Principaux messages
-Les déséquilibres de pouvoir entre les prestataires de soins et les consommateurs peuvent limiter la participation de ces derniers à la planification, à l’offre et à l'évaluation des soins de santé.
-Les déséquilibres de pouvoir au sein du partenariat pourraient être liés à la manière dont les consommateurs sont sélectionnés, dont les réunions sont organisées et dont les décisions sont prises.
-Pour établir des partenariats fructueux avec les consommateurs, les prestataires de soins de santé doivent prendre en compte ces déséquilibres de pouvoir.
-Certains consommateurs et prestataires de soins de santé estiment que les partenariats améliorent la culture et l'environnement physique des soins de santé, ainsi que la manière dont les soins de santé sont planifiés et développés.
Pourquoi est-il important que les consommateurs et les prestataires de soins de santé travaillent ensemble pour la planification, l’offre et l’évaluation des soins de santé?
Historiquement, les prestataires de soins de santé décidaient de la manière dont les soins de santé étaient planifiés, fournis et évalués. Plus récemment, l'accent a été mis sur l’élaboration de stratégies de soins qui répondent au mieux aux besoins, préférences et valeurs des consommateurs. C'est ainsi que les consommateurs se sont associés aux prestataires de soins de santé pour concevoir, fournir et évaluer les soins de santé. Souvent, les partenariats entre les consommateurs et les prestataires de soins de santé prennent la forme de groupes formels, tels que des comités, des conseils d'administration d'hôpitaux ou des groupes de travail.
Que voulions-nous savoir ?
Nous voulions explorer les points de vue et les expériences des consommateurs et des prestataires de soins de santé qui travaillent en partenariat pour planifier, fournir et évaluer les soins de santé. Nous voulions également identifier les principes de bonnes pratiques pour améliorer les partenariats formels.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons réalisé une synthèse de données probantes qualitatives afin de comprendre les points de vue et les expériences des prestataires de soins de santé et des consommateurs travaillant en partenariat. Une synthèse de données probantes qualitatives rassemble et analyse les résultats d'études qualitatives individuelles. Les études qualitatives utilisent des données collectées par le biais d'entretiens, de groupes de discussion, de questionnaires et d'observations.
La synthèse de données probantes qualitatives a été réalisée en collaboration avec un panel de parties prenantes composé de consommateurs et de prestataires de soins de santé. Le panel a collaboré avec l'équipe de recherche pour décider des questions à traiter, des études à inclure, de l’exhaustivité de l'analyse et de l'élaboration des principes de bonnes pratiques.
Nous avons recherché dans les bases de données des études qualitatives portant sur les points de vue et les expériences des consommateurs et des prestataires de soins de santé en matière de partenariat formel. Nous avons recherché les études publiées entre janvier 2000 et octobre 2018. Nous avons également consulté les sites web d'organisations impliquées dans les soins centrés sur les patients et sollicité des experts pour recenser des études pertinentes.
À partir de ces recherches, nous avons sélectionné 33 études pour une analyse approfondie. Les études provenaient de différents pays et de différents contextes (par exemple, hôpitaux ou cliniques communautaires) et impliquaient différentes personnes (y compris des patients sous-représentés) et différents types de partenariats formels (par exemple, des comités ou des groupes de pilotage).
Nous avons combiné les résultats des études et recherché des dimensions communes. Ces dimensions constituent nos conclusions. Nous avons évalué notre niveau de confiance en chacun des résultats en fonction de la pertinence, de la qualité et de la quantité des données. Nous avons regroupé les résultats par catégories.
Qu'avons-nous trouvé ?
Notre analyse a permis d'identifier 19 points, que nous avons regroupés dans les cinq catégories suivantes.
Facteurs contextuels influençant les partenariats : la politique gouvernementale, les processus, le financement et le contexte organisationnel des services de santé ont influencé les partenariats.
La sélection des consommateurs : La sélection des consommateurs s'est faite de différentes manières. Dans quelques études, les consommateurs ont été en charge eux-même du processus de sélection. Certaines personnes (en particulier les prestataires de soins ) ont estimé que les consommateurs devraient être représentatifs de la population clinique concernée par le partenariat. Certains prestataires de soins de santé ont estimé que l'expérience de certains consommateurs ne reflétait pas celle de l'ensemble de la population. Dans quelques études, les consommateurs ont parfois estimé qu’il était difficile de représenter un large éventail de points de vue communautaires.
Dynamique et processus de partenariat : Des interactions positives entre les prestataires de soins et les consommateurs ont amélioré les partenariats. Les réunions formelles et le manque de clarté quant au rôle du consommateur a pu limiter l’implication des consommateurs. Le statut professionnel des prestataires de soins, leurs connaissances techniques et l'utilisation du jargon ont pu intimider les consommateurs. Les consommateurs ont, dans certaines études, eu l'impression que leurs connaissances n'étaient pas valorisées. Les consommateurs pouvaient se sentir frustrés lorsqu'ils n'avaient pas de pouvoir de décision et que les prestataires de soins de santé dominaient l'ordre du jour des réunions.
Impacts perçus par les participants aux partenariat : Les partenariats formels ont pu avoir des effets positifs ou négatifs sur les prestataires de soins et les consommateurs.
Impacts perçus sur la planification, l’offre et l'évaluation des soins de santé : Les participant ont estimé que les partenariats formels pourraient améliorer la culture et l'environnement physique des soins de santé. Ils ont également estimé que les partenariats pourraient améliorer la stratégie et l’offre de soins.
Comment ces résultats peuvent-ils être mis en pratique ?
Les résultats ont permis d'élaborer des principes de bonnes pratiques pour les partenariats formels. Les principes comprennent le leadership et la culture des soins de santé, la diversité, l'équité, le respect mutuel, la vision commune et la communication régulière, le partage des ordres du jour et de la prise de décision, l'influence et la durabilité.
Quelles sont les limites des données ?
La plupart des résultats de cette revue ont été classés avec un niveau de confiance élevé ou modéré, ce qui signifie que les données probantes des résultats sont solides. Toutefois, une étude rapportant que les participants ont estimé que les partenariats formels améliorent l'évaluation des soins de santé a été jugée très faible, car elle reposait sur des données probantes moins solides.
Ces données sont-elles à jour ?
Ces données probantes sont à jour jusqu'en octobre 2018. La revue a pris plus de temps que d'habitude, en raison du fait que la recherche collaborative prend du temps, et du fait qu’elle a été réalisée pendant la pandémie de la COVID-19. Étant donné que la plupart des études ont un niveau de confiance élevé ou modéré, nous pensons qu'une mise à jour de la recherche ne modifierait pas les résultats de manière substantielle.
L’efficacité des partenariats formels avec les consommateurs nécessite une réflexion et une prise en compte par les prestataires de soins des déséquilibres de pouvoir qui pourraient limiter la participation des consommateurs. Ces déséquilibres pourraient être particulièrement marqués dans les procédures de sélection, la structure et le contenu des réunions et les processus de prise de décision. Les partenariats formels sont perçus comme améliorant l'environnement physique des soins de santé, la culture des soins de santé centrée sur la personne, ainsi que la planification et l’offre de soins. La mise en œuvre des principes de bonnes pratiques pourrait contribuer à corriger les déséquilibres de pouvoir, à renforcer les partenariats formels, à améliorer l'expérience des consommateurs et des prestataires de soins et à influencer positivement les résultats de ces partenariats.
Le partenariat avec les consommateurs pour la planification, l’offre et l'évaluation des soins de santé est une composante essentielle des soins centrés sur les patients. Il existe plusieurs façons de s'associer aux consommateurs pour améliorer les soins de santé, notamment les cadres formels de partenariat (tels que les comités, conseils ou groupes de pilotage). Toutefois, les points de vue et expériences des consommateurs et des prestataires de soins concernant ces cadres formels de partenariat restent controversés.
Dans cette synthèse de données probantes qualitatives, nous nous intéressons spécifiquement aux cadres formels de partenariat au sein desquels prestataires de soins et consommateurs collaborent à la prise de décision concernant la planification, l’offre et/ou l'évaluation des soins de santé. Le choix de ces cadres formels de partenariat se justifie par le fait qu'ils soient largement utilisés à travers le monde pour améliorer les soins centrés sur les patients.
Dans le cadre de cette synthèse de données probantes qualitatives, le terme « consommateur » fait référence à une personne qui peut être soit un patient, soit un soignant, soit un membre de la communauté et qui partage son point de vue et sa perception du partenariat formel avec des prestataires de santé. Le terme « prestataire de santé » désigne une personne ayant un rôle clinique, politique, de gestion ou administratif dans le domaine de la santé et qui participe à des partenariats formels à titre consultatif ou représentatif.
Cette synthèse de données probantes qualitatives est le fruit d’une collaboration avec un panel de parties prenantes (Stakeholder Panel) composé de consommateurs et de prestataires de soins de santé. La synthèse de données probantes qualitatives a été entreprise parallèlement à une revue d'intervention Cochrane intitulée Les effets du travail en partenariat entre les consommateurs et les prestataires de santé sur la planification, la prestation et l'évaluation des services de santé.
1. Synthétiser les points de vue et les expériences des consommateurs et des prestataires de soins de santé sur les approches formelles de partenariat visant à améliorer la planification, l’offre ou l'évaluation des soins de santé.
2. Identifier les bonnes pratiques en matière d’approches formelles de partenariat dans le cadre des soins de santé en passant par une analyse des points de vue et des expériences des consommateurs et des prestataires de soins.
Nous avons recherché dans MEDLINE, Embase, PsycINFO et CINAHL les études publiées entre janvier 2000 et octobre 2018. Nous avons inclus la littérature grise, notamment les sites web d'organismes politiques et de recherche pertinents impliqués dans la promotion des soins centrés sur les patients.
Nous avons inclus les études qualitatives explorant les perceptions et les expériences des consommateurs et des prestataires de soins de santé concernant le partenariats formels afin d'améliorer la planification, l’offre ou l'évaluation des soins de santé.
À l'issue d’une première étape de sélection des résumés et des textes intégraux, nous avons eu recours à un échantillonnage ciblé afin de sélectionner un échantillon d’études éligibles répondant à un ensemble de critères prédéfinis, notamment la richesse des données, les pays couverts par l’étude et le niveau de revenu des pays, les contextes, les participants et les types de partenariat. Une méthode de cadre théorique de synthèse (framework synthesis) a été utilisée pour synthétiser les résultats de l'échantillon. Nous avons ensuite évalué la qualité de chaque étude à l'aide de l'outil Programme de développement des compétences en évaluation critique (Critical Appraisal Skill Program, CASP). Nous avons évalué la validité de nos résultats à l'aide de l'approche GRADE-CERQual (Confidence in the Evidence from Reviews of Qualitative research).
Le panel des parties prenantes a été impliqué dans chaque étape de la revue, depuis l'élaboration du protocole jusqu'au développement des principes de bonnes pratiques.
A l’inclusion, 182 études répondaient aux critères d’éligibilité. Parmi ces études, 33 études ont été sélectionnées pour la synthèse finale. Ces études provenaient d'un large éventail de pays, dont 28 pays à revenu élevé et cinq de pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI).
Chacune de ces études portait sur les points de vue et expériences des consommateurs et/ou des prestataires de soins de santé en matière de partenariat formel. Les résultats ont été regroupés dans les catégories suivantes.
Les facteurs contextuels influençant les partenariats : la politique gouvernementale, les processus de mise en œuvre de la politique de santé et le financement, ainsi que le contexte organisationnel des soins de santé ont pu faciliter ou entraver les partenariats (niveau de confiance modéré).
Sélection des consommateurs : la sélection des consommateurs s'est faite de différentes manières et les consommateurs n'ont été en charge du processus de sélection que dans une minorité d'études (niveau de confiance élevé). La sélection de plusieurs consommateurs représentatifs de la population clinique concernée a été jugée souhaitable, en particulier par les prestataires de soins de santé (niveau de confiance élevé). Certains prestataires de soins de santé ont estimé que les expériences individuelles des consommateurs n'étaient pas généralisables à l'ensemble de la population, tandis que les consommateurs ont estimé qu'il pouvait être problématique de chercher la représentativité d’un large éventail d'opinions communautaires (niveau de confiance élevé).
Dynamique et processus de partenariat : une dynamique interpersonnelle positive entre les prestataires de soins et les consommateurs a facilité les partenariats (niveau de confiance élevé). Toutefois, les formats des réunions et l’absence de définition claire du rôle du consommateur a pu limiter l’implication des consommateurs (niveau de confiance élevé). Le statut professionnel des prestataires de soins, leurs connaissances techniques et l'utilisation du jargon technique ont pu intimider certains consommateurs (niveau de confiance élevé) et les consommateurs ont pu avoir l'impression que leur expérience n'était pas valorisée (niveau de confiance modéré). Les consommateurs ont pu également se sentir frustrés lorsque les prestataires de soins dominaient l'ordre du jour de la réunion (niveau de confiance modéré) et lorsqu'ils ne sont impliqués que de façon symbolique, par exemple en n'ayant pas de pouvoir de décision (niveau de confiance élevé).
Impacts perçus sur les participants au partenariat : le partenariat a pu avoir un impact positif ou négatif sur les prestataires de soins de santé et les consommateurs (niveau de confiance élevé).
Impacts perçus sur la planification, l’offre et l'évaluation des soins de santé : le partenariat a été perçu comme améliorant la culture des soins centrée sur le patient (niveau de confiance élevé), améliorant l'environnement physique des soins de santé (niveau de confiance élevé), améliorant la planification et l’offre de soins, par ex. en facilitant les soins en dehors des heures ouvrables ou les traitements à proximité du domicile (niveau de confiance élevé), renforçant l'appropriation des soins de santé par la communauté, en particulier dans les PRFI (niveau de confiance modéré), et améliorant l'implication des consommateurs dans la prise de décision stratégique, sous certaines conditions (niveau de confiance modéré). Les données probantes suggérant que le partenariat pourrait améliorer l'évaluation des soins de santé sont limitées (niveau de confiance très faible).
Ces résultats ont permis de développer des principes de bonnes pratiques pour un partenariat formel visant à promouvoir les soins centrés sur le patient. Les principes ont été élaborés en collaboration avec les différentes parties prenantes et comprennent le leadership et la culture des soins de santé, la diversité, l'équité, le respect mutuel, la vision commune et la communication régulière, les ordres du jour et la prise de décision partagés, l'influence et la durabilité.
Post-édition effectuée par Comsar Ndiaye et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr