 1,41 ; I 2 = 60 % ; 188 participants, 2 études ; GRADE : très faible ; infarctus du myocarde péri-opératoire : RR 0,62, IC à 95 % 0,22 à 1,81 ; 128 participants, 1 étude ; GRADE : très faible ; AVC non embolique ou accident ischémique transitoire : RR 0,56, IC à 95 % 0,27 à 1,18 ; 128 participants, 1 étude ; GRADE : très faible), la durée du séjour en USI (différence de moyennes 0,33 jour, IC à 95 % -1,16 à 1,83 ; 80 participants, 2 études ; GRADE : très faible), la durée de la ventilation mécanique (différence de moyennes -3,40 heures, IC à 95 % -11,50 à 4,70 ; 128 participants, 1 étude ; GRADE : très faible) et le nombre de participants nécessitant une assistance circulatoire mécanique (RR 0,88, IC à 95 % 0,50 à 1,55 ; I 2 = 0 % ; 208 participants, 3 études ; GRADE : faible).
Post-édition effectuée par Elissar El Chami et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr