Pourquoi est-il important d'améliorer la détection des caries dentaires ?
Les dentistes cherchent souvent à identifier des caries qui ont déjà atteint un niveau nécessitant une obturation. Si les dentistes étaient capables de détecter une carie dentaire alors qu'elle n’atteint encore que la couche superficielle de la dent (émail), il serait alors possible d'arrêter l’évolution de la carie et d’éviter le recours à une obturation. Il est également important de réduire le nombre de faux positifs où le traitement pourrait être administré en l'absence de caries, et l'amélioration des méthodes de détection visuelle pourrait réduire ces situations.
Quel est l’objectif de cette revue ?
L'objectif de cette revue Cochrane était de déterminer la précision des systèmes de classification visuelle pour la détection des caries dentaires précoces dans le cadre du bilan dentaire des enfants et des adultes qui consultent leur dentiste. Les chercheurs de Cochrane ont inclus 67 études pour répondre à cette question.
Qu'étudie cette revue ?
Deux principaux systèmes de classification visuelle ont été étudiés dans cette revue : le système international de détection et d’évaluation des lésions carieuses (ICDAS) et le système Ekstrand-Ricketts-Kidd (ERK). Un troisième groupe de classifications visuelles est rapporté et étiqueté comme « Autre » car les études n'ont pas indiqué quel système était utilisé. Nous avons étudié les caries sur les faces occlusales (surfaces de mastication des dents postérieures), les faces proximales (surfaces des dents voisines qui sont au contact les unes des autres) et les surfaces lisses.
Quels sont les principaux résultats de cette revue ?
La revue a inclus 67 études portant sur un total de 19 590 dents. Certaines études ont utilisé plus d'un type de système de classification, ce qui nous a fourni 71 ensembles de données à utiliser. Les résultats de ces études indiquent qu'en théorie, si les systèmes de classification visuelle devaient être utilisés par un dentiste pour un examen dentaire de routine dans un groupe de 1000 sites/surfaces dentaires, dont 350 (28%) présentent une carie précoce :
- l'utilisation d'un système de classification visuel indiquerait qu'environ 403 personnes auraient une carie dentaire précoce, alors que parmi elles, 163 (40 %) n'auraient pas de carie dentaire (faux positif - diagnostic incorrect) ;
- sur les 597 sites/surfaces dentaires dont le résultat indique l'absence de carie, 40 (7 %) présenteraient une carie précoce (faux négatif - diagnostic incorrect).
Un diagramme de ces résultats peut être consulté sur oralhealth.cochrane.org/visual-examination-classification-systems-results-0331c. Dans cet exemple, les systèmes de classification visuelle génèrent une forte proportion de faux-positifs. En l'absence de maladie, le traitement sera probablement non invasif, comme l'application d'un dentifrice à haute teneur en fluor, ou des conseils de santé bucco-dentaire, mais il entraînera un coût financier pour le patient ou le prestataire de soins.
Nous n'avons pas trouvé parmi les données recueillies de données probantes indiquant des niveaux de précision différents entre les systèmes de classification .
Les résultats des études de cette revue sont-ils fiables ?
Nous n'avons inclus que les études qui évaluaient des dents saines ou celles que l'on pensait atteintes de caries précoces. En effet, les dents présentant une carie profonde seraient plus faciles à identifier. Toutefois, quelques limites ont été relevées concernant la façon dont les études ont été menées. Ainsi, les systèmes de classification visuelle pourraient sembler plus précis qu'ils ne le sont en réalité, ce qui augmente le nombre de résultats de classification visuelle corrects. Nous avons jugé que le niveau de confiance des données probantes était faible en raison de la façon dont les études ont sélectionné leurs participants, du grand nombre d'études réalisées en laboratoire sur des dents extraites et de la variabilité des résultats.
À qui s’appliquent les résultats de cette revue ?
Les études incluses dans la revue ont été réalisées au Brésil, en Europe, au Japon et en Australie. Un grand nombre d'études ont effectué les tests sur des dents extraites, tandis que les études cliniques ont été réalisées dans des centres dentaires hospitaliers, des cabinets dentaires généralistes ou des écoles. Les études ont été réalisées entre 1988 et 2019.
Quelles sont les implications de cette revue ?
Nous avons observé une variabilité substantielle des résultats, ce qui n'est peut-être pas surprenant puisque l'utilisation de ces systèmes de classification implique une interprétation par l'utilisateur. Il existe une incertitude considérable quant aux résultats probables d'une étude future. D'autres études devraient être menées dans un cadre clinique.
Cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont recherché et utilisé des études publiées jusqu'au 30 avril 2020.
Bien que les intervalles de confiance des scores globaux des différents systèmes de classification visuelle indiquent une performance raisonnable, ils ne reflètent pas la confiance que l'on peut avoir dans la précision de l'évaluation en utilisant ces systèmes en raison du niveau considérable d'hétérogénéité inexpliquée évidente dans les études. Les limites d’agrément dans lesquelles la sensibilité et la spécificité d'une future étude devraient se situer sont très larges, ce qui constitue une réserve importante pour l'interprétation des résultats de cette revue. Si un traitement devait être mis en place suite à un faux positif, il s'agirait d'un traitement non invasif, typiquement l'application non justifiée d'un vernis fluoré, qui représente un faible risque d'effets indésirables mais des coûts et l’utilisation de ressources de santé.
Malgré la méthodologie robuste utilisée dans cette revue systématique, les résultats doivent être interprétés avec une certaine prudence en raison des limites dans la conception et l'exécution de plusieurs des études incluses. Les études visant à déterminer la précision diagnostique des méthodes de détection et de diagnostic des caries in situ sont particulièrement complexes à mener. Dans la mesure du possible, les études futures devraient être menées dans un cadre clinique, afin de fournir une évaluation réaliste des performances des tests dans la cavité buccale en tenant compte des contraintes liées à la plaque, la coloration des dents et la présence de restaurations, et d'envisager des méthodes pour limiter le risque de biais lié à l'utilisation de tests de référence imparfaits dans les études cliniques.
La détection et le diagnostic des caries initiales (non cavitaires) et modérées (de l’émail) sont fondamentaux pour atteindre et maintenir une bonne santé buccale et prévenir les pathologies bucco-dentaires. De plus en plus de méthodes de détection précoce des caries ont été proposées, qui pourrait soutenir les méthodes traditionnelles de détection et de diagnostic. Une identification plus précoce de la maladie pourrait permettre aux patients de recevoir un traitement moins invasif avec une plus faible destruction des tissus dentaires, réduire le recours à des procédures thérapeutiques générant des aérosols, et conduire potentiellement à une réduction du coût des soins pour le patient et les services de santé.
Déterminer la précision diagnostique de différents systèmes de classification visuelle pour la détection et le diagnostic des caries dentaires coronaires non cavitaires à des fins différentes (détection et diagnostic) et dans des populations différentes (enfants ou adultes).
Le spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur la santé bucco-dentaire a entrepris une recherche dans les bases de données suivantes : MEDLINE Ovid (de 1946 au 30 avril 2020) ; Embase Ovid (de 1980 au 30 avril 2020) ; US National Institutes of Health Ongoing Trials Register (ClinicalTrials.gov, jusqu'au 30 avril 2020) ; et le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS (jusqu'au 30 avril 2020). Nous avons étudié des références bibliographiques ainsi que des articles de revues systématiques publiés.
Nous avons inclus les études de précision diagnostique qui comparaient un système de classification visuelle (test index) avec un test de référence (histologie, curetage, radiographies). Il s'agit d'études transversales qui évaluaient la précision diagnostique d’un seul test index et d'études qui comparaient directement deux tests index ou plus. Les études rapportant des données à l’échelle du patient ou de la surface de la dent ont été incluses. Des études in vitro et in vivo ont été prises en compte. Les études qui ont explicitement recruté des participants ayant des caries atteignant la dentine ou des cavités franches ont été exclues. Nous avons également exclu les études qui créaient artificiellement des lésions carieuses et celles qui utilisaient un test index pendant le curetage des caries dentaires pour déterminer la profondeur optimale de curetage.
Nous avons extrait les données de façon indépendante et en duplicata en utilisant un formulaire standardisé d'extraction de données et d'évaluation de la qualité basé sur QUADAS-2 spécifique au contexte de la revue. Les estimations de la précision diagnostique ont été déterminées à l'aide de la méthode hiérarchique bivariée pour produire des points de synthèse de la sensibilité et de la spécificité avec des intervalles de confiance (IC) et des régions à 95 %, et des régions de prédiction à 95 %. La précision comparative des différents systèmes de classification a été effectuée sur la base de comparaisons indirectes. Les sources potentielles d'hétérogénéité ont été prédéfinies et explorées visuellement et de façon plus formelle par méta-régression.
Nous avons inclus 71 ensembles de données provenant de 67 études (48 réalisées in vitro) rapportant un total de 19 590 sites/surfaces dentaires. Les systèmes de classification les plus fréquemment rapportés étaient le système international de détection et d’évaluation des lésions carieuses (ICDAS) (36 études) et le système Ekstrand-Ricketts-Kidd (ERK) (15 études). Dans la présentation des résultats, aucune distinction n'a été faite entre la détection et le diagnostic. Seules deux études présentaient un risque de biais faible dans les quatre domaines, et 15 études présentaient un faible risque d'applicabilité dans les trois domaines. Le domaine de la sélection des patients présentait la plus forte proportion d'études à haut risque de biais (49 études). Quatre études ont été évaluées comme présentant un risque élevé de biais pour le domaine du test index, neuf pour le domaine du test de référence et sept pour le domaine du flux et de la synchronisation. En raison du nombre élevé d'études sur des dents extraites, les réserves concernant l'applicabilité étaient élevées pour les domaines de la sélection des patients et du test index (49 et 46 études respectivement).
Les études ont été synthétisées en utilisant une méthode hiérarchique bivariée pour la méta-analyse. Les résultats des différentes études étaient très variables : les valeurs de sensibilités allaient de 0,16 à 1,00 et les valeurs de spécificités de 0 à 1,00. Pour tous les systèmes de classification visuelle, les niveaux globaux de sensibilité et de spécificité estimés étaient respectivement de 0,86 (IC à 95 % : 0,80 à 0,90) et de 0,77 (IC à 95 % : 0,72 à 0,82), la valeur du rapport des cotes de diagnostique était de 20,38 (IC à 95 % : 14,33 à 28,98). Dans une cohorte de 1000 surfaces dentaires avec une prévalence de 28 % de caries de l'émail, 40 seraient classées comme exemptes de maladie alors que des caries de l'émail étaient réellement présentes (faux négatifs), et 163 seraient classées comme malades en l'absence de caries de l'émail (faux positifs). L'ajout du type de test au modèle n'a pas entraîné de différence significative dans les estimations de sensibilité ou de spécificité (Chi2(4) = 3,78, P = 0,44), ni l'ajout du type de denture primaire ou permanente (Chi2(2) = 0,90, P = 0,64). La variabilité des résultats n'a pas pu être expliquée par la surface de la dent (occlusale ou proximale), la prévalence des caries dentinaires dans l'échantillon, ni le test de référence. Une seule étude a intentionnellement inclus des dents restaurées dans son échantillon et aucune étude n'a signalé l'inclusion de scellements de sillons.
Nous avons estimé que le niveau de confiance des données probantes était faible, et nous avons abaissé de deux niveaux au total le risque de biais en raison des limites dans la conception et la réalisation des études incluses, du caractère indirect des études in vitro et de l'incohérence observée dans les résultats.
Post-édition effectuée par Kevimy Agossa et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr