Problématique
Les personnes qui suivent un traitement anticancéreux (chimiothérapie) se voient souvent insérer un cathéter (tube) dans une grosse veine, par lequel leur chimiothérapie est administrée. C'est ce qu'on appelle un cathéter veineux central (CVC). Comme la chimiothérapie est généralement administrée sur plusieurs mois ou années, on utilise des CVC de longue durée. Malgré une insertion et des soins stériles par la suite, ces CVC sont souvent infectés par un type de bactérie appelé bactérie gram-positive. L'administration d'antibiotiques à titre préventif (antibiotiques prophylactiques) avant la pose du cathéter, ou l'utilisation des antibiotiques comme solution de blocage ou de rinçage, ou les deux, pourraient prévenir ces infections. Une solution de blocage/rinçage est instillée dans le cathéter lorsqu'il n'est pas utilisé. Cette solution contient souvent de l'héparine, du sérum physiologique ou les deux, pour éviter la formation d'un caillot dans le cathéter.
Objectif de la revue
L'objectif de cette revue était de déterminer si l'administration d'antibiotiques avant l'insertion du cathéter ou comme solution de blocage/rinçage peut prévenir les infections liées aux CVC à Gram positif.
Quels sont les principaux résultats ?
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données pour identifier les essais contrôlés randomisés (ECR - études cliniques dans lesquelles des personnes sont placées de manière aléatoire dans l'un des deux groupes de traitement ou plus). Nous avons identifié 12 études pertinentes, qui ont inclus un total de 1244 adultes et enfants atteints de cancer.
Nous avons inclus six études (756 personnes) qui comparaient l'administration d'antibiotiques avant l'insertion du CVC à l'absence d'antibiotiques. Nous avons constaté que l'administration d'un antibiotique avant l'insertion du CVC ne permettait pas de prévenir les infections. Les auteurs des études n'ont pas décrit les effets secondaires.
Nous avons inclus six études (488 personnes) qui comparaient une solution antibiotique à une solution d'héparine seule pour rincer/bloquer un CVC. Nous avons constaté qu'une solution de blocage/rinçage antibiotique réduisait le nombre d'infections liées aux CVC. Les participants à une étude ont signalé un goût désagréable après le rinçage, et une autre étude a montré qu'il y avait moins d'obstructions du CVC (par exemple, un caillot) chez les personnes ayant reçu la solution combinée antibiotique et anticoagulante.
Niveau de confiance des données probantes
Le niveau de confiance des données probantes est modéré concernant l'administration d'antibiotiques avant l'insertion d'un CVC et les solutions de blocage/rinçage antibiotiques, car les études ont été réalisées chez différentes personnes, ont utilisé différents types de cathéters et d'antibiotiques, et ont mesuré leurs résultats de différentes manières.
Quelles sont les conclusions?
Nous n'avons pas observé de bénéfice à administrer des antibiotiques avant l'insertion de CVC de longue durée dans la prévention des infections liées aux CVC à Gram positif. Le rinçage/blocage des CVC de longue durée avec un antibiotique semble réduire les infections liées aux CVC à Gram positif chez les personnes atteintes de cancer. Il convient de noter que l'utilisation d'une solution de rinçage/blocage antibiotique pourrait accroître la résistance microbienne aux antibiotiques. Elle doit donc être réservée aux personnes à haut risque ou si les taux d'infection de base liés aux CVC sont élevés.
Cette revue met à jour notre revue précédente. Les données probantes sont à jour jusqu'au 19 novembre 2020.
Depuis la dernière version de cette revue, nous avons inclus une étude supplémentaire. L'administration d'antibiotiques avant l'insertion de cathéters veineux centraux (CVC) de longue durée pour prévenir les infections à Gram positif liées aux CVC n'a pas présenté de bénéfices. Le rinçage ou le blocage des CVC de longue durée avec une solution antibiotique réduit probablement les infections à Gram positif liées aux CVC chez les personnes à risque de neutropénie en raison d'une chimiothérapie ou d'une maladie. Cependant, l'hétérogénéité entre les études pour les deux critères de jugement constitue une limite de cette revue. Les données disponibles étaient insuffisantes pour évaluer si les conclusions s'appliquent de façon égale aux différents types de CVC et aux adultes par rapport aux enfants. Il convient de noter que l'utilisation d'une solution de rinçage/blocage antibiotique pourrait accroître la résistance microbienne aux antibiotiques ; elle doit donc être réservée aux personnes à haut risque ou si les taux d'infection de base liés aux CVC sont élevés. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier les groupes à haut risque les plus susceptibles de bénéficier de ces solutions de rinçage et de blocage contenant des antibiotiques.
Il s'agit d'une version actualisée d'une revue Cochrane publiée pour la dernière fois en 2013. Les cathéters veineux centraux (CVC) de longue durée, y compris les CVC tunnelisés (CVCT) et les dispositifs ou ports totalement implantés (DTI), sont de plus en plus utilisés pour le traitement des personnes atteintes de cancer. Malgré les directives internationales sur l'insertion stérile et l'entretien et l'utilisation appropriés des CVC, les infections restent une complication courante. Ces infections sont principalement causées par des bactéries gram-positives. Les stratégies de prévention antimicrobienne visant ces micro-organismes pourraient potentiellement réduire la majorité des infections liées aux CVC. L'objectif de cette revue était d'évaluer l'efficacité des antibiotiques en prophylaxie dans la prévention des infections à Gram positif chez les personnes atteintes de cancer et porteuses de CVC de longue durée.
Évaluer les effets de l'administration d'antibiotiques avant l'insertion de CVC de longue durée ou comme solution de rinçage/blocage, ou les deux, pendant l'accès au CVC de longue durée dans la prévention des infections à Gram positif associées aux CVC chez les adultes et les enfants recevant un traitement contre le cancer.
La recherche pour la mise à jour de cette revue a été effectuée le 19 novembre 2020. Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) de la Bibliothèque Cochrane, dans MEDLINE via Ovid et dans Embase via Ovid. Nous avons effectué des recherches sur le site ClinicalTrials.gov et sur le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS pour trouver des articles supplémentaires.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant soit l'administration d'antibiotiques prophylactiques avant l'insertion d'un CVC de longue durée à l'absence d'administration d'antibiotiques, soit l'ajout d'un antibiotique à une solution de rinçage/blocage sans antibiotique dans les CVC de longue durée, chez les adultes et les enfants recevant un traitement contre le cancer.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane. Deux auteurs ont indépendamment sélectionné les études, les ont classées et ont extrait les données sur un formulaire de collecte de données préétabli. Les critères de jugement d'intérêt étaient les infections à Gram positif associées aux cathéters et le nombre total de CVC et de jours de CVC. Nous avons regroupé les données en utilisant un modèle à effets aléatoires pour les méta-analyses. Nous avons utilisé l’approche GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes.
Pour cette mise à jour, nous avons identifié 310 études potentiellement pertinentes et les avons examinées pour vérifier leur éligibilité. Nous avons inclus un ECR supplémentaire avec 404 participants. La revue initiale comprenait 11 ECR portant sur un total de 840 personnes atteintes de cancer (adultes et enfants). Au total, cette revue a inclus 12 ECR avec 1244 participants.
Antibiotiques avant l'insertion du CVC
Six essais ont comparé l'utilisation d'antibiotiques (vancomycine, teicoplanine, ceftazidime ou céfazoline) à l'absence d'antibiotiques avant l'insertion d'un CVC de longue durée. Une étude n'ayant observé aucun événement d'infection lié au CVC dans aucun des deux groupes n'a pas été incluse dans l'analyse quantitative car il n'a pas été possible de calculer un risque relatif. L'administration d'un antibiotique avant l'insertion du CVC pourrait ne pas réduire les infections à Gram positif liées aux CVC (risque relatif combiné de 0,67, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,32 à 1,43 ; risque pour le groupe témoin par rapport au groupe d'intervention 10,4 % contre 7,3 % des participants ; 5 études, 648 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Nous avons cherché des données sur les effets indésirables, mais ceux-ci n'ont pas été décrits par les auteurs. Le risque global de biais a été jugé faible.
Antibiotiques comme solution de rinçage ou de blocage
Six essais ont comparé une solution combinée d'antibiotique (vancomycine, amikacine ou taurolidine) et d'héparine à une solution d'héparine seule pour rincer ou bloquer le CVC de longue durée après utilisation. Une étude n'a pas observé d'événements de sepsis liés aux CVC et n'a pas été incluse dans l'analyse quantitative car il n'a pas été possible de calculer un risque relatif. Le rinçage et le blocage des CVC de longue durée avec une solution combinée d'antibiotique et d'héparine ont probablement réduit le risque d'infections liées aux CVC à Gram positif par rapport à une solution d'héparine seule (rapport des taux regroupé de 0,47, IC à 95 % 0,26 à 0,85 ; rapport des taux du groupe témoin par rapport au groupe d'intervention 0,66 par rapport à 0,27 pour 1000 jours de CVC ; 5 études, 443 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Un essai a rapporté une incidence plus élevée d'occlusions et les participants d'un essai ont signalé un goût désagréable après le rinçage associé à une solution combinée d'antibiotique et d'héparine. Le risque global de biais a été jugé faible.
Post-édition effectuée par Celine Delluc et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr